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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1035

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WYCLIF. DOCTRINE DES INDULGENCES


On voit jusqu’où pouvait aller ce droit de refus des dîmes. Il est vrai que Wyclif, proclamant une sorte de droit à l’insurrection, au nom de la Bible, autorisait de même les gens du peuple à « corriger leurs seigneurs » quand ils étaient coupables : Populares possunt ad suum arbitrium dominos delinquentes corrigere. N. 17. Enfin, pour tarir une des sources de subsistance des frères devenus ses pires ennemis, Wyclif n’hésitait pas à assimiler au crime de simonie le fait de s’obliger à des prières pour ceux qui subvenaient à leurs besoins : Omnes sunt simoniaci qui se obligant orare pro aliis, eis in temporalibus subvenientibus. N. 25.

Wyclif devait aller beaucoup plus loin, un peu plus tard, dans sa haine de la hiérarchie et spécialement de la papauté. Son De potestate papæ et son De ordine christiano, qui sont du printemps de 1379, et son Trialogus, de l’automne de 1382, sont d’un radicalisme bien plus intransigeant que le De Ecclesia et les écrits antérieurs. S’il avait condamné tel pape individuellement, il n’avait pas rejeté le principe même de l’autorité pontificale. Sa position était à peu près la suivante : Nous devons obéir au vicaire du Christ, mais le vicaire du Christ, pour avoir droit à l’obéissance, doit être le plus parfait disciple de l’Évangile, l’homme le plus saint de la chrétienté. S’il ne mène pas la vie de saint Pierre, le pape n’est plus, avec ses clés, que le portier de l’enfer. Cependant sa doctrine de la prédestination, en tant que base primordiale et même unique de l’Église, aboutissait à faire de la papauté et de l’obéissance qui lui est due plutôt une convenance d’ordre extérieur qu’un principe indispensable à l’unité de l’Église. Wyclif était devenu plus âpre après les bulles de Grégoire XI, mais s’il avait qualifié ce pape d’Antéchrist, il ne s’en prenait pas encore à la papauté en général. Il eut même, au début du règne d’Urbain VI, qui avait une réputation de vertu bien établie, des paroles de sympathie pour le nouvel élu. Mais quand le Grand Schisme eut éclaté, en septembre 1378, quand Urbain VI eut révélé un caractère violent, autoritaire, excessif, quand surtout il eut prêché la croisade contre son adversaire, et que l’évêque de Norwich, Spenser, eut organisé une expédition sur le continent à son appel, Wyclif ne connut plus de limites à sa colère et à son indignation. La croisade de Spenser, en 1383, eut le don surtout de susciter ses protestations les plus dures. Il est alors entraîné par la logique des événements qui se déroulaient au sein de l’Église à une hostilité déclarée envers tout le système ecclésiastique existant. Le spectacle de deux papes se disputant la tiare provoque de sa part les sarcasmes les plus sanglants. Il ne voit plus en eux que la marque des « loups ». Il les compare à deux « chiens se battant pour un os », à deux < corbeaux acharnés sur une charogne ». Il se rit des indulgences qu’ils publient en faveur de leurs adhérents et grâce auxquelles « un homme peut en une demijournée gagner des indulgences pour une centaine de mille ans et plus ». Appeler un pape de ce genre « saint Père » est un « caquetage ». Il est du reste absurde de faire choisir un pape par les cardinaux, qui sont eux-mêmes des hommes d’une vertu et d’un désintéressement plus que suspects. Le chef de l’Église ne pouvant être qu’un prédestiné et Dieu seul connaissant le nombre et les noms des prédestinés, on ne devrait choisir le pape que par la voie du sort. Le pape ne devrait avoir aucun domaine politique, aucune possession. Il recevrait de Dieu le don des miracles s’il en était digne par sa sainteté et cela suffirait à toutl En attendant, les deux papes sont à rejeter aussi bien l’un que l’autre, « comme deux démons ». Leur avènement fut prophétisé par le Christ quand il parla des signes du jugement. Dans

tous ses pamphlets en latin et en anglais, Wyclif tourne en dérision cette prétention des évêques de Rome à être placés au-dessus de toute la chrétienté sous prétexte que saint Pierre mourut à Rome. L’ancienneté d’un siège ne prouve rien pour la sagesse ou la sainteté de celui qui l’occupe. Wyclif rapporte l’historiette de la papesse « Anna » (sic pour Johanna), pour prouver à quel point le choix des cardinaux peut être absurde. Il a toutefois des doutes sur cette historiette. Il admet bien, jusque dans ses derniers pamphlets, que Rome peut remplir certaines fonctions utiles de gouvernement, mais il reproche aux papes de ne pas imiter la charité et la patience du Christ et de ne montrer que de l’orgueil et de la hauteur. La papauté ne pourrait rendre de réels services qu’en se dépouillant de son ambition. Au fond, Wyclif ne serait pas éloigné de croire et de dire que l’Église se trouverait mieux de ne reconnaître pour chef que le Christ et d’abandonner le rite païen de l’élection d’un pape. Il proclame que, pour lui, « la papauté, telle qu’elle fonctionne, est pleine de poison », qu’elle est « l’Antéchrist en personne », « Gog, la tête du clergé césarien », « l’homme de péché qui s’est exalté au-dessus de Dieu ». Sans pape et sans cardinaux, l’Église jouirait d’une plus grande paix. « Le pape n’est pas la tête, la vie ou la racine, si ce n’est peut-être de ceux qui agissent mal au sein de l’Église. » La papauté est « une herbe empoisonnée ». On a appelé parfois le pape « un Dieu sur la terre », « un Dieu mélangé d’homme ». En réalité, réplique Wyclif, il est « le capitaine de l’armée du diable », « un membre de Lucifer », « le chef-vicaire de l’ennemi », « un apostat de la règle du Christ », « une idole plus horrible qu’une bûche peinte », en sorte que c’est une « détestable et blasphématoire idolâtrie » de lui accorder de la vénération. Voir Sermons, éd. Loserth, t. ii, p. 66, 158, 201 sq., et surtout Political Works (tracts en anglais), t. ii, p. 396, 559, 564, 608, 619-621, etc. Dans les derniers temps de sa vie, Wyclif exprima souvent l’opinion que le schisme qui divisait l’Église était un véritable bienfait de la Providence. « Le Christ, disait-il, a commencé à nous venir gracieusement en aide, en ce qu’il a fendu en deux la tête de l’Antéchrist et mis aux prises les deux morceaux l’un contre l’autre ! » Cité par Workman, John Wyclif, t. ii, p. 82. Ainsi la violence dont faisaient preuve les deux papes se couronnait de la violence encore plus grande des soi-disants réformateurs. L’épreuve dont souffrait l’Église ne pouvait pas être plus affreuse 1 De toutes ces injures, le concile de Constance, en condamnant Wyclif, ne retint que les propositions suivantes : Post Urbanum VI, non est aliquis recipiendus in papam, sed vivendum est more Grœcorum sub legibus propriis. N. 9. — Excommunicatio papse vel cujuscumque prælati non est limenda, quia est censura Antichristi. N. 30. — Ecclesia Romana est synagoga Satanæ nec papa est proximus et immediatus vicarius Christi et apostolorum. N. 37. — Electio papse a cardinalibus a diabolo est introducta. N. 40. — Non est de necessitate salutis credere Romanam Ecclesiam esse supremam inter alias Ecclesias. N. 41.

Doctrine des indulgences.

En connexion étroite

avec l’ecclésiologie, il convient de dire un mot de la doctrine des indulgences. C’est en effet sur le pouvoir des clés attribué à la hiérarchie ecclésiastique et plus spécialement au souverain pontife que repose la théorie indulgentielle. Ce n’est pas ici le lieu de relever les abus très réels auxquels a pu donner lieu la pratique des indulgences. Des auteurs très orthodoxes se sont plaints de ce que beaucoup de pécheurs disaient communément : « Je n’ai pas besoin de m’inquiéter du nombre et de l’énormité de mes fautes, puisque je pourrai toujours pour quelques sous acheter une