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    1. STERCORANISME##


STERCORANISME. Al XIe SIÈCLE

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Durand « le Troarn, au contraire, méconnaissait la permanence des éléments sensibles et sacrifiait ainsi la vérité du témoignage de l’expérience, sous prétexte de sauvegarder une vérité de foi qu’il concevait mal. Il avait raison de ne pas soumettre le corps eucharistique aux conditions des autres corps ; mais il ne savait point reconnaître dans l’eucharistie, à Côté de ce corps spirituel, aliment de l'âme, des cléments objectifs, les espèces du pain et du vin qui demeurent soumises aux lois de la digestion et peinent nourrir et se corrompre.

b) Guitmond d’Aversa dans son De corporis et sanguinis veritate, P. I… t. c.xi.ix, col. 1427-1494, s’inspire de principes semblables : il ne sait point distinguer entre le sacra me ni u m et le corps eucharistique et répugne à soumettre les espèces à l’ignominie d’une corruption quelconque. Pour sauvegarder la conversion totale du pain et du vin au corps et au sang du Christ, il soutient la vérité de ces formules : /<Lsest Christum dentibus atteri, col. 1 132 ; et col. 1433 : langi namque naturale est carni, Isedi autem infirmilatis est ; ita eryo potest etiam Christus dentibus tangi, ut quueumque />ressura dentium jam non valeat lœdi.

.Mais si l’on ne distingue point entre le sort des espèces et celui du corps du Christ, ne va-ton pas être amené à soutenir que le corps même du Christ est divisé, partagé, corrompu'?

Guitmond ne l’accepte pas : il maintient l’incorruptibilité et l’impassibilité du corps eucharistique ; mais pour défendre ces caractères, il va sacrifier le témoignage des sens et reconnaître aux espèces les propriétés qu’il reconnaît au corps du (Christ. I.e témoignage des sens est trompeur : Sed hoc tuntuin secundum sensus, qui sieut in multis aliis rebus swpe, ita in hac re sœpe falluntur. Col. 1437, Bérenger oppose, il est vrai, ceci : Caro Christi incorruptibilis est, sacramenta vero altaris, si diutius serventur possunt corrumpi, videntur enim putrefieri. Col. I I 15..Mais, dans la logique du système qui ne reconnaît d’autre réalité objective sur l’autel, après la consécration, que le corps incorruptible du Christ, il ne peut être question que d’apparence de corruption, pour donner une leçon à des clercs négligents. Dieu permet ainsi une telle apparition pour faire entendre une réalité profonde.

Ainsi le faisait-il, durant sa vie terrestre, lorsqu’il apparaissait sous l’aspect d’un jardinier à.Marie.Madeleine, sous la forme d’un pèlerin aux disciples d’Emmaiis, éclatant à l’instar du soleil et de la neige à la transfiguration. Ibîd., t. III, col. 1481. De même dans sa vie eucharistique apparaît-il sous forme corrompue, pour donner une leçon à la négligence des clercs. !.. II, col. 1 1 18. Avec ce principe, ( luilmond résout l’objection Urée du fait que des souris mangent les hosties

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equidem sacramenta hsec nequaquam a mûri bus vel aliquibus brûlis animalibus videntur passe corrodi. Quod si aliquando veluti corrosa videantur, quod tune de horlulano, de peregrino, net leproso diximus, responderi pôles t, id est non esse corrosa. Ces animaux peuvent sans doute approcher du corps du Christ. Mais, a ce moment même, l’hostie leur est soustraite, enlevée par les alises, ou remontant au ciel par sa propre vertu. Col. Il 19.

I.a question des hosties livrées au feu est résolue dans le même sens. « L'élément très pur (le feu) les

reçoit comme un dépôt, qu’il restitue au i résor céleste.

Col. 1150. Guitmond parle bien ici îles qualilates sen SUales, couleur, odeur, saveur qui demeurent, mais la façon dont il s’exprime à leur endroil montre quelle

Idée Imparfaite il a de leur objectivité. Elles sont comparables à Ces mêmes apparences dont le Christ, pendant s ; i vie, se couvrit parfois. Col. I INI.

On comprend 'les lors la réponse île quilmond a la

question de la digestion des éléments consacrés et de

leur qualité de nourriture : Corpus Domini quidem nullo modo in seeessum mitti et nos credimus… Sicut igitur cibus corruptibilis, cum ab immortalibus sumitur, hœc seeessus lege congrue creditur non teneri, ita cibum incorruplibilem quod est corpus Domini, cum a mortalibus editur, seeessus necessitalem pâli ne/as est arbitrari. A bsit enim ut inhonestam corporis egestionem cibus ilte sustincat qui corpus et animam ad adernum honestalern parât. Col. 1451. Il en appelle pour le démontrer à la théorie des physici et medici. Il concède qu’un homme peut vivre longtemps ex virtute dominici corporis per divinum miraculum, mais rejette absolument l’affirmation qu’il attribue a Hérenger, selon laquelle les éléments consacrés seraient nourrissants pour le corps et soumis aux lois de la digestion. Col. 1452. En résumé Guitmond, sous prétexte de sauvegarder dans l’eucharistie la vérité de l’aliment céleste, méconnaît l’objectivité sensible des espèces qui voilent celui-ci à nos yeux.

c) Alger de Liège. — Par rapport à lui, Alger de I.iége est en progrès pour affirmer une certaine réalité des accidents eucharistiques après la consécration. Selon lui, les qualités du pain demeurent, alors que la substance du pain et du vin est changée au corps et au sang du Christ. De sacramentis corporis et sanguinis dominici. t. I, c. vii, /'. L., t. clxxx, col. 756-7C0. Ce qui demeure après la consécration, forma panis, solidilas, color, sapor, n’est pas une pure illusion des sens, mais une réalité. Il ne serait pas digne de Dieu de nous tromper en nous faisant voir ou goûter ce qui n’existe pas. Col. 759. Saint Augustin a bien marqué le double élément dont le sacrifice de l’autel est constitué : Visibili elementorum specie et inoisibili carne et sanguine. Col. 760.

Mais ces deux éléments, selon Alger, sont tellement unis qu’on peut parler à l’occasion de la fraction des éléments consacrés de fraction du corps du Christ luimême, et que l’incorruptibilité du corps du Christ rejaillit dans une certaine mesure sur celle du sacrement visible : Quod enim in Christi corpore permission est mulis ad suam damnationem. mullo magis ipsi placitum et gloriosum est, ut ftdelium suorum manibus devote in sacramento jrangatur, dentibus atteratur, …ut et ipse quidem fractus et atlritus integer permanent. Col. 796. Il s’autorise pour l’affirmer de la confession imposée à Bérenger en 1059 : …Sancta synodus mihi /irmavit, seilieet panan et vinum post consecrationcm non solum sacramentum, sed etiam verum corpus… et sensualiter non solum sacramento, sed et in verilale manibus sacerdotis Iractari. frangi et fidelinrn dentibus atlen. Col. 797. I.a tradition postérieure, en des analyses mieux conduites, saura distinguer entre la traction de l’hostie, qui n’affecte que les éléments consacrés, el l’Intégrité du corps du Christ, qui ne subit aucune fraction.

Alger est mieux inspiré en distinguant au c. xx, col. 797. le sacramentum corporale, objet d’une manducation corporelle, et le corpus spirituate du Christ, objet d’une manducation spirituelle ; mais il ne sait pas dégager de cette distinction toutes les conséquences qu’elle implique : à savoir le sort naturel de tout ce qui est objet de manducation corporelle.

Confondant de nouveau sacrement et corps du Chrisi el s 'appuyant sur la dignité du corps du Christ, il se refuse à soumettre les éléments consacrés au sort naturel de toutes choses corruptibles et digérées : ce serait pour lui les soumettre à l’ignominie : Nascitur hæresis fœdissima slercoranistarum. Dicuni enim tantum sacramentum sicut corporali comestioni sic et seces siu esse obnoxium… I.. II, c. I. col. (SUT.

I.a raison qui milite là-COntre, c’est que, la substance du pain n'étant plus là, el la substance du coi ps du Christ incorruptible étant seule présente, il n’y a