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SYRIENNE (ÉGLISE). THÉOLOGIE SACRAMENTAIRE

carnem sumptam ex Virgine corpus Dei Verbi, ita descendit super panem et vinum quæ sunt super altare et efficit ea corpus et sanguinem Verbi Dei quæ ex Virgine prodierunt. Puis il ajoute : c’est pourquoi le prêtre supplie le Père d’envoyer l’Esprit-Saint sur lui, sur tous les fidèles présents derrière lui et sur les mystères placés sur l’autel et que l’hostie reçoive la descente du Saint-Esprit comme le Christ l’a reçue au Jourdain. Le Verbe de Dieu descend et habite l’hostie après sa consécration, comme il avait habité en la Vierge après sa sanctification par l’Esprit-Saint : Unio autem sacramentalis symbolice repræsentat unionem naturalem et hyposlaticam Verbi cuni carne ejus. Personne ne peut nier l’union hypostatique du Verbe de Dieu avec la nature humaine et cette même union entre le Verbe et son corps divin qu’est le pain consacré.

La dernière phrase de cet écrivain comme le texte que nous citerons prouvent que Bar Salibi affirme le dogme de la transformation des éléments eucharistiques, mais qu’il tâtonne dans l’explication du mode de cette transformation. Il semble que tous ces auteurs soutiennent que le Christ se trouve dans le « pain apparent », c’est-à-dire dans les accidents du pain. Bar Salibi écrit, p. 74 sq., que le corps du Christ dans l’hostie consacrée est le même que celui qui a été formé dans le sein virginal de Marie. Et si l’on demande : comment cela peut se faire ? il répond : « Comme la main qui a transformé la poussière en corps d’Adam, ipsa mutavit hune panem et jussit eum esse corpus Verbi, quod ex Virgine et Spiritu sancto formatum est. » Puis il poursuit : Quare corpus et sanguis vocantur mysteria ? Mysteria vocantur corpus et sanguis quia non sunt quod esse videntur. Aspectu enim panis et vinum sunt sed intelliguntur esse et sunt revera corpus et sanguis Filii Dei… C’est l’Esprit-Saint qui est la cause de cette transformation.

3. L’épiclèse et ses effets.

De toutes les explications précédentes sur l’action réelle du Saint-Esprit dans la transformation des éléments au corps et au sang du Christ, l’on doit conclure que la théologie jacobite croit à une réelle action du Saint-Esprit dans la consécration. Essayons de déterminer ces effets de l’épiclèse.

Pour les docteurs de l’Église jacobite, la troisième personne de la sainte Trinité agit conjointement avec les deux autres personnes. C’est ce qu’affirme Bar Salibi : Etsi vero Filii est corpus, Spiritus Sancti ope a Patre nobis datur. C’est encore une vérité reconnue par l’Église catholique, mais les jacobites semblent dire que cette action se fait après l’anamnèse, au moment de l’épiclèse. Il semble que cette théorie ait pris naissance après les controverses de l’Église grecque orthodoxe.

La pensée des premiers théologiens est claire, quand elle attribue uniquement aux paroles de l’anamnèse l’action transsubstantielle. Sévère d’Antioche († 538) dans sa lettre au diacre Missæl dit notamment :

Non sacerdos transmutat panem in corpus Christi et calicem benedictionis in ejus sanguinem, quasi virtutem haberet sibi propriam istud operandi ; sed hæc mirabilis conversio tribuenda est virtuti divinæ atque efficaci verborum quæ auctor sacramentorum, Christus, super oblata pronuntiari jussit. Sacerdos enim ad altare astans, simplicis ministri vices gerit, verba proferens tamquam ex persona Christi ; actionem siquidem revocans ad illam horam, qua Salvator coram discipulis sacrificium instituit super panem dicit : « Hoc est corpus meum pro vobis datum. Hoc in mei memoriam facite. » Super calicem hæc dixit : « Hic calix Novum Testamentum est in meo sanguine, qui pro vobis effunditur. » Igitur Christus sacrificium offerre pergit, et divinorum suorum verborum efficacia doua in ejus corpus et sanguinem transmutanda sanctificat. W. Brooks, 'op. cit., t. ii, p. 238.

Jacques d’Édesse († 708) cité par Barhebræus dans son Nomocanon, cf. Maï, p. 26, se range du côté de Mar Sévère et emploie presque la même terminologie. Jean de Dara au début du ixe siècle, dans son traité sur le sacerdoce, n’est pas moins explicite que Mar Sévère : il affirme que le prêtre 'repetit preces deificas, corpus scilicet efficientes et sanguinem Dei ; il ajoute que ces preces deificæ sont les paroles de l’institution. Lamy, 'op. cit., p. 36, et Opera syriaca Sancti Ephræmi, t. ii, p. 48. Bar Salibi dans son Expositio liturgiæ, p. 73, si souvent citée, dit, après avoir rappelé les paroles de la consécration : Ut per illa verba manifestet tunc quoque ab ipso Christo species sanctificari quæ ponuntur super altare per voluntatem Patris et operationem Spiritus, ope sacerdotis qui format cruces et verba profert. En d’autres termes les trois personnes divines agissent pour consacrer les éléments au moment même où le prêtre prononce les paroles de l’institution.

D’autres écrivains parlent de l’action du Saint-Esprit sur la transformation du pain et du vin sans préciser le moment de cette action : ainsi Jacques de Saroug ; cf. Bedjan, Homiliæ selectæ Mar Jacobi Sarugensis, t. iii, Paris, 1907, p. 657 ; Philoxène de Mabboug, cf. Tractatus I de incarnatione, éd. Vaschalde, p. 94 ; Moïse Bar Képha dans quelques textes de son Explication de la liturgie ; cf. R. H. Connolly et H. W. Codrington, 'op. cit., p. 35, 54, 89 sq. Les canons pénitentiels assurent qu’aucune eucharistie n’est meilleure qu’une autre : Spiritus enim Sanctus descendit tempore liturgiæ super omnes sacerdotes. Coll. ii, can. 89, Denzinger, t. i, p. 486.

En résumé l’on peut affirmer que, jusqu’au xiiie siècle, l’Église jacobite n’a pas manifesté d’hésitation sur l’efficacité des paroles de l’institution pour la consécration du pain et du vin. Ce n’est qu’à partir de la controverse byzantine qu’a été posé le problème de l’épiclèse. Actuellement les jacobites montrent une certaine hésitation à résoudre ce problème dans le sens de la tradition.

4. La communion.

Normalement la communion est distribuée à la liturgie de la messe. Elle se pratiquait de deux manières : après avoir reçu l’hostie, le communiant participait au calice directement ; ou bien il recevait une parcelle sur laquelle quelques gouttes du précieux sang avaient été déposées au rite de l’intinction. Cf. Barhebræus, éd. Bedjan, p. 45. Ce second usage a prévalu de nos jours. Dans certaines Églises on s’est mis à imiter les Grecs en se servant d’une cuillère pour retirer du calice les particules qui ont été mêlées au précieux sang. Après l’administration du baptême et de la confirmation au nouveau-né, le prêtre trempait son petit doigt dans le précieux sang et le présentait au nouveau baptisé pour le sucer. La communion des petits baptisés n’est plus en usage ; pour rappeler le fait, le prêtre esquisse le geste avec la cuillère.

A l’origine, l’Église jacobite interdisait de réserver la sainte eucharistie. Cf. Jacques d’Édesse, Resol. 7, Nau, p. 40 sq. Mais la nécessité amena les canonistes à considérer comme licite la réserve du calice faite pour la communion des malades et de ceux qui jeûnaient jusqu’au soir. Actuellement, seule l’hostie sainte est réservée après intinction. Elle est renouvelée toutes les fois qu’une messe normale est célébrée. Une veilleuse doit être entretenue devant la sainte réserve ; cf. can. 127 des Perses, Nau, p. 98 ; Bedjan, p. 35, 36, 40, La question de la réserve a été traitée à l’article Présanctififés (Messe des), t. xiii, col. 85-86, 90.

Le ministre ordinaire de la communion d’après Rabboula est le prêtre ou le diacre. Bedjan, p. 44 sq. Cependant ce dernier ne peut pas communier un prêtre, selon le can. 18 du concile de Nicée. Dans les couvents de moniales, en l’absence d’un moine prêtre ou diacre, la diaconesse supérieure du monastère