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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/145

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    1. THÉODORE DE MOPSUESTE##


THÉODORE DE MOPSUESTE. LK PÉCHÉ D’ORIGINE

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blis enfin dans une nature immortelle, nous vivrons (après la résurrection) èv àOavâxæ Tfj tpùaei xaTaaTavTaç, dans l’exactitude de la justice. » lbid., col. 800 B.

L’héritage que nous tenons d’Adam, ce n’est point seulement la mort, c’est le penchant au péché : po7rij 7tepi, to àfxapxâvEiv. Les mots de saint Paul, ibid., ꝟ. 21 : « le péché a régné en nous dans la mort », signifient que, devenus mortels, nous avons une inclination plus grande vers le péché, un entraînement qui provient de tous les désirs relatifs au boire, au manger, à la parure, aux relations sexuelles, désirs qui tendent sans cesse à dépasser la mesure. Voilà qui n’arriverait pas dans une nature immortelle. « Mais, parce que nous sommes devenus mortels et que nous le sommes par nature, OvtjtoI ysyovafiiv Te xoeî èou, èv tyjv cpûcriv, nous sommes troublés par ces passions et nous subissons un violent entraînement vers le péché. » Ibid., col. 800 C ; cf. In Rom., vi, 14, col. 801 CD : y) èm t6 ^etpov pcoTr/) ; vii, 5, col. 807 : ûttô ttjç 6w)t6ty]toç u, elÇova -roû àfjiapTâveiv tt)v svô)(X7]aiv Ô7rsuivo}i.£v, vu, 21, col. 816 C. En tous ces passages est affirmé le lien étroit qui existe entre la concupiscence et la « mortalité ».

A vrai dire, il ne faudrait pas considérer comme inéluctable cet entraînement au péché et Théodore insiste avec force sur l’existence, en l’état présent, du libre arbitre, qui est un attribut de l’être raisonnable. Dieu nous a donné une nature susceptible d’être enseignée et, par la loi, il nous fait connaître ce qui est bien. Dès lors, encore qu’il y ait chez nous un fort entraînement au mal, l’âme ne laisse pas néanmoins d’avoir une connaissance précise du bien et il n’y a pas d’homme pour ignorer absolument ce qu’est la vertu. Mais nous ne pouvons pas faire le bien aussi facilement que nous pouvons le connaître, tant que nous demeurons dans l’état de mortalité. Aussi Dieu nous donnera-t-il une seconde vie, bien préférable à la vie présente, immortelle, sans passion, libre de tout péché. Elle ne sera pas seulement un renouvellement et un redressement de celle-ci, mais un perfectionnement, oùx àvocxo<t.vt.G[XC)ç xoà Siôpôtoaiç [jiovov tùv 7rap6vTwv, àXXà yàp xal TeXelejaiç. Tout ce qu’ici-bas nous savons qu’il faut faire, mais que nous ne pouvons exécuter, tout cela nous deviendra facile, car nous aurons un véritable éloignement du mal et un amour invincible du bien. In Rom., xi, 15, col. 849-852 ; In Eph., ii, 10, col. 916.

Encore que la plupart de ces passages proviennent des chaînes, leur authenticité est garantie par leur accord complet tant avec les Catéchèses qu’avec le Commentum de creatura. C’est bien partout la doctrine des deux états : mortalité et immortalité, instabilité et immutabilité, propension au mal et confirmation dans le bien. Admise cette authenticité, admise également celle du traité antihiéronymien, un problème se pose. Comment expliquer la contradiction qui se remarque entre la doctrine pélagianisante du dernier ouvrage et les idées si proches de l’augustinisme des compositions antérieures ? Brusque volte-face ? C’est bien peu admissible dans un homme qui passe à bon droit pour très ancré dans ses idées. Besoin de contredire un adversaire peu sympathique par ailleurs ? Ce n’est pas impossible et, dans l’histoire de la théologie, Théodore ne serait ni le premier ni le dernier à combattre ses propres sentiments après les avoir vus dans la bouche d’autrui. Mais ne vaudrait-il pas mieux penser qu’entre les deux exposés, celui des Cate’chèses et des commentaires d’une part, celui du traité contre Jérôme de l’autre, la contradiction est plus apparente que réelle ? Au fait, de ce dernier ouvrage nous n’avons que quelques extraits. Ils nous disent les critiques fort vives adressées par Théodore à une seule des thèses de Jérôme ; il y avait certainement autre chose dans le

traité et tout spécialement, Photius dans sa description nous en est garant, un exposé de la doctrine du double état de l’humanité. En cette partie Théodore pouvait reprendre ses idées favorites sur la transmission par Adam à sa postérité de la mortalité d’abord et du penchant au mal. En fait c’était bien par Adam que le péché était entré dans le monde et par le péché la mort et ainsi, pour reprendre les paroles de Paul, « la mort était passée dans tous les hommes ». C’était aux yeux de Théodore l’essentiel de la doctrine, et il était trop au courant des affirmations de l’Apôtre pour le contester. À tout prendre, son idée ne différait pas tellement de l’idée augustinienne bien entendue. Suivant l’évêque d’Hippone, nos premiers parents auraient pu ne pas mourir, mais l’immortalité inconditionnée n’était pas un apanage nécessaire de leur nature. Il semble que sur une thèse ainsi présentée l’évêque de Mopsueste serait tombé d’accord. Et, d’ailleurs, ce qui lui importait et ce qui finalement importe à la doctrine, c’était beaucoup moins de savoir ce qui aurait pu se passer que d’être au fait de ce qui s’était passé dans la réalité. Dans le plan divin la chute de l’homme était prévue et donc aussi sa « mortalité », son penchant au mal et la culpabilité du genre humain ; mais la réparation l’était aussi qui était effectuée par la mort et la résurrection de Vhomo assumptus. Au fond Théodore était-il tellement loin de nous qui, à la fête pascale, chantons : O certe necessarium Adæ peccalum quod Christi morte deletum est. O (elix culpa quæ talem ac tantum meruit habere redemptorem ?

Le rédempteur c’est Vhomo assumptus. En vertu de son union absolument étroite et indissoluble avec le Verbe divin, il a traversé, sans la moindre défaillance

— ce qui ne veut pas dire, sans peine et sans lutte — le stade d’instabilité et de mortalité. Sa mort est en même temps son triomphe sur Satan, car elle est le point de départ de la résurrection et donc du passage à l’immutabilité et à l’immortalité. Cette résurrection est le gage de celle qui nous est assurée à nous-mêmes et qui nous fixera nous aussi dans l’état de stabilité morale et d’immortalité corporelle. Conception à la vérité un peu simpliste de la rédemption, où il manque une idée précise de la satisfaction vicaire, mais d’où celle-ci n’est pas non plus exclue.

Cette rédemption elle s’applique en fait aux baptisés d’abord, à ceux, bien entendu, qui ont conservé intact le sceau de leur baptême. Figure de la mort et de la résurrection du Seigneur, ce sacrement donne, à qui le reçoit et le garde en son intégrité, le gage assuré de la résurrection bienheureuse qui l’introduira de manière définitive dans l’état d’immutabilité parfaite. Mais les effets de la rédemption ne se limitent pas à ceux qui sont venus après le Christ et ont effectivement reçu le baptême. Nous avons entendu Théodore expliquer les effets rétroactifs de l’obéissance du Christ. Ci-dessus col. 274. À aller jusqu’au bout de sa pensée on découvrirait même que la rédemption pourrait bien n’exclure, en fait, aucun de ceux à la nature desquels a participé Vhomo assumptus. Dans son analyse du traité antihiéronymien, Photius semble dire que Théodore n’excluait pas les idées d’Origène sur l’apocatastase : xal ty)v’Qpiyévooç xaxà ye tô tsXoç Ù7r : ocpa>vet.v tyjç xoXâaeMÇ. À la vérité, pour l’évêque de Mopsueste, les tourments des damnés étaient de leur nature éternels, non ad tempus, sed œterna sunt . In II Thess., i, 9 ; mais la raison et l’Écriture nous amènent à cette conclusion que le repentir pourrait en obtenir la remise. « Quel bienfait, demande-t-il, serait-ce pour les méchants que la résurrection, s’ils ressuscitaient seulement pour être punis sans espoir et sans fin ? » Extrait de la Palatina, dans A. C. O., t. i, vol. v, p. 176, 1. 25 sq. ; P. L., t. xlviii, col. 1056. Et quel serait alors le sens de passages comme ceux qu’on lit dans Matth.,