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Snl’llOMK. DOCTRINE

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après la menace du jugement annoncée et décrite en quelques traits rapides aux ꝟ. 8 et 9, apparaîtrait ainsi, comme il est d’usage chez les prophètes, l’espoir du salut messianique dont la description commencée au f. Il du c. ii, remis à sa place, se poursuit dans le t. 10 du C. m et les suivants. S’il est difficile de rendre compte des raisons de cette transposition du verset, on sait du moins, par d’autres exemples, que de telles transpositions ne sont pas rares dans les textes de l’Ancien Testament. Cf. J. Calés, L’authenticité de Sophonie, '/, Il et son contexte primitif, dans Recherches de science religieuse, 1920, p. 355-357.

L’authenticité du c. m a été également l’objet de nombreuses controverses. Les sept premiers versets en ont été contestés, tantôt parce qu’on y relève la présence d’aramaïsmes i Wellhausen, Schwally), tantôt parce que les griefs formulés contre Jérusalem ne répondent plus à la situation décrite au c. i (Marti). Mais la présence d’aramaïsmes n’a rien d'étonnant chez un écrivain juif de la fin du vile siècle (Kautzsch), et d’autre part les griefs contre Jérusalem, traitée de rebelle et de souillée, refusant sa confiance à Jahvé, les allusions à l’arrogance de ses prophètes et à la corruption de ses juges et de ses prêtres ne contredisent nullement ce que l’on sait des circonstances de l'époque à laquelle vivait le prophète ; ici d’ailleurs, ainsi qu’au début de son oracle, Sophonie s’attaque aux désordres sociaux dont les classes dirigeantes, juges, prophètes et prêtres étaient les fauteurs.

Les t- 9-10, tenus pour une interpolation (Nowack), parce qu’ils briseraient l’enchaînement des ꝟ. 8 et 11, sont exigés au contraire par l’ordre accoutumé des oracles prophétiques, où après le jugement vient la restauration, marquée par le triomphe de Jahvé sur les nations païennes et la conversion de ces dernières.

Si, pour les treize premiers versets du c. III, la critique est généralement revenue a une plus juste appréciation de leur authenticité, nombreux par contre subsistent encore les préjugés contre la fin du livre, III, 14-20, célébrant la glorification d’Israël. Le ton certes en est nettement différent de celui du reste de l’oracle : au lieu des sombres perspectives du début c’est ici l’annonce du relèvement d’Israël et de sa gloire parmi toutes les nations ; il semble que la sentence de condamnation a déjà reçu son exécution, si bien que l’on croirait entendre un auteur de la fin de l’exil plutôt qu’un contemporain du roi Josias ; « entre l'état de choses décrit ici et celui que suppose le c. i, il n’y a pas seulement quelques années ou quelques dizaines d’années mais presque un siècle ». Buddc, Die liùcher Habakuk and Sephanja, dans Theologische Sludien und Kritiken, 1893, [>. 394 ; c’est la même conclusion qu’imposerait la constatation de l’influence exercée par l’enseignement du Deutéro-Isaïe sur ces derniers versets du livre de Sophonie. Stonehouse, The books of Zephaniah and Nahum, 1929, p. 22. Ces considérations ne sont pas convaincantes, aussi l’authenticité de l'épilogue du livre de Sophonie peut et doit être maintenue. Celui-ci en effet demeure dans l’esprit de la prophétie en général et de l’oracle de Sophonie en particulier, Pour l’un comme pour l’autre, l'épreuve annoncée n’est pas pour l’anéantissement du peuple mais pour son relèvement par l’expiation salutaire. Dès le début de sa pré

dication et a plusieurs reprises dans la suite, le pro

phète laisse entendre que l’extirpation des éléments mauvais de Jérusalem sera réalisée au Jour de Jahvé, i, | (i. tandis que les humbles, demeurés fidèles a la loi et ; i la justice, eonst i I ueron I le noyau d’un peuple nouveau, ii, 9 ; iii, 12, U. lue telle perspective était bien faite pour susciter l’enthousiasme du prophète dont

l’hymne triomphal de tn, l l 20, est l’expression. L’imminence de l'épreuve n'était pas telle qu’elle pût interdire l’explosion de ici enthousiasme et de la joie du

prophète à la pensée de la restauration future. Van Hoonæker, op. cit.. p. 53 1. A l'égard de ces derniers versets du livre la critique a, d’ailleurs, en partie du moins, modifié son altitude ; c’est ainsi que Sellin qui, dans la l™ édition de son commentaire, 1922, tenait encore ni. 1 l-2n. pour une glose, ne retient plus comme telle que le ꝟ. 20 dans sa 2e édition, 1930. Quant à ce dernier dont Sellin fait une glose parce qu’il ne serait (prune simple répétition, il appartient lui aussi à l’oracle primitif, car à l’idée exprimée précédemment, ꝟ. 9, de l’honneur recouvré par Israël dans son propre pays s’ajoute celle de l’honneur que C peuple a recouvré également parmi toutes les nations en raison de son bonheur et de sa puissance. Cf. Junker, op. cit., p. 88.

Texte et forme littéraire.

Si dans l’ensemble le

texte massorétique du livre de Sophonie est suffisamment bien conservé, plusieurs passages, moins nombreux que le laisseraient supposer les corrections parfois arbitraires de Wellhausen et de Nowack, sont douteux ou altérés. Des variantes que présente la version des Septante plusieurs peuvent être retenues pour la reconstitution de la leçon originale de l’hébreu. Buhl, toc. cit. ; Bachmann, Zur Texlkritik des Propheten Z.ephania, dans Theologische Studien und Kritiken, 1894, p. 641-655 ; Lippl, Bas liuch des Propheten Sophonias, p. 42-60.

Ce texte est écrit sous forme poétique et le plus souvent selon le mètre élégiaque, qînâh, caractérisé par 3 + 2 arsis (élévation de la voix sur la syllabe accentuée). Sur une reconstitution métrique de l’oracle de Sophonie, voir Lippl, op. cit., p. 68-72.

Quant au style même du prophète, il n’est pas, ainsi que le prétendent maints critiques, dans la dépendance de l'œuvre de ses devanciers, car il n’est en lait aucun passage du livre poui qui l’on puisse avec certitude établir un lien littéraire avec quelque auteur antérieur, bien que des rapprochements puissent être suggérés avec tel passage d’Amos, d’isaïe ou de Miellée. Assez souvent au contraire se rencontrent des ternies, des formes grammaticales et ('es tournures de phrase, peu fréquents par ailleurs dans l’Ancien Testament, et qui se trouvent également dans l'œuvre de son contemporain Jérémie ; le fait n’a rien d'étonnant. La pensée du prophète s’exprime en général avec clarté et vigueur ; le sentiment très vif du péril qui menace son peuple, l’imminence de ce danger et l’espoir d’en conjurer en partie du moins les funestes effets inspirent à Sophonie la description saisissante du Jour de Jahvé : « Il est proche le grand Jour de Jahvé… ce sera un jour de colère, un jour d’angoisse et d’affliction, un jour de renversement et de bouleversement… J’accablerai les hommes et ils marcheront comme des aveugles… leur sang sera répandu comme la poussière et leurs cadavres comme l’ordure. « i, 11-17. S’il n’a pas l’art de Nahum, ni la puissance d'émotion de Jérémie, notre auteur n’est cependant pas, même au seul point de vue littéraire, indigne de figurer parmi les prophètes du vue siècle.

Doctrine.

1. Le jugement. Le message de

Sophonie consiste essentiellement dans l’annonce d’un jugement de Jahvé sur Juda et sur tous les peuples de la terre. Que cette annonce ne soit pas spéciale à Sophonie, mais qu’elle soit déjà le fait de ses devanciers,

ios, Isaïe et Mie liée, c’est certain ; il n’en est pas moins vrai qu’il lui a donné nue expression plus nette el plus claire et qu’il en a lait l’enseignement unique de sa prédication.

La notion du jugement divin dérivait de celle de la

justice de Jahvé, dont les prophètes du viiie siècle

s'étaient complu à décrire les exigences, (.'est parce

qu’il est juste, quc Jahvé ne saurait tolérer indéfiniment les désordres et les infidélités dont le nombre et