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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/268

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THÉOPHILANTHROPIE


l’avons vii, dans quinze églises de Paris. C’était trop pour leur nombre, ils ne purent fournir à chacun de leurs temples qu’un petit groupe d’adhérents. Leurs exercices qui, à l’origine, avaient attiré beaucoup de curieux ne furent plus suivis bientôt que par les véritables fidèles qui à chaque réunion devenaient plus rares. En frimaire an VII (décembre 1798), le commissaire du Directoire, Dupin, déclare qu’ils « semblent disparaître ». Il en donne cette raison : « Ceux qui suivaient leurs assemblées par civisme semblent préférer les fêtes décadaires et ceux qui y allaient par curiosité n’éprouvent plus d’attrait. » En nivôse an Vil, le même commissaire relate : « Les théophilanthropes existent encore, mais leur nombre ne s’accroît pas et leur existence est sans éclat. » La réduction résultant de cet abandon finit cependant par se fixer et, en germinal an VII, Dupin peut encore écrire sur le même sujet : « Sans accroissement ni diminution », Paris pendant la réaction, t. v, p. 96, 172, 237, 273, 327, 479.

Ce prétendu culte n’eut d’ailleurs quelque consistance qu’à Paris. Après moins de cinq ans d’existence il ne comptait plus qu’un pet’t noyau de fidèles. Il faut reconnaître cependant, qu’à défaut du nombre, la théophilanthropie réussit à grouper une élite assez variée dans sa composition. On y vit, rapporte M. Aulard (Histoire politique de la Révolution, p. 648), d’anciens constituants, d’anciens conventionnels, d’anciens ministres, des membres de l’Institut entre autres Creuzé, Latouche, Goupil, de Prefelne, Dupont (de Nemours), Bernardin de Saint-Pierre qui fut parrain à Saint-Thomas d’Aquin, Marie-Joseph Chénier, Andrieux, le peintre David, Servan, Rossignol, Santerre, Lamberty, Ulrich, l’ex-abbé Parent, l’ex-abbé Danjou, la citoyenne Augereau, mère du général, etc. Mais la masse de la nation resta indifférente à cette tentative d’organisation de la religion naturelle. Les railleries de la foule ne manquèrent pas d’ailleurs aux adeptes de la secte. L’aversion qu’elle lui inspirait se traduisit même quelquefois par des actes regrettables. C’est ainsi que, le 20 nivôse an IX (10 janvier 1801), des perturbateurs entrèrent à Saint-Gervais « temple de la jeunesse », y démolirent l’autel des théophilanthropes et arrachèrent leurs décorations. Mais les jours du culte théophilanthropique étaient comptés comme ceux du culte décadaire, aux cérémonies duquel, lors de la mise en activité du Concordat, les fonctionnaires publics étaient presque seuls à assister. Cf. Sciout, Le Directoire, t. iv, p. 414. La participation que plusieurs sectateurs de « la religion naturelle » crurent devoir apporter au coup d’État du 18 brumaire, comme l’approbation de l’acte de Bonaparte ne sauvèrent pas le culte t héophilanl hropique. La secte perdit d’abord la protection du gouvernement, lors de la réaction qui suivit la victoire de Marengo. Puis, sans attendre la publication du Concordat, le premier Consul, ennemi de tous les idéologues, supprima le Culte par son arrêté du 12 vendémiaire an X (4 octobre 1801), lequel enlevait aux théophilanthropes la Jouissance des édifices nationaux, lui vain sollicitèrent ils l’autorisation de louer un local pour la bratlon de leur culte. Leur pétition resta sans réponse. Selon Grégoire, Histoire dessertes, t. i, p. 454, Chemin, le fondateur d<- la iecte mirait cont Inué secri ti ment le culte dans une éi oie où il donnai) des Ici uns de lat In. La théophilanthropie aurait gardé encore quelques lui i les en maintenant sa doctrine, à défaut de ses i il es, dans certaines familles. Mais on peut dire, qu’à partir de l’arrêté du 12 vendémiaire an X. elle perdit toute existence légale et partant toute Importance historique,

IV. I. mÉOPHILANTHROPIl B1 I IIO UQUB. La théophilanthropie fut-elle au service du

Directoire un instrument de guerre contre l’Église catholique ? C’est bien le fait qui résulte de l’ensemble de sa politique.

La constitution votée par la Convention le 22 août 1794 et dite Constitution de l’an III déclarait sans doute (art. 354) que « Nul ne peut être empêché d’exercer en se conformant aux lois le culte qu’il a choisi ». Elle affirmait que « Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte », qu’enfin « la République n’en salarie aucun ». Ces principes qui constituaient le régime de l’État laïque, celui de la séparation de l’Église et de l’État n’avaient pas empêché la Convention de multiplier contre tous les ecclésiastiques, sans excepter les prêtres constitutionnels, des décrets de terreur et de mort. Cet esprit de malveillante intolérance à l’endroit de l’Église catholique fut également l’esprit qui inspira la conduite du Directoire. Son parti pris d’hostilité se manifesta en particulier dans une lettre, signée de trois de ses membres, La Revellière-Lepeaux, Barras et Reubell, qui fut adressée au général Bonaparte le 15 pluviôse an V (3 février 1797). Il y était dit : « Le Directoire exécutif a cru s’apercevoir que le culte romain était celui dont les ennemis de la liberté pouvaient faire d’ici longtemps le plus dangereux usage… Il est sans doute des moyens à employer dans l’intérieur pour anéantir insensiblement son influence soit par des voies législatives, soit par des institutions qui effaceraient les anciennes impressions en leur substituant des impressions nouvelles plus analogues à l’ordre de choses actuel, plus conformes à la raisonetà la saine morale… » Archives nat., AFm*20, n. 288. Un des moyens pouvant servir à cette fin, et que révèlent presque tous les actes politico-religieux du Directoire, était « de favoriser le développement de cultes nouveaux à base rationaliste de manière à ce qu’ils supplantent peu à peu les cultes anciens à base mystique ». Aulard, op. cit., p. 643. Mais, pour éliminer ainsi progressivement la religion catholique de la conscience nationale, en faisant l’éducation de cette conscience par un système laïque d’instruction publique et de fêtes civiques, quel autre culte répondait mieux aux vues sectaires du Directoire que le culte théophilanlropique ? On ne saurait donc s’étonner de la protection et des faveurs que les théophilanthropes ne cessèrent de rencontrer, tantôt secrètement, tantôt publiquement, auprès de ce gouvernement. Un de leurs adeptes inavoués, le directeur La Revellière-Lepeaux reconnaît dans ses Mémoires qu’il se chargea de plaider lui-même auprès de ses collègues la cause de l’Église théophilanthropique. « Le Directoire, dit-il, en jugea ainsi, el donna des ordres au ministre de la police, Sotin, pour proléger les fondateurs de cette nouvelle institution et pour leur accorder, sur les fonds de la police, les très modiques secours dont ils pouvaient avoir besoin pour la célébration d’un culte aussi simple et aussi peu dispendieux. Certes les fonds secrets des gouvernements n’ont pas toujours un emploi aussi honnête ni aussi utile. » Aux frais encore du gouvernement, les théophiianthropes purent installer leur culte à Noln Dame, concurremment avec le culte catholique, el obtenir plus tard à Paris la jouissance de quai le. puis de quinze et enfin de dix-huit églises ou Chapelles. Le ministre de l’Intérieur crut rendre enfin « un grand Service aux progrès de la morale en envoyant gratuitement, sous son seing, le Manuel de Chemin dans les départements. <)n ni plus, le Jury d’instruction approuva officiellement le catéchisme des

théophiianthropes qui devint un livre classique cl

devait servir rians la pensée du gouvernement comme contre-poids à l’enseignement catholique, il y aura

même une tentative pour faire déclarer la t héophilanl luopic religion d’Etat. Ce fut, dit M. Aulard,