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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/549

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TIMOTHÉE ET TITE. DOCTRINE


nistiquc, est mis en rapport avec, les dieux sauveurs, et désigne aussi la naissance, l’avènement au pouvoir ou le gouvernement bienfaisant d’un prince considéré comme la manifestation de la divinité. Hellénistiques encore les titres 0e6ç xal ctcottjp, [léyxç 8e6ç, Tit., ii, 20, ixaxâptoç 6e6ç, I Tim., i, 11 ; vi, 15.

Ces rapprochements sont loin de justifier les conclusions qu’on en veut tirer. — a. Au sujet de owrr ; p, rappelons que, dans la doctrine de Paul, ce titre conviendrait au Père non moins qu'à Jésus-Christ, car c’est toujours au Père qu’il fait remonter l’initiative, la préparation et même l’exécution du salut, réalisé par l’incarnation, la mort et la résurrection de JésusChrist ; cf. Rom., iii, 21-26 ; v, 8. En fait cependant, le nom de oca-nf)p n’apparaît sous la plume de l’Apôtre que dans les épîtres de la première captivité et dans les Pastorales, bien qu’il emploie assez souvent a6jTY)pîa (17 fois) et awÇeiv (22 fois). L’explication de cette nouveauté pourrait venir de sa situation nouvelle. La captivité romaine l’a placé au centre même du culte rendu à César, le dieu et sauveur du monde, et l’on comprend qu’il éprouve le besoin d’opposer à ce pauvre gardien d’intérêts terrestres l’auteur et le dispensateur du salut véritable et éternel, Dieu le Père et « le grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ », comme il opposait jadis à tous les dieux qualifiés de « seigneurs » le seul Seigneur Jésus-Christ. I Cor., viii, 5-6. De même, Paul a pu choisir des termes connus, izayocç Qeôç, rxaxâpioç 0e6ç, pour leur restituer leur véritable valeur. Notons d’ailleurs qu’en parlant du Dieu Sauveur il s’inspirait aussi de la tradition biblique :

I Reg., xiv, 39 ; II Rcg., xxii, 13 ; Ps., cxvii, 25. Les circonstances lui fournissaient seulement une bonne occasion de rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû. — b. « h'épiphanie » du Christ sur la terre, II Tim., i, 10, et la « philanthropie » divine, Tit., iii, 4 font-elles aussi allusion à la « manifestation » des dieux sauveurs du paganisme se rendant présents par leurs bienfaits ou apparaissant en la personne des rois et des empereurs ? Wendland, art. SwT7]p, dans Zeitschrift fur N. T. Wissensch., t. v, 1904, p. 349, conclut àl’emprunt, parce que ces mots sont joints à ceux de Œoç xal acùTYjp, Xapiç, 86£a, « termes et concepts que nous rencontrons réunis de cette même manière dans le culte hellénistique et romain du Seigneur ». Mais ces concepts et ces termes sont aussi essentiellement chrétiens et évangéliques, à l’exception du mot epiXavOpoyrrta. Paul présente à diverses reprises la venue du Christ en ce monde comme la manifestation de la sainteté et de la miséricorde divines, Rom., iii, 21 ; xvi, 26 ; Col., i, 26 ; cf. Rom., i, 17 ; Gal., i, 16 ; Eph., iii, 5, idée tellement familière aux chrétiens qu’elle forme le premier vers de la strophe en l’honneur du Christ, ITim., m, 16 : ôç ècpavepcûOT) èv aapxL Le terme même de S7ucpâveia est dit du Christ à son second avènement,

II Thess., ii, 8 ; I Tim., vi, 14 ; II Tim., i, 10 ; iv, 1, 8 ; il était donc tout trouvé pour désigner aussi le premier. Quant à l’expression de tpi, Xav6pcD7r[a, elle apparaît à la fin de l'épître à Tite comme le dernier effort d’une pensée qui, après avoir épuisé les mots pour décrire la bonté divine à l'égard de s hommes, èusçâviQ

7] X<XplÇ TOÛ 08OÛ OWTTQpiOÇ (il, 11), ëStoXEV ètXOTOV

Û7tèp Tjucàv (n, 14), y) xpvjOTOTVjç £7T£(pâv7), finit par quXav6ptoTn.â. Certainement, si ce terme à la fois si simple et si expressif était emprunté au culte des faux dieux sauveurs, il serait venu bien auparavant sous la plume de l'écrivain sacré.

b) La régénération (TzaXiyye^taf.oL) (Tit., iii, 5). — Dans les mystères d’Attis, d’Isis, de Mithra, on parlait de renaissance, opérée par des rites qui faisaient de l’initié un être nouveau et divin. La mystique hermétique promettait cette régénération divine par la simple gnose ou connaissance des secrets célestes. C’est

à cette source, disent certains critiques, que les Pastorales ont puisé le nom et l’idée de Ka.h.yyevzciLaL. W. Heitmullcr, Taufe und Abendmahl im Urchristentum, Tubingu ?, 1911 ; Dieterich, Eine. Mithrasliturgie, 2e éd., Leipzig, 1910 (3e éd. par Boehm) ; Reitzensteta, Die hellenistichen Myslcrienreligionen, 3e éd., 1927 ; Loisy, Les mystères païens et le mystère chrétien, Paris, 1919 ; V. Macchioro, Orfismoe paulinismo, Motevarchi, 1922. Nous avons sur ce point particulier un travail important de J. Dey, Iïcû, '.-f{CMea'.a, Ein Eeitrag zur Klârung der religionsgeschichtlichen Bedeutung von TH., iii, ô, dans Neutestam. Abhandlunyen, t. xvii, fasc. 5, Munster-en-W., 1937. De son côté, le R. P. Lagrange a fait une étude approfondie des religions de mystères : Les mystères d’Eleusis et le christianisme, dans Rev. bibl., 1919, p. 157-217 ; Attis et le christianisme, ibid., p. 419-480 ; Mystères païens et mystère chrétien, ibid., 1920, p. 420-446 ; L’hermétisme, ibid., 1924, p. 481-497 ; 1925, p. 82-104, 368-396, 547574 ; 1926, p. 240-264 ; La régénération et la filiation divine dans les mystères d’Eleusis, ibid., 1929, p. 63-81, 201-214 ; L’orphisme, Paris, 1937. Voir aussi sur ce sujet spécial, Vinc. Jacono, La toxX'.yyeve0Î<x in S. Paoloe nell' ambiente paganismo, dans Biblica, 1934, p. 369-398. Il est fâcheux pour la théorie critique qu’elle ne puisse produire aucun témoin valable de la prétendue influence des religions païennes sur la palingénésie chrétienne.

a. Le terme de Tzcù.iyytvca’ia. était assez répandu, dès le premier siècle de notre ère, mais, comme le fait voir J. Dey par de nombreux exemples, toujours selon une signification purement naturaliste et sons sortir du domaine profane : renouvellement du monde par le feu dans le système stoïcien, Marc-Aurèle, In semelips., xi, 1, 3 ; retour à la vie et renaissances, toûç àvoc6t.<j ! >aEai xal v : ak.yyz^taia.iç, , dans les légendes des Titans et d’Osiris, Plutarquc, De Iside, 35 ; métempsycose des pythagoriciens et des orphiques, qu’ils redoutaient comme un châtiment ; restauration juive au retour de l’exil, d’après Josèphe, Ant. jud., XI, xviii, 9 ; sous la plume de Cicéron, réintégration espérée dans ses biens et dignités (il se sert pour cela du grec 7ra>, i.YYEvEaîa), Ad Attic, 6, 7 ; pour Philon, survivance d’Abcl en la personne de Seth, De poster. Caini, 36, ou recommencement de l’humanité après le déluge, De vita Mosis, ii, 2 ; selon Démocrite, nouvelle manière de penser, Plutarquc, Quæst. conviv., viii, 5 ; dans saint Matthieu, ix, 8, transformation finale de l’univers ; et ainsi de suite, avec les nuances les plus diverses. — b. Passons maintenant à l’usage religieux. Dey, op. cit., p. 36-132. Dans les mystères de Cybèle et d’Attis, il faut attendre, pour trouver la première mention d’une idée de renaissance, jusqu'à l’an 376 de notre ère, où un certain Agésilas Aedisius, qui est en même temps « hiérophante » de Mithra et « archibouvier » de Bacchus, se glorifie de la « renaissance éternelle » qu’il a obtenue, en immolant un taureau en l’honneur de Cybèle et un bélier pour Attis, taurobolio criobolioque in œlernum renatus. Corp. inscript, lat., t. vi, n. 510. Le natalicium de quelques inscriptions antérieures ne signifie pas « renaissance » obtenue par le sacrifice, mais sacrifice offert à « l’anniversaire de naissance » du dévot. Cf. Lagrange, Rev. bibl., 1919, p. 450-470. — c. Pour les mystères de la déesse Isis et de son époux Osiris le plus ancien témoin est Apulée, vers l’an 150 de notre ère. Il raconte comment, la nuit de son initiation, il mourut, en quelque sorte, pour passer dans l’autre monde et jouir un instant du salut en compagnie des dieux, puis revint aussitôt à la vie, assuré désormais d’arriver de nouveau et définitivement au salut, grâce à la déesse qui protège ses initiés et qui peut quodam modo renalos ad novse reponere rursus salutis curricula. Métamorphoses, t. XI, 21.