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SORCELLERIE. DIFFUSION


à objet religieux, en logique pure, est postérieure à la religion qui lui enseigne l’existence d’une puissance supérieure ; mais, en pure psychologie, elle peut suivre de près l’éveil religieux, parce qu’une intelligence moins droite, un égoïsme plus accusé pourra penser très vite qu’il peut s’emparer de cette divinité. Dans le développement ethnologique, " il serait nécessaire de noter les différentes évolutions de la magie en distinguant, selon les cycles culturels, les êtres surnaturels sur lesquels le magicien prétend exercer son pouvoir. On constaterait peut-être que la magie ne s’adresse jamais à l’Être qui est conçu comme suprême. Ce travail, au reste, présente des difficultés considérables par suite de multiples interférences et de nombreux points communs ». Cf. A. Vincent, loc. cit., p. 95.

Le monde oriental.

On a prétendu qu’ « il n’y

a pas d’indices, dans l’histoire de la sorcellerie et de ses procédés ésotériques, d’une influence directe de l’Orient sur l’Occident ». A. Delatte, Recherches sur le cérémonial usité chez les anciens pour la cueillette des plantes magiques, 193C, note, p. 13. Cependant, si les prêtres égyptiens, par exemple, et les ancêtres de la gnose alexandrine recueillirent les secrets des mages de Babylonie, n’est-il pas à croire que leurs humbles satellites, fakirs, médiums et autres sorciers, profitèrent, eux aussi, des lumières de l’Orient ? Les textes d’ailleurs sont là pour rappeler que la vulgarisation des textes magiques indiens fut universelle dans les pays d’influence hindoue. Cf. J. l-’illiorat, Élude de démonologie indienne, 1937, passim. Les doctrines et les techniques, magiques d’abord, scientifiques ensuite, y ont été adoptées de bonne heure, indépendamment de toute croyance religieuse ; pareillement les parangons de la sorcellerie, les « démones » ravisseuses d’enfants, héritières des ogresses védiques, ont été groupées sous l’égide du démon Kavana, dans les Kamâratantra sanscrits, thibétains et tamouls ; et les formules appropriées d’exorcismes passèrent, en rivales d’abord, dans les livres de médecine. Plus près de nous, la magie des tsiganes, qui sont d’origine hindoue, a certainement influencé la sorcellerie occidentale. Œ même, un certain nombre de pratiques grecques sont passées presque intégralement dans la magie populaire arabe. Enfin, « dans les ouvrages de sorcellerie qui se cachent aujourd’hui dans le peuple, le Grand et le Petit Albert, le Dogme et rituel de la haute magie, on constate que certaines pratiques encore en usage nous viennent, en ligne directe et sans aucun changement, de la plus haute antiquité ». A. Vincent, loc. cit., 1939, p. 70. Cf. Fr. Cumont, L’Egypte des astrologues, Bruxelles, 1937, et Les mages hellénisés, Paris, 1938.

Aussi, quand on aborde le terrain de l’histoire, on trouve la sorcellerie solidement installée dans les pays les plus divers : chez les Chinois connue chez les Assyriens, en Egypte comme en Gaule. Voir l’art. Magik, ci-dessus, t. ix, col. 1516-1517. En Perse, les vieilles croyances naturistes des tribus iraniennes faisaient aussi une grande place à la sorcellerie. Sous ce rapport, on peut bien maintenir que la Perse a été le berceau de la magie populaire et qu’elle a tout au moins donné leur nom aux sorciers du monde ancien, puisque les « mages » faiseurs de miracles étaient originairement les prêtres du mazdéisme. Cependant ce n’est pas sans étonnenient que les orientalistes récents, en lisant Zend Avesla. les livres sacrés du zoroastrisme, ont constaté l’élévation de son dogme et la pureté incomparable de sa morale : Zoroastre adore un dieu suprême, Ahoura-MaLda ; il abomine le culte rendu à Ahriman et à ses (levas et par là même condamne absolument la sorcellerie ; il ignore les spéculations astrologiques et la divination sidérale des

! Babyloniens. Nous avons là un mouvement de réforme religieuse parallèle à la réforme politique d’IIamniourabi, qui proscrivait aussi, au nom du bon ordre, les

1 maléfices des sorciers, Code d’ilammourabi, c. 1 et 2. Mais aucun de ces mouvements n’a réussi à stériliser, dans les milieux éloignés des centres, le mauvais levain des cultes primitifs. C’est justement parce que les mages que les Grecs ont connus n’étaient pas des zoroastriens orthodoxes, ’mais des maguséens de la diaspora iranienne, » qu’ils restèrent si attachés à leurs vieilles recettes magiques. Après la conquête de Cyrus, ils entrèrent en contact avec les Chaldéens de Mésopotamie et subirent fatalement l’ascendant d’un clergé qui était alors le plus instruit du monde. A Babylone, ils apprirent l’astrologie et la haute magie, acquisitions qu’ils attribuèrent naturellement à leur fondateur, Zoroastre, dont la sagesse ne pouvait les avoir ignorées. Selon les mages hellénisés de l’époque des Séleucides, Zoroastre a inventé la magie ; ce sont eux qui en ont donné le fondement doctrinal suivant : le premier principe est le Temps infini, qui a engendré les frères jumeaux, mais ennemis, Ahoura-Mazda et Ahriman, dieux, l’un du bien, l’autre du mal et des sortilèges. Nous sommes loin du mazdéisme dans sa rigueur originelle. Cf. A. Vincent, loc. cit., 1939, p. 406, recensant L. Bidez et Fr. Cumont, Les mages hellénisés, 1938. Il reste vrai de dire avec te dernier : « Si les Perses n’ont pas inventé la sorcellerie — car elle est vieille comme le monde — ils ont été du moins les premiers à l’édifier sur un fondement doctrinal, le dualisme mazdéen » de la dernière époque. Même après ces importantes précisions, on peut encore se demander : « Sous quelle influence la magie perse s’est-elle propagée, ce sont là des questions encore mal élucidées. » Fr. Cumont, dans Rev. d’hist. et litt. relig., 1906, p. 46. Mais on ne saurait certes exagérer la contamination des croyances iraniennes par les sorciers chaldéens, qui pratiquaient traditionnellement la divination, et aussi la médecine magique : nulle part comme à Babylone, la différenciation progressive qui distingua partout la science et la religion de la sorcellerie, ne resta moins avancée.

Chez les Juifs, la sorcellerie interdite par les textes législatifs du Pentateuque pouvait bien être autochtone ; mais les prophètes en dénoncent une autre plus virulente venue de chez les Philistins, Is., ii, 6 ; iii, 2, et de chez les Assyriens plus tard. Au temps de Jésus on voit que beaucoup de prodiges et de conjurations se font au nom de Béclzébub, prince des démons.

Le monde gréco-romain.

Chez les Grecs et les

Romains, il y eut une magie demi-savante domiciliée en quelques illes retirées : certains cercles de Thessalic, comme Œmonia firent une concurrence prolongée aux Prœncstinee arles, aux Cserilanæ urtes de l’Italie. Mais il y avait aussi une sorcellerie paysanne assez bénigne ; Qui fruges incantassit… Qui malum carmen incantassit, vel malum venenum…, porte la Loi des XII Tables, tab. viii, 1, 9. Maléfices qui rendent les champs stériles ou font périr le bétail, conjurations adverses qui détournent la grêle <>u attirent la pluie, philtres d’amour, onguents de jeunesse, remèdes de bonnes femmes, talismans contre le mauvais œil, tout cela s’inspire des superstitions populaires et se maintient aux confins du folklore et du charlatanisme. La vieille croyance aux revenants, inscrite dans les usages

authentiques de la religion romaine, inspira la crainte

des nécromanciens venus dl’.tnirie. Saint Jérôme distingue sans doute Us iihk/i des vulgaires sorciers, maleflci, In Dan., c. ii, 2 ; mais les mages, c’est dans

le texte du prophète qu’il les trouve. A vrai dire, il

n’y a aucune trace, en Grèce ni en Italie, d’une discipline occulte et Bavante. Aussi les adeptes de cet