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SIC KM DE BRABANT. ŒUVRES


certains tenants de l'école augustinienne. L’agitation croit toujours. Dès le milieu de 1270, des listes circulent, contenant treize propositions condamnables, parfois même quinze (car on y a joint deux thèses, thomistes celles-là) ; on en veut saisir l’opinion avant d’en saisir officiellement les autorités. Albert le Grand est questionné à leur sujet par Gilles de Lessines, un de ses anciens étudiants, alors bachelier à Paris. On a sa réponse à cette consultation dans le De quindecim problemalibus. Finalement, le 10 décembre 1270, l'évêque de Paris, Etienne Tempier, en prononce la condamnation. Voir Denifle-Chatelain, Chartularium un in. Paris., t. i, p. 48(>-487. Ces treize articles se laissent ramener aux quatre grandes doctrines constitutives de l’averroïsme latin : 1, Négation de la providence divine dans l’ordre de la contingence (art. 10, 11, 12) ; 2. éternité du monde (art. 5, 6) ; 3. unité numérique de l’intelligence humaine (art. 1, 2, 7, 8, 13) ; 4. négation du libre arbitre (art. 3, 4, 9).

La condamnation portait : isti sunt errores condempnali et excommunicati cum omnibus qui eos docuerint scienter vel asseruerini. C'était l’excommunication avec toutes ses conséquences qui pesait sur Siger. Quelle fut son altitude ? Il est probable, tout d’abord, qu’il en appela, ou que lui et ses partisans contestèrent la légitimité de cette mesure ; une question posée à saint Thomas dans sa dispute quodlibétique de mars 1271 le laisserait entendre : « Doit-on éviter les excommuniés lorsque les gens compétents ont des opinions diverses sur leur excommunication ? » Quodl., iv, 14. Il est vraisemblable aussi qu’il continua à professer ses doctrines, sinon ouvertement comme jadis, du moins sous le manteau et dans de petits cénacles ; à moins qu’il ne les ait partiellement amendées, comme on dira plus loin. Une chose est certaine toutefois, c’est que son influence ne cesse de croître, et qu'à nouveau il fait figure de chef de clan et de fauteur de schisme. Car, de décembre 1271 jusqu’au 7 mai 1275, la faculté des arts se trouve, comme en 1266, scindée en deux partis : le parti d’Albéric et le parti de Siger. Le prétexte en fut l'élection du recteur. La majorité des suffrages des quatre nations se porta, à l'élection de Noël 1271, sur Albéric de Reims ; mais une minorité à la tête de laquelle se trouve Siger contesta l'élection. L’accord ne put se faire. Au trimestre suivant, la minorité n’ayant pas été convoquée pour la nouvelle élection, s'érigea en fraction indépendante, et se nomma son recteur et ses officiers. Mais ce n’est plus cette fois, comme en 1260, un litige entre nations ; c’est très certainement un conflit d’opinions qui sépare ces deux partis. On en a la preuve, surtout dans le décret promulgué par le parti d’Albéric le 1 er avril 1272. Or, la minorité n’est autre que le parti averroïste, groupe autour de Siger. On calcule qu’ils purent former sans doute, comme effectifs, le sixième de la population, maîtres et étudiants, de la faculté des arts. Ce régime anarchique (aggravé encore en 1273 par une grève scolaire qui atteignit toute l’université) dura trois années, après lesquelles, d’un commun accord, on recourut connue la première fois, à l’arbitrage du légat Simon de Brion. Sa sentence est datée du 7 mai 127°) ; el lui-menu-, pour mettre fin au schisme, désigna comme recteur maître Pierre d’Auvergne. La sentence menaçait des foudres de l'Église et de châtiments sévères les perturbateurs de la paix et les fauteurs de division. Il est probable (pu-, dès lors, certains cours reprirent l’allure clandestine que réprouve, en septembre 127(i, un décret de l’Université. Chartul. univ. Paris., t. r, p. 539.

Mais l’atmosphère demeurait trouble. Ouice fût OU non le l’ait de Siger et qu’il y ait OU non une connexion a établir cuire ses doctrines et les abus d’ordre moral et doctrinal que beaucoup constataient et

déploraient à Paris, le pape Jean XXI demanda, le 18 janvier 1277, une enquête à l'évêque de Paris, Etienne Tempier. Celui-ci instrumenta et, dépassant sans doute la mission qui lui était confiée, porta, le 7 mars 1277, condamnation solennelle de 219 propositions, représentant l’enseignement de certains maîtres es arts, ainsi que de divers livres de nécromancie. A la vérité, on y sent l’intention plus ou moins avouée de porter un coup au péripatélisme entier, soit dans sa forme averroïste telle qu’on la trouvait chez Siger, soit dans sa forme chrétienne, telle que l’avait pu proposer Thomas d’Aquin. Les auteurs et auditeurs de ces propositions étaient frappés d’excommunication, si dans les sept jours ils n’avaient point fait d’aveux à l'évêque ou au chancelier.

Siger de Brabant ainsi que Bernier de Nivelles quittèrent Paris. Six mois plus tard, par un acte du 23 novembre 1277, l’inquisiteur de France, Simon Du Val, les citait tous deux à son tribunal. Mais Siger, comme il en avait le droit, en appela de la juridiction de l’inquisiteur de France à l’autorité pontificale. Il se rendit à la Curie pour y présenter sa défense et y plaider sa cause. Il ne put éviter la condamnation de ses thèses comme hérétiques ; mais lui-même s'étant soumis aux rétractations qu’on lui imposa, se vit condamner à une réclusion perpétuelle, sous sa forme mitigée d’internement à la Curie romaine. Il mourut à Orvieto, où la Curie s'était transportée, en 1281 ou 1282 peut-être (avant novembre 1284 certainement), assassiné par son clerc.

II. Œuvres. — Dans l'état actuel de nos connaissances, tout classement chronologique serait prématuré, et tout classement logique bien provisoire encore. Sans vouloir préjuger des précisions ultérieures, on s’en tiendra ici à la distinction entre les œuvres éditées (1-9) et les inédites (10-20).

Impossibilia.

D’après les statuts de 1252, le

bachelier doit pouvoir certifier qu’il a suivi pendant deux ans les cours d’un maître, el per idem tempus de sophismatibus in scholis requisilus responderit. Les Impossibilia de Siger ne sont autre chose qu’une série de ces exercices pratiques de sophistique : six sophismes proposés par Siger et résolus par lui dans une ou plusieurs disputes publiques. Le texte en a été édité à deux reprises : par Cl. Bâumker, Die Impossibilia des Siger l’on lirabant, dans les Beitrûge…, t. 1, fasc. G, Munich, 1898 ; puis par P. Mandonnet, Siger de iïrabant et l’averroïsme (nous citerons ici d’après la 2e éd., Couvain, 1911), t. n. p. 74-94. On en connaît trois manuscrits. C’est d’après celui de Paris, Bibl. nat., lai. 10 297, que l'édition est faite. Il se peut toutefois qu’il y ait eu deux rédactions (comme on le verra pour les ouvrages suivants). Inc. : Convocatis sapienlibus sludii i’arisiensis proposait sophisla quidam…

2° De seternitate, mundi. Petit traité, issu peutêtre d’une question disputée au cours et rédigée par le maître. Quatre mss l’ont conservé : Paris, Bibl. nat., I<d. l(i 287, fol. 78 v°-80 v". qui est un recueil scolaire composé sur place, dans les années 127$1-$2272, par Code-froid de Fontaines, compatriote et peut être élève de Siger (B) ; puis Paris, Bibl. nat.. lot. 10 222, fol. 71-71) (A) ; Pise. Semin. Santa C.ateritxa 17, fol. 110 v" (C)i Lisbonne. Xacion. fond. Gérai 2299, fol. 1 10 v"-l II (D). Tout un problème littéraire se pose là, car les leçons de A, C, D, se rejoignent généralement contre celles de B ; mais ce dernier semble bien présenter un texte revisé par Siger et traduisant plus exactement ses nuances. On a de cet opuscule quatre éditions : P. Mandonnet. Siger, l™ éd. (1891), d’après A ; 2° c-dit. (1908), d’après B ; B. Barsotti, Sigeri de Brabantia, De seternitate mundi ad fldem manuscriptorum (Munster, 1933), d’après A, C, D ; YV.-.L Dwycr, L’opuscule de Siger de lirabant De tvternitate mundi »,