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STANCARO ( FRANÇOIS)


était alors André Osiander. Bientôt une discussion tbéologique Le tnct violemment aux prises avec Stancaro, au sujet de la médiation du Christ. On verra plus loin l'étrange doctrine de l’Italien à ce sujet. Dès cette date, il a ce qu’on peut appeler sa marotte, dont il ne démordra plus. Au bout de trois mois (23 août 1551), Stancaro décampe. Il passe à l’université de Francfort-sur-1'Oder, où il publie une Apologia contra Osiandrum. Contre lui. l'électeur de Brandebourg fait appel aux grands maîtres de Wittenberg. Mélanchthon, qui, depuis la mort de Luther, en 1546, était le iKiin le plus illustre de la réforme luthérienne, ne dédaigne pas de réfuter Stancaro (1553). Voir Corpus reformatorum, t. xxiii, p. 87. Le séjour de Francfort devient Impossible à Stancaro. Il se réfugie en Pologne, où, de toutes parts, les théologiens les plus aventureux accouraient. Mais, là non plus, il ne tient guère en place. Il passe de château en château, d’abord chez le prince Olesnicki, puis chez le comte Ostrorog. Partout ms théories soulèvent une violente opposition. Il quitte la Pologne pour la Hongrie et la Transylvanie. Puis en mai 1559 (et non 1558), il revient en Pologne. Il se lixe a PineLow, province actuelle de Kielce. Il y était déjà connu et redouté. Kt c’est alors qu'éclate entre lui et les théologiens et ministres protestants du lieu, une querelle d’une violence sans égale, qui dure plusieurs années et ne s’apaise que par le départ et la mort de Stancaro. Il n’a presque personne pour lui. On ne trouve à ses côtés ni disciples marquants, ni Iv^lisc dissidente. On l’appelle bien plutôt « l’ennemi de toutes les Églises, omnium Ecclesiarum hostis ». Lettre de Lismanini, du 28 décembre 1561, de Cracovie, dans Wotschke, Der llriefwechsel der Schweilzer mit den Polen, Leipzig, 1908, p. 145. On réunit contre lui synode sur synode. Le premier et le plus important fut celui de Pinczow, en août 1559 ; voir la confession de foi, contre Stancaro, île ce synode, dans Wotschke, op. cit., p. 92-95, puis celui du 18 août 1562, dans la même ville. Ibid., p. 153-154. Ce qu’il y a de remarquable dans cet ouvrage énorme, c’est que les théologiens polonais appellent à leur secours ceux de Zurich et de Genève, en sorte que les Églises suisses ne sont pas moins agitées que celles de Pologne. Tout le monde se met à l'œuvre contre l’obstiné Stancaro. Nous avons une réfutât ion en règle de sa doctrine par le clergé zwinglien de Zurich, en date du 27 mai 1560 (publiée a Zurich, en mars 1561), une autre du clergé genevois, en date du il juin 1560, Corpus rejormalorum. Opéra Calvini, t. îx. p. 353 sq., une troisième de Pierre Martyr, en date du 15 août 1561. Ajoutons à cela que les théories antitrinitaires se répandaient dans les mômes milieux polonais, achevant d’y jeter la confusion doctrinale la plus complète. On comprend que le prince Nicolas Radziwill, grand patron des novateurs, s’en iiil ému et qu’il ait pu écrire au clergé de Zurich, le I 1 septembre 156 1 : Combien graves et de haute importance les controverses religieuses, au sujet du premier fondement de notre foi, sur Dieu ou la Trinité, ont élé parmi nous, au royaume de Pologne et dans le grand duché de Lilhuanie, et quelles ruines, quels dissentiments et quels périls elles entraînent à leur suite, parlant de discussions et de luttes entre les ministres des Églises et les disciples qui les suivent, c’est ce que nous avons estimé devoir exposer à vos révérences. Ce que furent et sont encore ces querelles, OUS le saurez surabondamment par la lettre que nous avions écrite au 1res illustre docteur Jean Calvin et que nous nous envoyons. Mais puisque, par le bon plaisir de Dieu, il a quitté celle vie mortelle, nous nous tournons maintenant vers VOUS, dans le même sentiment que nous axions envers lui… L’occasion de toutes ces discussions fut fournie par un homme d’un certain esprit Inquiet, François Stancaro, de Man

toue, qui a publiquement accuse, dans ses écrits, vos Églises de Suisse, de Savoie, et toutes celles d’Allemagne et les nôtres en Pologne et Lithuanie, et nommément Calvin lui-même, Bullinger, Philippe Mélanchthon et les autres hommes illustres de nos Églises et bons serviteurs de toute la République, d'être tombés dans les hérésies arienne, cutychienne et dans beaucoup d’autres… Wotschke, ibid., p. 225. Comme on le voit, Stancaro n’avait épargné personne. On dira tout à l’heure ce qu’il reprochait aux théologiens protestants, les catholiques étant hors du débat, comme objets de réprobation encore plus radicale. De son côté, il n'était pas épargné non plus et il écrivait dans la Préface d’un ouvrage De Trinitate et Mediatore, Cracovie, 1562 : « Vous m’avez expulsé, alors que j'étais paralytique, avec ma famille, de nia demeure et de tout le royaume, autant du moins qu’il VOUS a été possible, alors que je ne cherchais qu'à vous affranchir, en toute humanité, de vos hérésies et de la perte éternelle. VOUS avez publié contre moi, en polonais et en latin, des libelles pleins de mensonges, où vous m’appelez vaurien, bête fauve, impie, scélérat, fou, maudit, insensé, perturbateur des Églises, blasphémateur, mauvais plaisant, hypocrite, champion d’erreur, nestorien, homicide, furibond, frénétique, juif circoncis. » Ce chapelet d’injures donne une idée du « climat » de la querelle. Rejeté de tous, Stancaro se relira chez un protecteur, nommé Zborovius, à Stobnitz. Il y mourut, le 12 novembre 157 1. Dès 1565, on avait pu écrire de lui : « Une même mort, à ce qu’on dit, l’a absorbé avec sa doctrine. » Wotschke, op. cit., p. 2 12. Le silence s'était donc fait autour de son nom bien avant sa mort elïective.

IL Le stancarisme. - La doctrine de Stancaro ne fut ni un système, ni une confession ecclésiastique. Il partait uniquement de cette idée que le Christ n’avait pas pu être médiateur entre Dieu et les hommes en tant que Dieu, car ce serait lui attribuer une divinité inférieure à celle de son Père et tomber dans l’arianisme. Il n'était donc médiateur qu’en tant qu’homme. A quoi ses adversaires répliquaient : si le Christ n’est médiateur qu’en tant qu’homme, c’est qu’il possède, selon vous, une personnalité humaine distincte de celle du Verbe, ce qui était proprement la doctrine de N’es torius. Stancaro, à son retour en Pologne, en mai 1559, avait publié un ouvrage intitulé : Collatio doctrinw Arrii (sic) et Philippi Melanchthonis et seqaacium. Arrii et Melanchthonis et Francisci Davidis et reliquorum Saxonum doclrina de Filio Dei, Domino nostro Jesu Christo, una est et eadem. Cet ouvrage avait clé condamné au feu par le clergé de Pinczow. François Lismanini en avait aussitôt écrit et a Mclancht lion et à Bullinger de Zurich. Il résumait en ces termes la thèse de Stancaro : « Il a renouvelé l’hérésie déclarée de Nestorius, ce qu’il avait déjà essayé de faire naguère dans la Marche (sorabe) et en Prusse et, récemment, en Transylvanie, en divisant la chair du Christ du Verbe, de telle façon que seule elle ail opéré dans notre réconciliât ion avec le Père. Par là, il établit un homme pur et simple (nudum hominem) comme médiateur pour nous et il accuse d’impiété arienne tous ceux qui ne veulent pas jurer par ses paroles, alors que luimême ne veut s’agréger à aucune Église. » Wotschke, op. cit., p. 96.

Le raisonnement de Stancaro était le suivant : le médiateur intercède pour nous, prie pour nous. Or, intercéder, prier, sont des signes d’Infériorité envers celui à qui l’on s’adresse. Donc, Jésus-Christ ne peut être médiateur qu’en tant qu’homme. Il s’ensuit que la médiation du Christ ne s’adressait pas, comme les autres théologiens le disent unanimement, au Père, mais à la Trinité tout entière. « Il est donc faux que nous ayons le Christ comme avocat auprès du Père,