Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1045

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
3619
3620
XIPHILIN

lénique qu’asiatique, avait nettement pris parti contre le platonisme, non sans mêler d’ailleurs à ses propres idées certains éléments empruntés à l’astrologie et à la magie orientales. Voir Psellos, Oraison funèbre de Xiphilin, dans Sathas, op. cit., p. 456-462. Il reprochait sévèrement à Psellos de consacrer trop de temps à l’étude de Platon comme à une vanité. La polémique s’aviva lorsque Xiphilin eut quitté l’Olympe pour venir occuper le trône patriarcal (décembre 1063). Psellos avait alors adressé au nouveau patriarche une lettre enthousiaste. La réponse lui fit savoir que les admirateurs de Platon avaient cessé d’être chrétiens. « En outre, Xiphilin l’accusait de vouloir renverser l’Église pour renouveler les folies du paganisme en posant l’édifice social et moral sur les idées de Platon et de Chrysippe. Effrayé de cette imputation, Psellos répondit à Xiphilin par une longue lettre, qui est le document le plus complet en notre possession sur les tendances platoniciennes et aristotéliciennes au xie siècle. » Chr. Zervos, Un philosophe néoplatonicien du xie siècle : Michel Psellos, sa vie, son œuvre, ses luttes philosophiques, son influence, Paris, 1920, p. 217 ; cf. p. 100, 138, 140, 146. Cette appréciation de Chr. Zervos est exacte, à la réserve de la distinction finale entre platonisme et aristotélisme, qui ne se présentent pas ici avec le caractère tranché d’opposition que l’on insinue. Il faut lire cette riposte de Psellos pour saisir la portée réelle du débat ouvert entre les deux amis. Plein de son sujet, Psellos commence ex abrupto : « Je fais mien Platon ? O très saint et très sage ! Je le fais mien ? O terre, ô soleil ! dirai-je, pour renvoyer comme un écho à ton coup de théâtre. » Lettre à Jean Xiphilin devenu patriarche, dans Sathas, op. cit., t. v, Paris, 1876, p. 444. « Mien assurément, continue-t-il, mais à la manière des Pères qui puisaient dans le philosophe athénien des armes contre les hérétiques. C’est vrai, j’ai étudié les philosophes : et Platon ne pouvait m’échapper, ni Aristote, ni les Chaldéens et les Égyptiens ; mais je l’ai fait en rapportant tout à nos Écritures inspirées, qui m’ont permis de découvrir les faussetés et les scories dont ces systèmes étaient remplis… »

Les deux amis, devenus en cette circonstance antagonistes, demeurèrent d’ailleurs d’accord sur la question pratique de l’indépendance ecclésiastique byzantine, et leurs efforts conjugués firent échouer l’essai d’union avec Rome en 1072 sous le pape Alexandre II et l’empereur Michel VII Parapinakès. On trouvera dans V. Grumel, Regestes des patriarches de Constantinople, n. 891-903, l’énumération et l’analyse des actes officiels connus du patriarcat de Jean VIII Xiphilin.

Quant à l’important Homiliaire attribué par les manuscrits à un Jean Xiphilin (publié en partie par Sophronios Eustratiadès sous le titre Ὁμιλίαι εἰς τὰς κυριακὰς τοῦ ἐνιαυτοῦ, t. i, Trieste, 1903), A. Ehrhard a démontré, Ueberlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche von den Anfängen bis zum Ende des 16. Jahrhunderts, Erster Teil, III. Band, Leipzig, 1941, p. 525-559, que cette compilation était l’œuvre du moine Jean Xiphilin, neveu du patriarche Jean VIII, et qu’à celui-ci revenait seulement le mérite d’avoir encouragé le travail.

Michel Psellos, Oraison funèbre du patriarche Jean Xiphilin, texte grec publié par K.-N. Sathas, Bibliotheca græca medii ævi, t. iv, Paris, 1874, p. 421-462 ; Migne, P. G., t. cxix, col. 755-761, a recueilli quelques actes patriarcaux de Jean Xiphilin. Pour la liste complète des actes patriarcaux, voir V. Grumel, Regestes des patriarches de Constantinople, n. 891-903. — Quant aux quelques homélies que Migne a reproduites sous le nom de ce patriarche, P. G., t. cxx, col. 1201-1292, elles ne lui appartiennent pas ; se référer à A. Ehrhard, Ueberlieferung…, Ire partie, t. iii, p. 526-528 sq., qui donne la liste complète des homélies, avec les incipit.

L’ouvrage de K.-G. Bonis, Ἰωάννης ὁ Ξιφιλῖνος, ὁ νομοφύλαξ, ὁ μοναχός, ὁ πατριάρχης, καὶ ἡ ἐποχή αὐτοῦ, Athènes, 1937, exige, pour être utilisé, que l’on tienne compte préalablement des données acquises par l’étude de A. Ehrhard ; brève notice dans K. Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Literatur, 2e éd., Munich, 1897, p. 170-171, a rectifier de même d’après le récent travail de A. Ehrhard.

Sur l’époque de Jean Xiphilin, Fischer, Studien zur byzantinischen Geschichte des elften Jahrhunderts, Plauen, 1883. Sur ses relations avec Michel Psellos, voir Chr. Zervos, Un philosophe néoplatonicien du XIe siècle : Michel Psellos, sa vie, son œuvre, ses luttes philosophiques, son influence, Paris, 1920. Sur la discussion à propos de Platon et des philosophes, S. Salaville, Philosophie et théologie ou épisodes scolastiques à Byzance de 1059 à 1117, dans Échos d’Orient, t. xxix, 1930, p. 135-141.

S. Salaville.

XIPHILIN Jean, écrivain byzantin (xie siècle).

— Originaire de Trébizonde, neveu du précédent, il fut moine à Constantinople dans la seconde moitié du xie siècle. Érudit et lettré, il fut sollicité par le basileus Michel Parapinakès d’abréger l’historien grec Cassius Dion, qui, dans le premier tiers du iiie siècle, avait publié une volumineuse Histoire romaine, Ῥωμαϊκὴ ἱστορία en 80 livres, depuis les origines jusqu’en 229. La première partie de cet énorme et précieux ouvrage avait déjà disparu quand Xiphilin se mit à l’œuvre et l’abréviateur n’eut en main que les livres XXXVI-LXXX, couvrant, en dépit de quelques lacunes au t. LXX, la période qui va de 68 avant Jésus-Christ à 229 après. L’érudition moderne n’a d’ailleurs plus retrouvé que les livres XXXVI-LX (de 68 av. J.-C. à 47 après). Nous ne disposons donc plus, pour connaître le dernier tiers de l’œuvre de Cassius, que de l’abrégé de Xiphilin. C’est dire l’importance de son œuvre ; là où il double le travail primitif, l. XXXVI à LX, xxviii, 5, il est un témoin important du texte ; pour le reste il a sauvé des renseignements précieux. Il avait d’ailleurs essayé de donner une forme personnelle à son travail, divisant la grande histoire de Cassius en biographies des empereurs, depuis Auguste jusqu’à Élagabale, et faisant précéder son abrégé des biographies, composées par lui-même, de César et de Pompée. On s’est d’ailleurs posé la question de savoir si le moine byzantin utilisait le Cassius primitif ou seulement un abrégé. En dépit de l’indifférence apparente avec laquelle il narre les événements, Xiphilin laisse percer, de-ci, de-là, son caractère de chrétien. C’est ainsi que racontant, l. LXXI, c. viii et ix, le célèbre miracle de la « Légion fulminante », il commence par donner la narration de son garant, puis la discute et fait remarquer l’erreur volontairement commise par Cassius, lequel ne pouvait ignorer l’origine du surnom de κεραυνοβόλος ; donné à ce corps de troupes. Il y aurait intérêt à relever dans Xiphilin d’autres exemples du même genre d’une christianisation de l’histoire profane. Ceci a d’autant plus d’importance que cette compilation est notre unique source pour certains événements de l’histoire ecclésiastique, pour la persécution de Domitien par exemple. — L’essentiel a été dit à l’art, précédent sur l’important Homiliaire compilé par Xiphilin.

Le texte de Xiphilin est d’ordinaire publié à la suite de celui de Cassius Dion, par exemple dans l’édition de Samuel Reimarus, 2 vol., Hambourg, 1750-1752, ou de Bolssevaux, Berlin, 3 vol., 1901 ; A. Gros a donné en face du texte grec une traduction française, 10 vol., Paris. Se reporter aux notices sur Cassius Dion dans les Histoires de la littérature grecque ; voir en particulier Christ-Stàhlin-Schmid, Geschichte der griechischen Literatur, t. ii, p. 629 sq., et Krumbacher, Gesch. der byzant. Lit., 2° éd., p. 369-370 ; voir aussi la bibliographie de l’art, précédent.

É. Amann.