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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/102

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1733

    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. ALEXANDRE DE HALÈS

1734


Nous ne confondrons pas, cependant, sa doctrine avec celle de l’abbé Joachim. Celui-ci affirmait que le Fils était engendré par la nature divine absolument considérée. Pour Alexandre, la nature divine, considérée relativement en tant qu’elle est dans le Père est le principe de la génération. Ce disant, il ne nie pas pour autant le rapport étroit de la génération du Fils à l’intelligence divine : le Verbe de Dieu ne peut qu’être proféré intellectuellement par le Père ; mais la nature divine, étant par elle-même intellectuelle, le Père engendre le Fils par cette nature intellectuelle. Notre théologien tout en affirmant le lien intime qui existe entre la génération et la connaissance, nie l’identité formelle entre generare et intelligere dans le Père. Voir plus loin.

L’ordre d’origine constitue dans la Trinité les relations divines, mais, tandis que la plupart des théologiens postérieurs verront surtout Vopposition mutuelle des relations, d’où ils font dériver la distinction réelle des personnes entre elles, Alexandre considère plutôt la liaison qui, par les relations, s’établit entre les hypostases pour réaliser l’unité divine. Ainsi, la procession du Saint-Esprit est nécessairement a Pâtre Filioque, parce que, « si deux personnes procédaient d’une seule sans que l’une des deux procédât de l’autre, il n’y aurait ni souveraine affinité, ni souveraine convenance, ni par conséquent souverain amour ; ce qu’on ne peut soutenir b. Ibid., q. xliii, memb. 4. D’ailleurs, ce ne sont pas les relations opposées qui constituent formellement les personnes ; ce sont les propriétés d’origine. Les relations ne font que manifester et, pour ainsi dire, notifier la distinction des personnes.

Si l’ordre d’origine entre les hypostases différentes ne contredit pas l’unité substantielle, c’est que la multiplicité n’existe que dans les personnes et l’unité est dans l’essence. Les différences de relations n’ont par elles-mêmes aucune connexion avec les différences substantielles : « Tout ce qui est en Dieu se rapporte à son unité. Pour le Père, engendrer n’est pas autre chose qu’être Père ; pour le Père, être Père n’est pas autre chose qu’être ; pour le Père, être n’est pas autre chose que la divine essence. Toutes ces choses et toutes les raisons personnelles se réduisent à l’unité d’essence qui n’est pas multipliée dans ces choses multiples. » Ibid., q. xiv, memb. 6, a. 2, 3° ratio. Que l’unité soit en plusieurs, c’est une perfection ; mais, qu’elle soit elle-même multipliée, c’est une imperfection. La perfection souveraine qu’est Dieu exige donc qu’il y ait en lui unité d’essence non multipliée, mais en plusieurs personnes, de sorte que la Trinité est la perfection même de l’unité. Ibid., memb. 1.

b) La seconde personne.

Dans ce qui précède, il a été suffisamment parlé du Père. Le nom de Fils est un nom propre. Pour Richard de Saint-Victor, la procession, envisagée selon la conception métaphysique, n’est que la fécondité de la substance et, selon la conception psychologique, une exigence de l’amour personnel. Voir ci-dessus, col. 1718. Le mode de procession par génération proprement dite et, partant, le nom de Fils importerait donc assez peu : une telle appellation relève plutôt de la convenance. De Trinitate, I. VI, c. v, P. L., t. exevi, col. 971 AB. Ce reste de rationalisme abélardien ne se retrouve pas chez Alexandre : c’est la révélation même et non une convenance de langage qui < nscigne que la seconde personne est vraiment le Fils de Dieu : Matth., iii, 17 ; cf. Marc, i, 11 ; Luc, iii, 22 ; Matth., xvii, 5 ; cf. Luc, ix, 35 ; Marc, ix, 7 ; II Pet., i, 17. Aussi son traité s’ouvret-il par ces mots : « Dieu a engendré ! »

Afin de maintenir le caractère de génération à la procession du Fils, Alexandre cherche à transformer la preuve de la fécondité de la substance, telle que l’avait proposée Richard. Le bien, dit-il en substance, est difîusif de soi et la plus grande diffusion qu’on puisse imaginer est une diffusion substantielle en vue de produire son semblable en nature. Pourrait-il en être autrement de Dieu dont la vertu causative doit être tellement puissante que son acte s’identifie avec elle comme perfection de nature ? Il faut en inférer une génération éternelle. Enfin, dernier motif, on ne peut refuser à Dieu la noblesse de la fécondité ; et, « si l’on objecte que ce ne sont là que des raisons de convenance et non des preuves nécessaires », Alexandre répond : « Tout ce qui est inconvenant en Dieu est impossible ; tout ce qui est convenable en Dieu est nécessaire. Si donc la génération convient en Dieu, elle est nécessaire en Dieu. » I », q. xlii, memb. 1. Alexandre termine en soulignant le caractère personnel d’une telle génération, car la tendance à se communiquer ne peut être le propre du bien considéré en soi ; elle n’existe que dans une personne qui ne dépend pas d’une autre : Est diffusivum prout est in persona non ente ab alio. Ibid., memb. 3, a. 1, fin.

Après le nom de Fils, le nom d’Image, qui est aussi nom propre de la seconde personne. Le Fils « est la similitude expresse du Père et son image en ceci que, de même que la plénitude de la divinité procède de l’un, ainsi cette même plénitude procède de l’autre » (dans le Saint-Esprit). Ibid., q. lxi, memb. 3, a. 2. Le principe de la fécondité substantielle est ainsi toujours à la base du raisonnement.

Enfin, en troisième lieu seulement, le nom de Verbe. Pour Alexandre, le Verbe ne peut être conçu comme le terme de l’intelligence divine ; c’est l’étal même de cette intelligence, c’est-à-dire de la substance divine, état concomitant à l’acte même par lequel Dieu se connaît et qu’il est impossible que Dieu ne possède pas. Ibid., q. lxii, memb. 1, a. 1. Ainsi « génération » n’est pas formellement identique à « intellcction » : « La génération en Dieu est une production univoque de toute la substance en parfaite similitude de nature. Il faut donc affirmer que l’idée même de la génération ne coïncide pas exactement avec celle de l’intcllection, tout comme la génération et l’être. « Penser » est dit en Dieu absolument ; mais l’idée de, génération comporte une relation. « Penser » est donc, en Dieu, simplement concomitant à « engendrer ». Ibid., q. xlii, memb. 2.

c) La troisième personne.

Ces considérations permettent difficilement d’expliquer l’existence d’une seconde procession en Dieu. Ne conservant pas la théorie augustinienne du « concept » et de 1’ « amour », Alexandre ne peut pas distinguer les deux processions selon le concept et selon l’amour, comme l’avait fait saint Augustin et comme le fera bientôt saint Thomas. Il recourt donc à une double manière de procéder de la première personne. Cette double manière est l’action par nature et l’action par volonté : « La plus parfaite diffusion de nature est celle qui s’opère par voie de génération ; la plus parfaite diffusion de volonté se fait par voie d’amour et de dilection… Si tout ce qui est parfait et glorieux ne peut manquer dans le Bien suprême, il est clair que, dans le Bien suprême qui est Dieu, il y a diffusion par voie de génération… et de plus diffusion par voie de dilection, que nous appelons procession du Saint-Esprit. » Ibid., q. xliii, memb. 4, Il s’agit ici, Alexandre le déclare expressément, de la volonté divine personnelle, dont l’acte formel » si l’amour et le terme une autre personne. Dans la pro>n du Fils, la volonté joue son rôle ; mais simplement à titre de nature se. communiquant ; dans la procession du Saint-F.sprit, la volonté divine Intervient à titre de personne et ne peut que suivre l’acte intellectuel qui la détermine objectivement. Aussi l : i procession du Saint-Esprit vient-elle après celle du