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1979 SERVICE MILITAIRE. DANS LA SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE 1980

Convaincu que la guerre peut être juste, saint Augustin enseigne que le soldat chrétien peut et doit défendre les armes à la main la respublica romana :

Si la discipline chrétienne réprouvait toute guerre, elle aurait conseillé aux soldats qui, dans l'évangile, demandaient un conseil de salut, de jeter leurs armes et de renoncer entière nent au seivice militaire. Au contraire, on se contente de leur dire : l’as de concussion ! pas de fiaude ! que votre solde vous suffise ! lui déclarant queleur propre solde devait leur suftïre, on ne leur inteidisait pas d’exercer le métier des armes. Que ceux qui prétendent que la doctrine du Chrixt est contraire à la République, nous donnent une année composée de soldats tels que les veut la doctrine du Christ… et ils conviendront que la République n’a pas de meilleurs soutiens. Epist., cxxxviii, n. 15 ; cf. clxxxix, n. t. /'. L., t. xxxiii, col. 531 et 855.

On trouvera d’autres textes de saint Augustin concernant la légitimité du service militaire dans Cari Erdmann, .Die Entstehuny des Kreuzzugsgedankens, Stuttgart, 1935, p. 5 sq. ; Joseph Mausbach, Die Ethik des hl. Auguslinus, t. i, Fribourg-en-B., 1909, p. 313. Cf. Grat., pars II », caus. XXIII tout entière, dans l'édition de Friedberg, t. i, p. 888-965. On le constate, saint Augustin est très éloigné des canons d’Hippolyte qui frappent de pénalités canoniques les soldats qui versent le sang.

Au ve siècle, saint Maxime de Turin († 465) ne fait aucune difficulté pour reconnaître que le service militaire est en soi exempt de péché ; il déclare toutefois que celui qui s’y engage en vue de pratiquer la rapine se rend coupable : non enim militare deliclum est, sed propter prsedam militare peccatum. liomil., exiv, n. 1, P. L.. t. lvii, col. 518. Le pape saint Léon le Grand s’est exprimé de façon semblable. Epist., clxvii, n. 14, P. L., t. liv, col. 1207.

Au Moyen Age.

1. Les pénitenliels. — La question de la licéité de la participation à la guerre semblait donc définitivement réglée par l'Église à la fin

du monde antique. Elle se posa cependant de nouveau au.Moyen Age, du moins dans l’Eglise latine. C’est ainsi qu'à l'époque de la pénitence tarifée, les pénitentiels ont frappé de peines canoniques ceux qui versaient le sang à la guerre. Le Psenitentiale Vallicellanum prirnum, n. 11, note : Si quis cuni rege in prselium hominem occiderit, quadraginta (lies pœnitentiam agat, et le Psenitentiale Yallicellanum secundum précise que cette pénitence doit être faite in pane elaqua. La même disposition se retrouve dans le pénitentiel de Cumméan, c. 1, ainsi que dans celui qui est dit de Paris, n. 53. Voir ces textes dans Schmilz, Die Bussbùcher und die Bussdisciplin der Kirche, .Mayence, 1883, p. 261, 655, 687, 440. Le pénitentiel dit d’Arundel est encore plus précis et plus sévère quand il édicté : qui in invasione putrix repugnando hostemocciderit tribus annis peeniteat.

2. Les évêques.

Raban Maur professe la même doctrine que ces pénitentiels dans une lettre qu’il écrivit a l’archevêque de Mayence, peu de temps après la bataille de Fontanet (25 juin 8 11). Nous lisons dans cette lettre :

Quod autem quidam homicidium quod nuper in sedicione et prtelio principum nostrorum perpetratum est excusant, quasi non necesse sit pro hoc cuilibet agere pœnitentiam, eo quod Jussu principum peractum sit et Dei judicio ita ferendum… oportel eos considerare qui liane necein nefariain defendere cupiunt, utrum lllos coram oculls i >ei quasi Innoxlos excusare possint, qui propter avarltlam qure omnium maloiura radis est… atque propter favorem dominoMini raorum temporalium œternum Deum contempserunt et mandata Uliua spernentes non casu sed per Industriam

homicidium perfecerunt, (L'édition « .-rit i<ino de celle lettre

dans Mon. Germ. hlst., Eplstolee, t. v, p. 104.)

Le texte de Kaban Maur a joui d’une grande autorite au Moyen Vge, Il a été inséré dans le pénitentiel de Raban Maur, /'. L., t. ex, col. 171 ; repris par RégÙlOO

de Prùm, dans son De ecclesiastica disciplina, t. II, c. iv, P. L., t. cxxxii, col. 295 ; cité par Burchard de Worms, Decretum, t. VI, can. 23, P. L., t. cxl, col. 770 ; et par Yves de Chartres, Decretum, pars X, c. 152, P. L., t. clxi, col. 736. On pourrait croire que la sévérité de Raban Maur provient du fait que les combattants de Fontanet prenaient part, comme il l'écrit, à une « sédition », à une guerre fratricide, et que, par conséquent, leur intention n'était pas pure, qu’ils n’avaient pris les armes que par amour de la rapine et pour gagner les bonnes grâces de leurs maîtres. Mais ce qui s’est passé à la fin du siècle, sous Jean VIII, montre que, dans le pays franc, l'Église était opposée à toute guerre. A cette époque, en effet, des évêques francs demandèrent au pape si ceux qui succombaient en guerre contre les infidèles pouvaient espérer le pardon de leurs péchés : utrum indulgentiam possint consequi deliclorum. Il est clair que si ces évêques avaient considéré la guerre contre les infidèles comme licite en soi et méritoire, ils n’auraient pas posé la question. Le pape leur répondit : Quoniam illi qui cum pietate christianse religionis in belli certamine cadunt, requies eos œtemæ vilæ suscipiet contra paganos atque infidèles strenue dimicantes… P. L., t. cxxvi, col. 816. La position de Jean VIII est nette ; ceux qui meurent pieusement en guerre, en combattant contre les ennemis de la foi, seront reçus dans le repos éterne 1. En donnant cet avis, Jean VIII se tenait dans la ligne de ses prédécesseurs. A plusieurs reprises, au cours des viiie et ixe siècles, les papes ont promis le salut éternel à ceux qui prendraient les armes pour la défense de l'Église romaine. C’est ainsi qu’Etienne II, en 753, écrivait aux Francs : Pro cerlo habentes, quod per certamen quod in ejus (S 1 Pétri) Ecclesiam, vestram spirilalem matrem fecerilis, ab ipso principe aposlolorum ve Ira dimiltantur peccala. Mon. Germ. hist., Epistolæ, t. iii, p. 488. Un siècle plus tard, Léon IV écrivait : quisquis in hoc certamine ftdeliter mortuus juerit régna illi cœlestia minime negabuntur. Ibid., t. v, p. 601. Contrairement à cet avis si net des papes, Fulbert de Chartres n’en impose pas moins une pénitence d’un an à ceux qui versent le sang à la guerre. De peccatis capitalibus : Si quis hominem occiderit…. in bello, uno anno pteniieat, P. L., t. cxli, col. 339.

Odon de Cluny se meut dans le même ordre d’idées, quand, dans la vie du comte Gérard, il loue ce dernier d’avoir combattu la pointe de la lance en arrière afin de ne pouvoir ni tuer ni blesser ses ennemis. Vita Gerardi comilis, P. L., t. cxxxiii, col. 639 sq. A partir de la seconde moitié du xie siècle, toute pénalité canonique visant ceux qui ont versé le sang en guerre disparaît des collections canoniques.

Il semble que si l'Église, au début du Moyen Age, est revenue à l’ancienne discipline qui proscrivait toute elïusion du sang, c'était dans le but de combattre efficacement la brutalité des peuples germaniques, fort enclins aux actes de violence et au meurtre, et pour les amener, par la voie des pénalités canoniques, à la mansuétude chrétienne.

En Orient.

On a noté plus haut qu’au cours du

Moyen Age, la question de la licéité de la participation à la guerre ne s'était pas posée dans l'Église d’Orient. On peut cependant relever un fait qui s’y rapporte. L’empereur Nicéphorc l’hocas (963-969) voulait que ceux qui succombent dans les combats fussent honorés comme des martyrs et qu'à leurs funérailles on ne chantât pas l’office des morts, mais celui des martyrs. Le patriarche Polyeucte lui lit remarquer que « ceux qui tuent et sont tués en guerre ne sauraient être assimilés aux martyrs, les saints canons les frappant de censure et les privant de la participation aux saints

mystères pendant trois ans ». Zonaras, Amurfes, P. G., i. ( xxxv, col. 121.