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parmi les scolastiques du xine siècle i’t autour très fécond, taudis qu’Ubertin de Casale, outre qu’il est un polémiste très habile, a laissé à la postérité VArbor rite crucifixaJesu (seule édition. Venise. 1 ISô>. qu’on a appelé, avec l’Historia septan tribulationum d’Ange de Clareno et les éerits d"011eu, un des trois grands monuments de la littérature des spirituels. L’auteur, en y mettant toute son ardeur mystique et toute sa passion de partisan, nous donne assez bien l’idée d’ensemble de la doetrine des spirituels de son temps. Chose curieuse, un grand prédicateur du xv siècle, saint Bernardin de Sienne y a puisé à pleines mains pour ce qui tient à la dévotion. Olieu et Ubertin, qui venaient de l'École, déclament sans doute contre « les mauvais arts d’Aristote », mais beaucoup moins qu’Ange de Clareno, qui semble avoir eu sa formation uniquement dans les milieux claustraux et s'était acquis dans le cours de ses pérégrinations lointaines une respectable connaissance des Pères de l'Église latine et grecque qu’il utilise surtout dans son Exposilio regulie, éditée par L. Oliger, Quaracchi, 1912. Il a même traduit du grec en latin trois ouvrages mystiques : la Règle de saint Basile. Y Echelle de Jean Climaque et un Dialogue ou Homélies jadis attribués à saint Macaire l'Égyptien. Voir l’introduction à l'édition de son Expositio Régulée, p. xxxiv-i.v.

A part ces trois auteurs, nous sommes redevables à des spirituels anonymes de toute une littérature franciscaine, comme le Spéculum perjectionis, les Actus R. Francisci, d’où sont tirés en grande partie les Fiorelti ou Petites fleurs de saint François, la Legenda antica de Minocchi, la Légende de Pérouse, découverte et publiée par F. Delorme, le Sacrum commercium S. Francisci cum domina Paupertate, peut-être de Jean de Parme. Anal, franc., t. iii, p. 283. De plus, ce sont les spirituels qui nous ont conservé ce qui reste des écrits de frère Léon, compagnon de saint François. Ce sont là des mérites positifs du parti rigoriste qu’on ne saurait trop apprécier.

Y. Rayonnement du mouvement des spirituels en dehors de l’ordre franciscain. — Il y a lieu ici de dire un mot des adhérents séculiers des spirituels et aussi des spirituels dans l’ordre de Saint-Dominique.

Par suite de différentes circonstances : attrait d’un mysticisme poussé, lutte contre Boniface VIII, sympathies de personnages de la haute aristocratie et enfin vénération pour Olieu de la part de la bourgeoisie du midi de la France, le mouvement des spirituels se répandit en dehors des cercles purement franciscains. Son influence se fit sentir sur le terrain politique et religieux. Il y a d’abord le fait surprenant que les spirituels ont toujours joui de la protection bienveillante de quelques cardinaux tels que Jacques Colonna et Napoléon Orsini et, plus encore, de celle des maisons royales du midi de l’Europe, de Naples (à partir du roi Robert) (1309-1343), de Sicile, d’Aragon et de Majorque, qui toutes étaient sympathiques à l’idéal des spirituels. La reine Sanche de Naples et son frère, le prince Philippe de Majorque, se distinguaient particulièrement sous ce rapport. 1 En somme, comme l’a observé É. Jordan, on peut dire, au moins pour le midi de l’Europe, que tout le monde, à ce moment, a dû plus ou moins prendre position dans la controverse, et qu’on ne connaît vraiment un homme de la première moitié du xive siècle que lorsqu’on sait dans quel camp il s’est rangé. ».Même Dante, à en juger par la position qu’il prend vis-à-vis de Célestin V et de Boniface VIII, et à tenir compte de son appréciation sur Joachim, « doué de l’esprit prophétique », et sur François, rénovateur de la pauvreté du Christ, paraît avoir subi l’influence des spirituels dont il a peut-être appris les idées a travers Ubertin de Casale. Protégés par leur position sociale, les amis des spirituels dans la haute

DICT. DB I lll.'iL. CATHOL.

aristocratie avaient moins à craindre les conséquences de leur attitude que les simples fidèles, dont il est question dans la bulle de condamnation Sancta romana et plus encore dans les actes de l’Inquisition. Pour ce qui regarde le midi de la trame. c'était avant tout la figure centrale d’OIieu qui attirait les fidèles. Ange de Clareno. dans une lettre de 1313 environ, Archiv, t. 1, p. 544, décrit les scènes qui se déroulaient au tombeau d’OIieu à Narbonne, où peuple et clergé s’empressaient de témoigner leur vénération au jour de l’anniversaire de sa mort et où des cardinaux même apportaient des ex-voto. Cette description trouve une pleine confirmation dans un écrit appelé le Transilus de Lierre de Jean Olieu, conservé dans la Praclica Inquisitionis de Bernard Gui, V, 12 (éd. C. Douais, Paris, 1886, p. 287 ; éd. G. Mollat, t. 1, Paris, 1926, p. 109 sq. ; voir aussi Archiu, t. iii, p. 4Il sq.), et par le Livre des sentences « le l’Inquisition de Toulouse publié par Ph. Limborch à la suite de son Historia Inquisitionis, Amsterdam, 1692. Du Transitus il résulte que les dévots d’OIieu, appelés béguins et béguines et qu’on pourrait désigner sous le nom de « béguins de la pauvreté », pour les distinguer des béghards (et béguines) immoraux (voir ici l’art. Béghards, t. 11, col. 528 sq.) condamnés par Clément V III, v, 3, in Clem.), lisaient après sa mort son éloge dans leurs fréquents conventicules. Dans le Livre des sentences, ou Liber sententiarum, on rencontre nombre de ces béguins, qui se disaient du troisième ordre de Saint-François et qui furent poursuivis par l’Inquisition surtout à cause de leurs opinions sur la pauvreté ; on se rappellera que c’est précisément à l’occasion de l’examen du procès d’Inquisition d’un de ces béguins que la grave controverse sur la pauvreté du Christ et de ses apôtres éclata en 1321. Mais ce n’est pas la seule erreur attribuée aux béguins. On rencontre, dans leurs dépositions, à peu près toute la doctrine incriminée d’OIieu, qu’ils appellent un saint non canonisé et dont ils lisaient les traités traduits in romancio, c’est-à-dire en provençal. Sont mentionnés notamment les Postules sur l’Apocalypse, les livres Sur la pauvreté, Sur la mendicité, Sur les dispenses, et le Transitus déjà nommé. Au surplus, ils considéraient comme des martyrs les quatre spirituels brûlés à Marseille, de même que les quelques béguins qui avaient subi le même sort dans différents endroits de la Provence. Chez quelques-uns de ces béguins provençaux (Liber sententiarum, p. 381 sq.) on trouve même des pratiques immorales semblables à celles du fraticelle italien Paul Zoppo, à Rieti en 1334. Voir Archiv, t. IV, p. 78-82. Le troisième ordre des spirituels, fidèle à la mémoire d’OIieu, s'étendit jusqu’en Catalogne, où leur champion était Arnaud de Villanova, qui écrivit pour eux le petit traité Informalio beguinorum ou Lectio Narbonnensis, dont on a un vieux texte catalan, publié, d’après un ms. du xv siècle, par R. d’Alôs-Moner dans Festgabe… Heinrich Finke, Munster-en-W., 1925, p. 187-199. Il en existe une traduction italienne inédite signalée par F. Tocco, Studi jrancescani, Naples, 1909, p. 227 sq. Cette traduction peut être une preuve que les béguins admirateurs d’OIieu se répandirent même en Italie. Entous cas, il est certain que les spirituels y avaient leurs partisans parmi les fidèles, mais il n’en est guère question avant la bulle Sancta romana, qui dit expressément que quelques-uns qui prétendent être du troisième ordre de SaintFrançois, cherchent à se cacher dans cette institution quoique la règle du troisième ordre ne prévoie nullement leur genre de vie. Ange de Clareno composa deux petits traités spirituels pour ses amis dans le monde, publiés par N. Mattioli, // li. Sinmiir Fidati du Cascia, Rome, 1898, p. IG6-487. On n’j trouve rien qui ne soit orthodoxe, mais l’esprit des spirituels y est facile à reconnaître, surtout lorsqu’il

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