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nologique, car l’inspiration est incompatible avec tout genre d’erreur, soit chronologique, soit dogmatique.

b. — Les critiques catholiques estiment donc, désormais, que la proximité de la parousie est envisagée seulement comme possible. L’Apôtre se met lui-même en scène et décrit l’avenir comme présent pour dramatiser le récit, à la manière des orateurs, selon le procédé lilléraire appelé enallage persome, procédé qui demande tout au plus que la chose ne paraisse pas impossible. C’est en faveur de cette opinion que s’est prononcée la Commission biblique et cette exégèse a regagné un terrain considérable ces trente dernières années. Voici les principales raisons :

a) C’est l’interprétation traditionnelle. Le décret, entre autres avantages, aura eu celui d’attirer l’attention des exégètes sur la pensée des anciens, surtout de saint Jean Chrysostome et des Pères grecs, mieux que nous en mesure d’apprécier les nuances du texte original et les procédés complexes du style de saint Paul. Voir les textes dans Vosté, p. 239-243.

P) Cela résulte de la fidélité de Paul à la doctrine de Jésus, qui déclare la connaissance des temps réservée au Père et n’envisage pas la parousie plus probable à la première veille qu’à la quatrième. Sur la date de la parousie, Paul ne fait que répéter les enseignements de Jésus : même doctrine : incertitude ; — mêmes comparaisons : la métaphore de la nuit orchestrant le thème de la parousie : I Thess., v, 2, Dies Domini sicut fur in nocte ita veniet, cf. Matth., xxiv, 43 : Si sciret paler familias qua hora furventurusesset ; I Thess., v, 3 : Sicut dolor in utero habenti ; cf. Joa., xvi, 21 : Millier cum paril tristitiam habet, quia venil hora ejus ; — mêmes expressions : I Thess., v, 1 : De temporibus et momentis, cf. Matth., xxiv, 36 : De die autem illa et hora et Act., i, 7 : Temporætmomenta ; — mêmes leçons : vigilance et sobriété, Matth., xxiv, 42 ; Luc, xxi, 34 ;

— même scénario, cf. Matth., xxiv, 30-31 ; Luc, xxi, 27.

y) Juste balance des textes et des faits dont plusieurs renvoient la parousie dans un avenir indéterminé.

S) Les habitudes littéraires de Paul : nous savons qu’il a une tendance habituelle à se mettre en scène au lieu et place de ses interlocuteurs. Nous avons déjà signalé plusieurs exemples de ce procédé littéraire en ces deux épîtres. La simple logique demande qu’on ne mette pas l’Apôtre en contradiction avec lui-même sur l’un de ses enseignements les plus constants. Au total, il n’a aucune précision sur la date du grand retour. Une échéance prochaine est toujours possible, en prévision de quoi il faut se tenir prêt ; mais un retard, un recul prolongé, et pour ainsi dire indéfini, est également à envisager. Sa pensée en elle-même est déjà claire. Elle le devient davantage quand on tient compte de son style et de ses procédés littéraires.

d) Les signes de la parousie. l’Adversaire et l’Obstacle. — Il était temps de couper court aux désordres de la communauté de Thessalonique. Selon son habitude, l’Apôtre va droit au but : « Vous dites que le jour du Seigneur est proche ? Eh bien, non, il ne l’est pasl La parousie doit être précédée de signes certains. Tant qu’on n’aura pas vu se produire la grande apostasie et l’Adversaire, surtout l’Adversaire, la parousie n’aura pas lieu. » II, ii, 3-12.

a. L’apostasie (y) àTroaxocaia). — Les Pères ont vu en cette apostasie soit la dislocation de l’empire romain, soit les hérésies chrétiennes, soit la corruption des mœurs. Le sens de ce mot est aujourd’hui défini. Ce ne sera pas une défection politique, une révolte — sens du vocable chez les auteurs profanes de la basse époque — mais une vraie corruption, une vraie défection religieuse, sens habituel dans les Septante et le Nouveau Testament. Apostats pour saint Paul, tous ceux qui, juits, païens ou chrétiens, se séparent de l’Évangile et

le repoussent. Malheureusement l’Apôtre ne nous fournil aucun des renseignements dont notre curiosité serait avide. Le divin Maître nous avait prévenus de la séduction qui serait exercée à la fin des temps par les faux messies et les faux prophètes. Elle mettra en péril le salut des hommes et sera même un danger poulies élus. Matth., xxiv, 11-24 ; Luc, xviii, 8. On constate de nouveau ici l’accord entre Matthieu et Paul. L’Ancien Testament, les apocryphes et les écrits rabbiniques font également de l’apostasie un signe de la consommation du siècle. Strack-Bill., t. iii, p. G37. Précédera-t-elle ou suivra-t-elle l’Adversaire ? Conformément au procédé habituel de saint Paul (hendiadis), les deux signes, apostasie et Adversaire, n’en font sans doute qu’un, en ce sens que l’apostasie sera causée par les agissements et les prestiges de l’Adversaire à l’époque de sa révélation.

b. L’Adversaire. — Le second signe précurseur du retour du Christ est l’apparition ou révélation de l’Adversaire, qui, on vient de le voir, se joint au premier comme la cause à son effet.

a) Le portrait de l’Adversaire (ꝟ. 3b-5). — Les réminiscences bibliques qui se pressent en ces quelques lignes sont telles que, si l’ensemble de cette mystérieusephysionomie conserve un air d’originalité, la plupart des détails sont empruntés. Dans ce tableau, nous relevons encore le procédé paulinien des éléments convergents : trois traits suffisent à dessiner ce visage sinistre.

a. Un qualificatif de nature : l’homme d’iniquité, ô àv0pco7ro< ; -rîjç àvojjûaç. Cette expression hébraïque ne signifie pas qu’il est né du péché, spurius, d’après certaines traditions, mais que c’est un homme plongé à fond dans le péché, dont le péché est la note caractéristique : in quo fons omnium peccatorum (S. Jérôme), car « le Nouveau Testament et particulièrement saint Paul entend par avorta l’état d’hostilité à Dieu, dans lequel se trouve celui qui refuse les avances divines faites à l’humanité par le Christ ». Rigaux, L’Antéchrist, 1932, p. 257. Cette expression « homme d’iniquité », mystérieuse et apocalyptique à souhait, est à rapprocher du fils de péché, ô uièç àu-ap-daç, dont parle le ps. lxxxix. Elle suggère que le personnage s’élèvera contre la Loi et que, sans doute, il entraînera ses adeptes dans sa révolte.

(3. Un qualificatif de destinée : le fils de la perdition, ô ulèç ttje ; àKwXeiaç. Il est l’homme qui entraîne les autres à leur perte, et mieux, l’homme qui, réunissant la plénitude du mal, est voué à la damnation éternelle, à la perdition ( ?. 8), comme le fils de la mort (I Sam., xx, 31) est celui qui est voué à la mort.

y. Un qualificatif de caractère : il est celui qui s’élève au-dessus de tout ce qui s’appelle Dieu ou objet de culte, jusqu’à s’asseoir en personne dans le temple de Dieu, se donnant lui-même comme Dieu… L’Adversaire (ô àv-uxdjævoç) est, avec le substantif l’Antéchrist, que saint Jean sera le premier à employer, I Joa., ii, 18, 22 ; iv, 3 ; II Joa., 7, le qualificatif le plus expressif pour désigner le rôle de celui qui vient opposer au Christ prodiges contre prodiges, parousie contre parousie, troupeau d’égarés contre groupe de fidèles. Nous aurons à revenir sur le caractère composite de ce tableau. Qu’on ne cherche pas de quel temple il s’agit (temple de Jérusalem, Église, temple du règne messianique), ni à quel événement l’Apôtre fait allusion (profanation d’Antiochus Épiphane, tentative de Caligula de faire adorer sa statue dans le temple de Jérusalem). Nous n’avons en ce verset que des emprunts bibliques et ces paroles sont plutôt des métaphores concrètes d’un orgueil fou. Suivant le procédé littéraire de Paul (hendiadis), la session sur le trône et dans le temple de Dieu signifie que l’individu en question se donnera comme dieu et essaiera de se faire adorer. Telle est l’interprétation générale de Knabenbauer qui