Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/619

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1223
1224
TOLÉRANCE -- TOLET (FRANÇOIS)


Hergenrother, Katholische Kirche und christlicher Staat, Fribourg-cn-B., 1872 ; L. Billot, De Ecclesia, t. ii, Borne, 1910, p. 101-113 ; Bouché-Leclcrcq, L’intolérance reliyieuse et la politique, Paris, 1911 ; N. Paulus, Protestantismus und Toleranz im XVI. Jahrhundert, Fribourg-en-B., 1911 ; Vermeersch, La tolérance, Louvain-Paris, 1912 ; Ami du clergé, 1914, p. 119-153 ; 504-506, et la bibliograpliie indiquée à l’art. Libéralisme, sur la doctrine ou la « thèse », col. 629.

A. Michel.
    1. TOLET (TOLEDO) François##


TOLET (TOLEDO) François, cardinal et théologien jésuite espagnol (1533 ( ?)-1596).

I. Vie.

François Toledo naquit à Cordoue vers 1533-1534. Sur son enfance et son éducation on sait fort peu de choses. Les diaires de l’université de Salamanque mentionnent qu’il étudia quelques années à Saragosse, où il devint maître es arts. En 1556, il paraît à la fameuse université de Salamanque, centre alors de la rénovation scolastique inaugurée par Vitoria ; il y suit les cours du grand théologien Dominique Soto, en occupant lui-même une chaire des arts avec le renom de brillant professeur. Entré dans la Compagnie de Jésus, le 5 juin 1558, il fit quelques mois de noviciat à Simancas, mais se vit bientôt envoyé au Collège romain, où il débuta par l’enseignement de la métaphysique. Il avait pour collègues Mariana, Ledesma et Sa. Durant tout un triennium, il professa la philosophie avec un très grand succès, puis il passa à la théologie. En 1569, saint Pie V le choisit pour théologien de la Sacrée Pénitencerie et de l’Inquisition et prédicateur ordinaire du pape et du collège des cardinaux. Il le fit encore consulteur du Saint-Office et de presque toutes les Congrégations romaines. Cellesci, selon le mot de Grégoire XIII, « ne résolvaient rien sans consulter Tolet ».

Du fait de cette situation, Tolet eut à intervenir ou à dire son mot dans nombre d’affaires sous les pontificats de Grégoire XIII, Sixte-Quint et Clément VIII. C’est ainsi qu’en 1580, il fut envoyé à Louvain par Grégoire XIII en vue d’obtenir la soumission de Baius (voir Baius, t. ii, col. 54). On conserve à Rome, dans les bibliothèques Barberini, Angélique et Casanate, des copies des brefs et instructions qu’emportait le négociateur. Une relation de la négociation, rédigée pour le roi d’Espagne Philippe II, se trouve aux archives de Simancas (État, 350). Plus tard, il fit partie de la commission chargée de corriger l’édition sixtinc de la Vulgate. Mais son activité et sa prudence eurent aussi à se déployer dans le domaine de la politique religieuse, au cours des divers voyages qu’il fit pour accompagner les légats apostoliques en Autriche, en Pologne, en Bavière ; plus encore lorsqu’il se trouva mêlé à l’affaire de la réconciliation d’Henri IV avec l’Église, et qu’il réussit à faire prévaloir à la cour pontificale la thèse — passablement contestée dans les milieux romains — de la sincérité du roi de France.

Tant de services décidèrent Clément VIII à lui donner la pourpre, malgré les répugnances de Tolet et l’opposition de l’ordre, (17 septembre 1593). Il était le premier jésuite élevé au cardinalat. Dans sa nouvelle condition, Tolet n’interrompit pas ses travaux. C’est en écrivant son commentaire sur saint Luc, entrepris, nous dit-on, pour le plaisir de parler de la sainte Vierge, qu’il mourut à Rome, en septembre 1596, demandant à être inhumé à Sainte-Marie-Majeure. Le magnifique éloge gravé sur sa tombe fut en grande partie composé par Clément VIII lui-même.

IL Œuvres. — La production littéraire de Tolet est tout entière de caractère ecclésiastique, sauf un ou deux écrits négligeables. Elle est néanmoins très variée.

Les œuvres philosophiques viennent en tête, fruit du premier enseignement du jésuite au Collège romain. Ce sont naturellement des commentaires d’Aristote. Introductio in Dialeclicam Aristolelis, Rome, 1561 ;

Commentaria… in unioersam Aristolelis Logicam, Rome, 1572 ; Commentaria… in VIII lihros de physica auscultatione, Venise, 1573 ; …in ires libros de anima, Venise, 1574 ; …in duos libros de generalione et corruptione, Venise, 1575. Les supérieurs de Tolet jugèrent ces livres si bien adaptés aux besoins des étudiants, qu’il fut question de les prendre comme texte ordinaire pour les classes de philosophie dans les collèges de l’ordre. Certaines difficultés retardèrent la mesure, et finalement l’empêchèrent d’aboutir. Aussi bien, ces commentaires d’Aristote ne sont-ils pas tous d’égale valeur. On préfère généralement le De anima. Mais en tous on remarque une louable tendance à éviter les vaincs subtilités, ainsi qu’une sympathie prononcée pour les idées du Docteur angélique.

Les œuvres théologiques présentent les mêmes caractères, de même qu’elles se rattachent, elles aussi, à la carrière professorale de l’auteur ; mais ce sont des œuvres posthumes. Tolet songeait peut-être à faire imprimer ses leçons de théologie scolastique, mais elles n’ont vu le jour qu’au xixe siècle, grâce au P. J. Paria, qui en a édité le recueil en 1869 sous le titre In Summam theologiæ sancti Thomæ Aquinatis enarratio. L’édition reproduit un ensemble de cahiers autographes laissés par l’ancien professeur et gardés après sa mort dans les archives du Collège romain. En comparant ces cahiers avec une copie faite par Bellarmin du cours dicté par Tolet au début de son enseignement théologique (copie qui se conserve également à Rome), on constate que la rédaction primitive a été notablement remaniée. Cf. S. Tromp, Gregorianum, 1933, p. 333-338. Il est regrettable que les volumes du P. Paria ne contiennent aucune indication qui permette de discerner les remaniements. D’ailleurs, VEnarratio n’est pas un libre commentaire de saint Thomas à la manière de Valentia ou de Suarez. C’est une œuvre beaucoup plus succincte et scolaire, où se manifeste, avec un grand don de clarté, un sens peu commun de la méthode théologique. Observabimus modum hune, lit-on dans le Prologue, ut prius sanctum Thomam pro viribus explanemus ; consequenter Cajetanum ; loco auiem tertio, quæ difficiliora fuerinl, juxta aliorum insignium theologorum sententias discutiamus, quæ fide tenenda sunt semper ostendentes, ac quantum nobis fuerit concessum, sanctorum Patrum dicta et placita proponentes. Bien que Tolet ait certainement « lu » au Collège romain toute la Somme de saint Thomas, l’exposition de la I » -II ffi ne se retrouve pas dans ses cahiers autographes : de là vient que l’édition du P. Paria n’a pas cette partie du cours de théologie scolastique.

Par contre, des leçons de morale pratique — ou, comme on disait alors, de « cas de conscience » — que l’actif professeur fit régulièrement dès 1562, nous avons la substance intégrale dans le volume intitulé selon les éditions, Summa de instructione sacerdotum ou Instructio sacerdotum. L’ouvrage parut pour la première fois en 1599, sous le titre que nous avons donné en premier lieu, chez l’éditeur lyonnais Cardon. Mais, préparé sans beaucoup de soin et, semble-t-il, d’après des notes d’élèves, il dut être corrigé. Un ami de Tolet, le P. Vasquez de Padilla, se chargea de le faire. Après collationnement avec le manuscrit du cardinal, il donna une meilleure édition sous le titre Instructio sacerdotum, Rome, 1601. Cette Somme de 1056 pages in-4° était appelée à une belle diffusion, puisqu’on en compte 72 éditions, des traductions espagnoles, françaises, italiennes, sans parler de nombreux épitomés et compendia en divers idiomes.

C’est cependant par son œuvre exégétique que Tolet s’est acquis le renom le plus durable et le mieux mérité. Il publia lui-même à Rome, en 1588, un commentaire de saint Jean qui est resté longtemps classique et qui