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Elle fournit aussi le meilleur point de repère pour déterminer l'évolution de sa pensée théologique. On

trouve là le point de départ certain, le terminus a quo incontestable. Souvent le commentaire peut être daté avec la dernière des précisions. Par ailleurs

OH a en lui une base de départ très étendue, puisque l’auteur a dû y toucher a tous les problèmes et que ses silences eux mêmes sont significatifs. Comme il est œuvre de bachelier, il s’inscrit tout au début de la production littéraire, antérieur aux Questions disputées. aux travaux d’exégèse et aux œuvres de plus longue haleine, (l’est donc de lui qu’il faut partir pour apprécier les changements que l’auteur apportera dans son enseignement, les nuances qu’il y mettra, les aperçus nouveaux peut-être qu’il insérera. Il est le terme de comparaison permettant de mesurer les progrès et les acquisitions, parfois aussi les régressions et les abandons, quand des audaces de jeunesse ou des positions hasardées sont, après réflexion et confrontation, jugées moins sûres. I.e vrai travail de l’historien consisterait alors à rechercher les raisons qui ont amené ces progrès ou cette évolution, et les influences qui se sont exercées sur le maître en théologie. Ou bien encore, parce qu’il n’y a pas toujours changement, à souligner la tidélité que, d’un bout à l’autre de sa carrière, le maître a gardée à ses positions de bachelier. Ce sciait alors implicitement vanter la vigueur de pensée et l’originalité de ce dernier.

D’ailleurs cette originalité de la pensée est le troisième et non le moindre des renseignements que fournit l'étude des commentaires sur les Sentences. Elle suppose cependant qu’on l’ait menée par comparaison avec les autres productions contemporaines ou antérieures. Sans doute, dans certains cas l’originalité éclate d’elle-même : les réactions que provoque l’apparition d’un commentaire donné, les dénonciations ou les attaques dont il est l’objet, les polémiques qui s’engagent à son sujet attirent suffisamment l’attention ; ce sera le cas d’un Gilles de Home, d’un P.-J. Olieu, d’un Durand de Saint-l’ourcain, d’un Jean de Mirecourl, etc. Mais il n’en est pas toujours ainsi. Pourtant les commentaires ne sont pas tous semblables et, dans le cadre général qui leur est imposé à tous, l’initiative personnelle demeure très large, (l’est elle qu’il faut rechercher et découvrir. On ne le peut qu’en confrontant un ouvrage avec ceux qui l’ont précédé ou qui lui sont contemporains.

dette étude comparative pourra être poussée assez loin, et ne devrait négliger ni la forme ni le fond. Ce sera parfois dans la présentation que le bachelier innovera, dans la répartition différemment ordonnée des trois éléments de la leçon, dans ses formules aussi. Ce sera surlout dans le choix même des questions qu’il pose à l’intérieur de chaque distinct ion : des problèmes apparaissent brusquement que personne n’avait encore songé à soulever, ou du moins n’avait ose ni voulu loucher : d’autres. parcontre. qui étaient communément abordés dans les écoles voisines, sont volon tairement passés sous silence ou traités négligemment. C’est dans ces détails déjà que s’affirme une penser personnelle, que se trahissent aussi des préoccupai ions ou des curiosités nouvelles, et que se manifeste le désir d'échapper à certaines tutelles ou à certains cadres. I oui c 'la est significatif. I. 'introduction parfois d’une

simple question, ou le rattachement d’un problème a une place où nul n'était habitué a le traiter peut constituer une véritable révolution et Indiquer toute

unfaçon neuve de penser la théologie.

Il y faut ajouter enfin, à l’intérieur même de chaque « 1 il stion. cette lois, les positions doctrinales prises par le bac h lier, les sol ul ions au lequel les il s’arrête et celles

qu’il rejette ; les arguments dont il lait état et les

réponses qu’il apporte aux object ions art iculées contre

sa thèse. C’est là que se découvre le vrai jeu des Influences qui s’exercent, comme aussi des émancipations qui s’affichent, des emprunts faits à bon escient et des apports personnels plus ou moins prononcés. Cela suppose évidemment qu’on connaisse bien l'état de la pensée théologique et des principaux débats en cours au moment OÙ se forme l’auteur que l’on étudie. Toute monographie sérieuse pourtant devrait se livrer à ce travail avant de prononcer un jugement sur la personnalité ou l’originalité de celui qui en est l’objet. Oui ne voit comment pour ce travail fort délicat sans aucun doute, le commentaire sur les Sentences, à cause de l’ampleur des problèmes qu’il aborde, est la plus précieuse et la plus riche source d’information ?

2° Pour l'étude du mouvement ihéologique. Ce qui est vrai d’un auteur particulier, l’est également et plus encore peut être de la pensée théologique en général, de son progrès et de son évolution. Dans cette étude encore les commentaires sur les Sentences sont appelés à rendre des services inappréciables.

Ne serait-ce d’abord qu’en raison de leur structure uniforme qui permet immédiatement les rapprochements et comparaisons désirables, et de leur répartition régulière à travers toutes les périodes que Ton souhaite étudier. Veut-on par exemple suivre le développement d’une doctrine comme celle des dons du Saint-Esprit et de leur classification, il suffit d’interroger les commentaires sur le I. III, à la distinction XY surtout. Désire-ton connaître renseignement des scolastiques sur le sujet d’inhésion de la grâce et des vertus, on trouvera une documentation abondante dans le même livre, à la distinction précédente, ou à la dist. II. Voir sa parfaite utilisation par Th. Graf, De subjecto physico gratis et l’irtutum. dans Studio Ansclmiana. Rome, 1935. Ht il suffit de se reporter au gros ouvrage de M. Schmaus, Der Liber Propugnatorius des Thomas Anglicus mut die Lchruntcrschiede zwischert Thomas von.quin und Huns Scotus. Munster. 1930, pour voir combien les distinctions VI. XII, XXVI, XXVII et d’autres encore du I. I". lorsqu’elles sont étudiées à travers toute une série d’auteurs, fournissent de précisions sur l’idée de relation, sur la distinction entre les attributs divins, etc. Pour peu que ces documents soient classés chronologiquement et leurs influences réciproques établies, il devient possible de prendre sur le vif les progrès ou les fluctuations de la pensée théologique sur un point donné.

Or. c’est sur tous les points qu’on pourrait ainsi retracer l’histoire de son développement ; puisque tous sont traités chez tous. Ou n’a pas qu’une documentation fragmentaire, comme serait celle par exemple qui ne s’appuierait quc sur les Questions disputées. Il y a, à pied d’auvre de vraies richesses à exploiter. Des monographies savantes multipliées à propos des principales doctrines, rendront possible une large étude d’ensemble.

.Mais déjà avant d’entrer dans les détails des doctrines théologiques, il est une première orientation plus immédiate que les commentaires fournissent. I.a théologie s’y rend témoignage à elle-même ; clic S*J définit ; elle y dit ses ambitions, ses méthodes, son Objet. A mesure qu’elle prend conscience de ses possi bilités ou de ses devoirs, clic en lait l’aveu explicite. Il s’agit, on le devine, des toutes premières questions par lesquelles s’ouvre le premier livre des Sentences : soit à l’occasion du priiu ipium. destiné à faire l'éloge de la science sacrée et à Indiquer ses prétentions, soit a l’occasion du prologue de Pierre Lombard. I.e bachelier s’y applique doublement : car c’est sa prise de contact avec l’enseignement et en même temps sa profession de loi en cette discipline à laquelle il se