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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/104

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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. SAINT BONAVENTURE

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personnes, ne peut qu’identifier personne, relation et propriété personnelle, sans qu’il lui soit possible de concevoir la personne antérieurement à sa propriété personnelle. Saint Bonaventure envisage ici d’abord l’hypostase et il trouve dans la perfection même de Fhypostase la raison de la paternité divine. Cette perfection s’exprime d’une manière en apparence négative : Générât quia innascibilis, et spirat quia improcessibilis. Dist. XXVII, part. I, a. 1, q. ii, ad 3 am : « L’innascibilité, sous une forme privative, est une réalité parfaite et positive. Le Père est dit innascible, parce qu’il ne procède pas d’un autre. Or, ne pas procéder d’un autre, c’est être premier et la primauté est une noble affirmation… Il est premier et donc principe ; il est principe, donc il y a, en acte ou en puissance, un terme procédant du principe… Et il n’y a pas à poursuivre, ni à demander pourquoi il est innascible : innascibilité dit primauté et il faut s’arrêter au « premier ». — Cette position de saint Bonaventure est discutée par saint Thomas, Sum. theol., I », q. xxxiii, a. 4, ad l um. On trouvera dans Th. de Régnon, op. cit., t. ii, p. 489 sq., le résumé de la controverse, avec une bienveillance non dissimulée pour le Docteur séraphique.

c) La personne du Fils.

La foi enseigne que la seconde personne est le Fils, l’Image, le Verbe. Mais les théologiens ne s’entendent pas sur l’ordre à placer entre ces noms divins.

La filiation frappe saint Bonaventure surtout par son aspect métaphysique : de là vient qu’il la place en premier lieu. On sait qu’il admet cette première production divine « par mode de nature ». La nature divine est toute noblesse et toute perfection ; elle est communicable et, en fait, communiquée. Mais, en raison, d’une part, de sa simplicité même, d’autre part, de son infinité, elle se communique sans se multiplier et en demeurant identique et totale. Cette communication est une génération parce qu’une hypostase divine donne à une autre hypostase la nature divine : unité de substance en pluralité de personnes, Père et Fils. Dist. IX, a. 1, q. i ; cf. dist. X, a. 1, q. i, ad 3° m ; dist. XIII, a. un., q. m ; dist. XVIII, part. II, a. un., q. iv ; Brevil., t. I, c. iii.

Le Fils est aussi l’Image du Père, imitation, non de l’essence, mais de la personne. Seul le Fils est, à proprement parler, l’Image du Père, parce que seul il en procède par voie de nature. À cette raison propre, on peut ajouter d’autres raisons de convenance : il procède d’un seul ; il produit le Saint-Esprit avec le Père et semblablement. Dist. XXXI, part. II, a. 2, q. n ; cf. ad 3um. Image parfaite, le Fils peut être appelé, comme saint Hilaire l’a fait, species, parce qu’il est la raison de connaître toutes choses et qu’il comporte la beauté. Ibid., q. iii, ad 2° iii.

Image, le Fils est aussi Verbe. Pierre Lombard et son école enseignaient : eo Filius, quo Verbum. Pour l’école de Richard de Saint-Victor, c’est eo Verbum quo Filius qu’il convient de dire. Jadis saint Augustin avait uni les deux formules : Eo Filius quo Verbum et eo Verbum quo Filius. De Trinitate, t. VII, n. 2, P. L., t. xi.ii, col. 934. Saint Bonaventure rétablit ainsi l’assertion : Eo quo Filius, eo est Imago et eo ipso Verbum. Dist. XXXI, part. II, a. 1, q. n : « Le verbe mental n’est pas autre chose qu’une ressemblance exprimée pressive, conçue par la force de l’intelligence qui contemple soi-même ou autre chose. Le verbe présuppose donc connaissance, génération et image. » Dist. XXVII, part. II, a. 1, q. iii. Les trois personnes, dans leur nature commune et unique, pensent et ont la même contemplation de la vérité ; c’est un état absolu et immobile. Seul le Père dit » un verbe ; c’est une opération qui a tous les caractères de la génération puisque le terme est semblable en nature au principe dont il procède ; et, à ce sujet, Bonaventure maintient que la procession du Verbe n’est pas formellement selon l’intelligence. Dist. X, a. 1, q. i, ad S""". Mais, en Dieu, le Verbe a un caractère personnel, parce que la parole atteste et apporte le témoignage d’une personne parlante.

d) Le Saint-Esprit.

Parce que l’Esprit-Saint procède selon la volonté et non selon la nature, sa procession n’est pas une génération. Dist. VI, a. 1, q. n ; X, a. 1, q. i, ad 3 nm ; XII, q. rv ; XIII, a. 1, q. ii, ad 3um ; q. iii, ad 2um. Il procède par mode de libéralité et d’amour. Dist. VI, a. 1, q. iii.

Il n’est pas suffisant, il est même inexact d’affirmer que le Saint-Esprit procède selon l’amour que Dieu a de lui-même. Saint Bonaventure rappelle les sentences des premiers Pères affirmant que la troisième personne procède formellement de l’amour mutuel du Père pour le Fils et du Fils pour le Père et il bannit de cette procession tout amour d’une personne pour soi-même. Dist. XIII, a. 1, q. i. Le Saint-Esprit est le Nœud qui réunit ces deux amours réciproques. Son opération d’aimer, à lui, n’étant pas une opération personnelle, reste dans la ligne de l’amour essentiel commun aux trois personnes. Dist. X, a. 2, q. i, ad 4 am. Et donc, si le Saint-Esprit ne procédait pas aussi bien du Fils que du Père, il ne se distinguerait pas du Fils. Dist. XI, a.un., q. i. Toutefois, en admettant que le Père et le Fils ne sont qu’un principe de spiration active, Bonaventure déclare qu’ils sont cependant deux « spirateurs ». Expression moins conforme à la terminologie reçue. Cf. Stohr, op. cit., p. 68-71 ; J. Slipyj, De principio spirationis, Lwov, 1926, p. 84.

Un autre nom de l’Esprit-Saint est le Don, qui exprime une relation à la créature. Sans doute, ce don n’a été fait que dans le temps, mais de toute éternité, il était susceptible d’être donné. Dist. XVIII, a. 1, q. v. Cf. S. Augustin, De Trinitate, t. V, n. 16, P. L., t. xlii, col. 921.

Conclusion.

La meilleure conclusion de cet exposé sera le bref parallèle établi par saint Bonaventure entre la seconde et la troisième personne : « Esprit désigne principalement (la troisième personne) par comparaison à la vertu productrice, savoir la vertu spirative ; Amour la désigne principalement par le mode de procéder qui est un noeud ; enfin, Don la désigne par un rapport conséquent aux deux autres, son propre étant de nous lier à Dieu, quia nos nalus connectera. . De même, la procession du Fils est signifiée d’une triple manière par les noms : Fils, Image, Verbe : Fils, parce qu’il procède par voie de nature ; Image, parce qu’il procède par voie d’expression ; Verbe, parce qu’il exprime aux autres, quia aliis expressivum. .. ideo Verbum. » Dist. XVIII, a. 1, q. v, ad 4 nB. Sur la théologie trinitaire de saint Bonaventure, voir A. Stohr. Trinitdtslehre des hl. Bonaventura, Munster, 1923.

3. Influence des doctrines trinitaires d’Alexandre de Halès et de saint Bonaventure aux xrn* et xrv siècles.

L’influence des deux grands docteurs franciscains se fait sentir sur quatre points principaux :

a) Beaucoup d’auteurs n’admettent pas que les relations soient constitutives des personnes : elles sont caractéristiques des personnes, lesquelles se distinguent entre elles par leurs propriétés d’origine. Voir Im textes d’Kudes (Odon) Rigaud, de Pécham, de Guillaume de la Mare, de Nicolas Ockam, de Roger Manton dans Schmaus, op. cit., p. 447-452, 455, 460, 466. Sur la doctrine trinitaire de Pécham, voir ici, t. xii, col. 129.

b) L’innascibilité, comme propriété constitutive du Père, Mt une thè^e bonaventurienne. qtM ces mêmes auteurs accueillrnt volontiers, en y ajoutant cette précision : le Père est constitué par l’innascibilité dansT. — XV. — 55.