Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/794

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

3080

    1. SYRO-MALABARE (ÉGLISE)##


SYRO-MALABARE (ÉGLISE). ORIGINE

î090
    1. SYRO-MALABARE (éqlise)##


SYRO-MALABARE (éqlise).— I. Origine de l'Église syro malabare. II. L'Église syro-malabare de 450 à l’arrivée des Portugais (col. 3093). III. Les chrétiens de rit syrien sous la domination portugaise jusqu’au synode de Diamper (eol. 3007). IV. Les chrétiens de Saint-Thomas sous la juridiction des jésuites et des carmes (col. 3116). V. Relations avec la Mésopotamie et schismes (col. 3130). VI. Hiérarchie catholique indigène (col. 3139). VII. Les jacobites aux Indes et la constitution du croupe syro-malankare (col. 3143). VIII. Discipline (col. 31 19). IX. Liturgie (col. 3155).

Le nom de Malabar recouvre actuellement, en géographie politique, un assez petit district de la présidence de Madras, sur la côte sud-ouest de l’Inde, confinant au sud avec les États de Cochin et Travancore. En géographie physique, on désigne sous le nom de côte du Malabar tout le littoral dominé par la chaîne des Ghats occidentaux, de Bombay au cap Comorin. Les Européens, qui ont pris contact au xvie siècle avec cette région, ont appelé « malabares » tous les Indiens de langue dravidienne sur les deux côtes, occidentale et orientale, de la partie méridionale de l’Hindoustan.

Les chrétiens, qui constituent l'Église syro-malabare. sont fréquemment désignés sous le nom de « chrétiens de Saint-Thomas ». Ils ont été reconnus par les premiers missionnaires comme appartenant, par leurs relations hiérarchiques et leur rit, au groupe des syriens orientaux ; les documents ecclésiastiques, jusqu’au début de ce siècle, les appellent communément « syriens », Soriani, d’où l’expression tautologique de i syriens-soriens » employée dans les vingt premières années de l’Annuaire pontifical catholique, par A. Battandier.

Le présent article se rattache à celui intitulé N’estorienne f Église), plus exactement au § V : Les établissements nestoriens dans l’Inde, t. xi, col. 195-199, tandis qu’il n’a rien à voir avec la question traitée dans l’article Malabares (Rites), t. ix, col. 1704-1745, où il s’agit de rites païens chez les Tamouls de la côte du Coromandel et de l’indulgence de certains missionnaires à leur égard.

I. Origine de l'Église syro-malabare. — Le problème de l’origine de la chrétienté syro-malabare est intimement lié à celui de l'évangélisation de l’Inde par l’apôtre saint Thomas, laquelle est affirmée par une tradition littéraire ancienne et par une tradition populaire locale. Les Actes de Judas-Thomas proviennent vraisemblablement d’un milieu de la HauteMésopotamie, peut-être Édesse, et remontent soit au dernier quart du iie siècle, soit aux premières années du iiie. Selon leur témoignage, l’apôtre Thomas aurait évangélisé le pays de Gondafor ou Gudnaphar, qui est le roi parthe Guduphara, souverain de l’Afghanistan et du Pundjab dans le deuxième quart du I er siècle. La plupart des critiques au xix c siècle ont refusé de reconnaître aux Actes de Judas-Thomas aucune valeur historique, et personne ne niera qu’ils sont remplis de détails fabuleux ; mais on a fait observer récemment qu’un rédacteur des environs de l’an 200 aurait pu difficilement inventer de toutes pièces l’histoire contenue dans ce document, où il est déjà très remarquable que le nom du souverain soit un nom historique, exactement conservé dans une région assez distante, alors surtout qu’il n’a laissé aucune trace dans les œuvres historiques ou légendaires de l’Inde et n’est réapparu qu’au xixe siècle sur des monnaies et dans une inscription du Gandhara. L'étude très documentée deA.-E. Medlycott, en 1905, les thèses du R. P. Dahlmann, en 1912. les articles de M. J.-N. Farquhar, en 1920, ont efficacement contribué à diminuer les suspicions de la critique. Le faisceau de témoignages anciens est d’autant plus impressionnant que la tradit ion d’une prédication de l’apôtre a la cour d’un prince

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

parthe dans la vallée de l’Indus empêche d’opposer les auteurs qui parlent de l’Inde à ceux qui mentionnent la l’art lue, comme région attribuée à Thomas. Les premiers sont les plus nombreux, dépendant plus ou moins directement, à ce qu’il semble, de la tradition des Actes (tradition édessénienne) : S. Éphrem, Carmina Nisibena, a. 42, éd. Bickell, Leipzig, 1866, texte, p. 79, trad., p. 163 ; Lamy, S. Ephrœmi hymni et sermones, t. iv, Marines, 1902, col. 694, 704, 706 ; Doctrine d’Addaï, éd. Cureton, Ancient syriac documents, Londres, 1864, p. 32 ; S. Grégoire de Nazianze, hom., xxxiii, P. G., t. xxxvi. col. 227 ; S. Ambroise, Enarr. in ps. XLV, 21, P. L., t. xiv, col. 1198 ; S. Jérôme. Epist., lix, ad Marcellam, P. I… t. xxii, col. 588 sq. ; et en général les auteurs latins : Gaudence de Brescia, P. L., t. xx, col. 962 sq. ; S. Paulin de Noie, t. lxi, col. 514 ; Grégoire de Tours, In gloria martijrum, c. xxxi, xxxii, dans Mon. Germ. hisl., Script, rer. Merov., t. i b, p. 507 sq. Les autres témoignages anciens partent apparemment d’Alexandrie : Origène, extrait du tome m in Genesim, P. G., t.xii, col. 92 ; Recognitiones Clémentine, t. IX, 29, P. G., t. i, col. 1415. L’auteur du Livre de l’Abeille, le nestorien Salomon de Bassorah, écrivant au xiiie siècle et parfaitement au courant des traditions indiennes, aussi bien que mésopotamiennes, a résumé l’histoire de saint Thomas en des termes conciliateurs : « Thomas était de Jérusalem, appartenant à la tribu de Juda. Il prêcha aux Parthes, aux Mèdes et aux Indiens, puis, parce qu’il avait baptisé la fille du roi des Indiens, il mourut par le glaive. Le marchand Habban porta son corps et le déposa en Édesse, la ville bénie par le Christ Notre-Seigneur. D’autres disent qu’il fut enterré à Mahluph, ville du pays des Indiens. » E.-A. Wallis Budge, The Book of the Bee, dans Anecd. Oxonien., semitic séries, t. i b, texte, p. 119, trad., p. 105.

A côté de cette tradition littéraire en faveur d’une activité apostolique de saint Thomas aux confins nord-ouest de l’Hindoustan, existe une autre tradition, de caractère local et populaire, en faveur d’une prédication adressée aux populations dravidiennes de la pointe. A l’appui de la tradition septentrionale on n’a trouvé jusqu’ici aucun monument chrétien de date ancienne, mais les recherches archéologiques dans la région en question n’ont pas encore été très poussées. Au sud, au contraire, le sanctuaire de Mylapore est vénéré depuis longtemps comme le martijrium de l’apôtre.

Certes, aussi bien qu’avec le Nord, les Romains trafiquaient avec le Sud de l’Inde, comme le démontrent les trouvailles de monnaies d’or romaines du début de l’empire en plusieurs localités de la côte du Malabar : J. Dahlmann, Die Thomas-Légende, p. 51-76. Arrivé à ce point dans la série de ses thèses, on croirait que le P. Dahlmann va conclure à l’historicité de la prédication de saint Thomas au Malabar, mais il préfère s’en tenir à une activité de l’apôtre limitée au Pundjab. Il suppose que les chrétiens de Mésopotamie, s’installant au sud de l’Inde après la persécution de Sapor II, y auront transporté ce qu’ils savaient par la tradition édessénienne des Actes : il s’agirait d’une tradition ambulante, d’une Wanderlegende. Op. cit., p. 162 ; cf. G. M. Ræ The syrtan Church in India, Edimbourg et Londres, 1892, p. 24-26.

Mais Mgr Medlycott et, d’une façon générale, tous les auteurs qui ont eu des contacts personnels avec les Indes, n’acceptent pas facilement qu’on réduise à ce point la valeur de la tradition méridionale. J. N. Farquhar, par exemple, The apostle Thomas in South India, p. 21 sq., trouve une première indication favorable dans les Actes mêmes, qui font abandonner par saint Thomas la cour et le pays « le Gondopharès pour continuer dans une autre partie des Indes l’annonce du

T. — XIV. — 98.