Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/685

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1355
135
TRADUCIANISME. LES THÉOLOGIENS

C

2° La controverse pélagienne et les hésitations d’Augustin. — Si le traducianisme a pris un certain relief dans l’histoire des idées, c’est à l’autorité de saint Augustin qu’il le doit. Non que l’évêque d’Hippone ait enseigné cette doctrine ; mais le traducianisme, qu’il avait d’abord réprouvé, lui parut ensuite une explication plausible de la transmission du péché originel. En bref, voici la position d’Augustin : il rejette formellement l’émanatisme ; il condamne le traducianisme matérialiste de Tertullien, car l’âme, substance spirituelle, ne peut pas être le résultat de l’évolution de la matière ; mais il s’arrête avec une certaine complaisance sur le traducianisme spirituel, l’âme des enfants venant de l’âme des parents. Il reste indécis devant les quatre solutions qui lui semblent plausibles ; mais, même à la fin de sa carrière, il n’a jamais condamné absolument le génératianisme spirituel. Pour le développement de ces indications, voir Augustin (Saint), t. i, col. 2359-2361. Cf. L. Janssens, Summa theol., t. vii, De hominis naiura, dissert, de origine animarum, p. 614-628.

L’influence de saint Augustin empêchera très certainement la réprobation formulée par Anastase II, voir plus loin, d’avoir son plein effet dans l’enseignement catholique. Saint Fulgence reconnaît les hésitations d’Augustin, De vera prædest., t. III, n. 28, P. L., t. lxv, col. 666 BC. Lui-même déclare que rien, dans l’Écriture, ne lui semble condamner le génératianisme. Epist., xvi, n. 16, col. 441 C ; cf. De vera prædest. , t. III, n. 29, col. 666 D ; n. 21 et 32, col. 667 D, 668 AB. L’essentiel pour Fulgence est de conserver et de confesser le dogme du péché originel. Saint Grégoire le Grand lui-même, dans sa lettre à Secundinus, n’ose pas se prononcer : Utrum ipsa (anima) ab Adam descendent, an certe singulis detur, incertum remansit. Question insoluble, conclut-il, d’après l’aveu des saints Pères eux-mêmes, Epist., t. IX, lii, P. L., t. lxxvii, col. 990 A. Saint Isidore de Séville, tout en inclinant personnellement en faveur du créatianisme, constate la divergence des opinions. Mais le traducianisme n’est pas noté par lui avec la même sévérité que l’émanatisme. Voir Isidore de Séville (Saint), t. viii, col. 109 et la note 50 des Isidoriana, dans P. L., t. lxxxi, col. 234 CD. Par contre le créatianisme est nettement enseigné par Prudence, Carmen apotheosis, ꝟ. 915, P. L., t. lix, col. 994 A ; par Gennade, De eccl. dogm., c. xiv et xviii, P. L., t. lviii, col. 984 B et 985 A, et par Cassiodore qui rejette en propres termes le traducianisme. De anima, t. III, c. vii, P. L., t. lxx, col. 1292.

L’influence de saint Augustin au Moyen Age.


L’influence de saint Augustin se fait encore plus ou moins sentir jusqu’au xiiie siècle.

Le pseudo-Alcuin enseigne la création de l’âme par Dieu et cependant il confesse l’obscurité de la question touchant son origine. Conf. fidei, part. III, n. 30, P. L., t. ci, col. 1075 D-1076 A. Même attitude chez Baban Maur qui, par respect pour la mémoire d’Augustin, hésite encore à condamner formellement le traducianisme. De anima, c. ii, P. L., t. ex, col. 1112 C. Une condamnation nette de l’erreur est toutefois formulée par Agobard de Lyon, qui enseigne la création de l’âme au moment de son infusion au corps. Adv. Fredegisum, n. 14, P. L., t. civ, col. 168 BC. Trois siècles plus tard, Werner, abbé de Saint-Biaise († 1126), traitant de l’origine de l’âme, reprend en partie les expressions mêmes de Baban Maur et confesse la création de l’âme par Dieu, bien qu’il déclare encore ignorer unde Mas Deus faciat (voir ci-dessus la profession de foi de Bachiarius). Deflorationes SS. Patrum, t. II, dominica xvi, P. L., t. clvii, col. 1161. À la même époque, Odon de Cambrai († 1113), avec plus de netteté, réprouve le traducianisme en tant qu’ex plication de la transmission du péché originel. De peccato originali, t. III, P. L., t. clx, col. 1100-1102. Voir ici, t. xi, col. 933-934. Moins aflirmatif est saint Benoît d’Asti, évêque de Segni, qui présente, en regard du traducianisme, le créatianisme comme non inconveniens. In Gen., c. ii, P. L., t. clxiv, col. 162 A. Un fragment attribué à Guillaume de Champeaux montre que, tout en rejetant le traducianisme, l’auteur l’excusait encore comme un moyen de disculper le Créateur de toute participation à la souillure de l’âme par le péché originel. De origine animse, fragm. 2, P. L., t. clxiii, col. 1043 B. Bupert de Deutz réprouve, au nom de l’orthodoxie, le traducianisme ; mais son argument montre qu’il le conçoit sous son aspect purement matérialiste : Animas non ex traduce fluere, omnium orthodoxorum una est sententia, ne (quod ridiculum est) tôt consequatur quotidie animas perire, quot pereunt semina. De Trinitate, in Gen., t. II, c. xxi, P. L., t. clxvii, col. 267 B. Hildebert du Mans rappelle l’hésitation de saint Augustin, mais adhère à la solution créatianiste de saint Jérôme : les âmes n’ont pas été créées simultanément dès l’origine (opinion d’Origène ) ; elles ne sont pas communiquées par voie de génération ; elles sont créées par Dieu au moment même où chaque corps est formé. Tract, theol., c. xxv, P. L., t. clxxi, col. 1121 B. Avec Bobert Pulleyn, la discussion proprement théologique élargit son champ : le traducianisme est longuement discuté et cette discussion aboutit à une confession en faveur du créatianisme. Sent., t. II, c. viii-ix, P. L., t. clxxxvi, col. 729-731.

La condamnation du traducianisme par les théologiens semble bien définitive, quelles que soient les formules adoucies que leur suggère encore le respect d’Augustin. Hugues de Saint-Victor use de formules de ce genre. Il expose quod anima non sit ex traduce. Les raisons qu’il tire de l’Écriture ne sont pas très convaincantes, non plus que l’exemple des végétaux qui se communiquent la vie sans se communiquer une âme. Mais seule la conclusion importe ici : Probabilius constat animas ex traduce non esse ; et encore : Fides catholica magis credendum elegit animas quotidie corporibus vivificandis sociandas de. nihilo fieri quam secundum corporis naturam et carnis humanæ proprietatem de traduce propagari. De sacramentis, I. I, part. VI, c. xxx, P. L., t. clxxvi, col. 300 A, 300 D301 A.

Alexandre de Halès pose la question du traducianisme dans sa Summa theologica, part. II, q. xi.ii, memb. 3, a. 3. Un argument de raison invoque la spiritualité et la simplicité de l’âme, compromise par le traducianisme. Un texte de l’Écriture, Eccle., xii, 7 (pris dans la Vulgate, car l’original n’a pas ce sens) — cité encore par nos auteurs les plus modernes — rappelle qu’à la mort « la poussière du corps retourne à la terre et l’esprit revient à Dieu qui l’a fait ». L’origine de l’âme est donc différente de celle du corps. Enfin l’autorité d’Hugues de Saint-Victor et même celle de saint Augustin sont contraires au traducianisme. Mais la conclusion est encore timide : His et hujusmodi rationibus probabile faclum est animas ex traduce non esse, sed novas de nihilo creatas, novis quotidie corporibus de paterno semine in vulva formatis, ad vivificationem infundi. Le souvenir d’Augustin impose encore une affirmation atténuée.

4° Pierre Lombard et les maîtres du XIIIe siècle. — Pierre Lombard prend nettement position. Il rejette avec force l’émanatisme, Sent., t. II, dist. XVII, n. 2 ; mais, tout en marquant son hésitation quant au moment où fut créée l’âme du premier homme, ibid., n. 3, il réprouve expressément le préexistentianisme et le traducianisme comme contraires à la doctrine catholique. Catholica autem Ecclesia nec simul nec ex