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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1099

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ZWING1 1. PÉRIODE REVOLUTIONNAIRE

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pour autant d’être érasmien. Il ne parle plus du pape et de la Curie qu’avec rage et mépris : « Laissons ces guenons, écrit-il, ou plutôt, comme dit Diogène, ces chiens royaux 1 Pour nous, appuyons-nous sur le Christ ! » Lettre à Vadian, 4 mai 1520, Opéra, t. vii, p. 307. À ceux qui tremblent devant les foudres romaines qui menacent Luther et ses partisans, il rend courage. Il se déclare prêt à affronter lui-même l’excommuniLaLion et à imiter, dit-il, la constance d’Hilaire de Poitiers et du pape Lucius I er. Lettre à Myconius, 24 juillet 1520, Opéra, t. vii, p. 344. Il devient, de plus en plus, l’un des centres de la résistance à Rome. Tous les novateurs de Suisse, d’Alsace et de la Haute-Allemagne le consultent et gardent les yeux fixés sur lui. Zurich sera donc un second Wittenberg. La diète de Lucerne s’en inquiète, dès le mois de mai 1520 (à noter que la bulle de condamnation de Luther est de juin) et Myconius avertit son ami du bruit qui se fait autour de son nom et des critiques qui s’élèvent contre lui. Opéra, t. vii, p. 317, 26 mai 1520. En novembre, il l’informe que l’on ne parle plus que de le brûler avec Luther et ses œuvres. Ibid., p. 366, 2 nov. Ainsi la tragédie de Zwingli suit un cours exactement parallèle à celle de Luther et tout ce qui se passe à Wittenberg a son écho à Zurich. C’est sûrement en fonction de cette ardeur de bataille contre Rome qu’il faut interpréter le geste de Zwingli refusant, en cette même année 1520, de recevoir plus longtemps la pension annuelle de 50 ducats que le Saint-Siège lui versait depuis longtemps. On se tromperait toutefois beaucoup en s’imaginant que, dès cette époque, il ait pris position publiquement en faveur des doctrines nouvelles de Luther et des Wittenbergeois. Ce ne sera jamais son genre. Il se démenait beaucoup contre Rome, mais par lettres privées ou par conversations entre intimes. Il ne publiait rien. Il se bornait sans nul doute à des allusions en chaire, à des commentaires bibliques adroits. Il n’oublie jamais le devoir de la « circonspection ». Il se pose en simple « prédicateur de l’Évangile », rien de plus, rien de moins. En apparence, il est donc encore tout érasmien. Faber, le grand-vicaire de Constance, le traite toujours en ami. Glarean lui écrit toujours avec confiance. La séparation des éléments n’est pas encore faite. Érasmiens et luthériens marchent toujours ensemble et forment une armée compacte en face de « la tourbe immonde des sophistes » et de « la longue chaîne des moines ».

Le 29 avril 1521, Zwingli a été nommé chanoine du Grand-Munster et ce titre honoré l’avait rendu officiellement citoyen de Zurich. Son influence, déjà grande, ne pouvait qu’en être affermie. L’heure des décisions graves approche pour lui. Ce fut au printemps de 1522 que se produisirent les premières attaques directes contre les lois officielles de l’Église. Simultanément à Bâle et à Zurich, la loi du jeûne et de l’abstinence fut publiquement violée. Le 5 mars, en présence de Zwingli et évidemment avec son approbation, mais sans sa participation extérieure personnelle, des citoyens de Zurich mangèrent de la viande, le mercredi des Cendres. Le fait fut connu de tous. L’émotion fut énorme. Il y eut des bagarres dans la rue. L’imprimeur Christophe Froschauer, sommé de s’expliquer devant le Conseil de ville, pour ce délit, se défendit hardiment en faisant appel à l’Écriture et en invoquant l’autorité de Zwingli, qu’il qualifiait de « meilleur prédicateur de l’Allemagne, l’honneur et la gloire de Zurich ». Mis au pied du mur, celui-ci vint au secours de ses amis, par un sermon très audacieux, le 23 mars, et, pour la première fois, il fit imprimer son discours, le 16 avril, sous ce titre explicite : Du choix et de la liberté des aliments. Opéra, t. i, p. 74-136. L’évêque de Cons tance, ému de ce scandale, envoyait aussitôt une commission d’enquête. Le Conseil de ville, sommé d’intervenir pour maintenir les lois de l’Église, s’était prononcé, le 9 avril, en faveur des usages établis, mais en formulant le vœu de voir prouvé par les Écritures le bien-fondé de ces usages.

Zwingli n’en fut que plus ardent à promouvoir le renversement de la discipline canonique. À partir de ces faits, une nouvelle phase s’ouvre dans sa vie. Il va quitter Érasme, pour se jeter dans le camp révolutionnaire. Dès le début de 1522, son ami Glarean l’avait informé de l’imminence d’un « duel » entre Érasme et Luther. Cette nouvelle était grave. Il eut d’abord la pensée de susciter des médiateurs entre les deux grands hommes qu’il unissait jusque-là dans un même culte. Mais il comprit très vite que le moment était venu, aussi pour lui, d’opter. C’est à partir de l’affaire du carême de 1522 qu’il cesse ouvertement d’être un simple érasmien. Et nous allons voir que, comme en 1516, son attitude publique se trouvait commandée par un problème de nature essentiellement intime.


III. PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE (1522-1531).

On a dit plus haut les licences que Zwingli avait prises, depuis son ordination sacerdotale, avec la règle du célibat. Il avait cependant fait un immense effort, en 1516, pour se corriger, avec l’aide du Nouveau Testament grec d’Érasme. Puis, 11 était retombé. Sa liaison avec la fille du barbier avait terni sa réputation et l’on a vu ses pénibles excuses à ce sujet. On ne sait rien de sa conduite dans les premiers temps de son séjour à Zurich. Seul, son cantique sur la peste fait allusion au scandale de ses mœurs. Mais, s’il avait dérobé au regard du commun ses plus graves égarements, au cours des années 1520 et 1521, les nouvelles venues de Wittenberg, où les prêtres se mariaient publiquement et en foule, n’avaient pu que l’enhardir à faire une démarche qu’il désirait et méditait depuis longtemps. Au début de 1522 — sans que l’on puisse préciser davantage — il s’était lié, par un mariage secret, à une veuve de bonne famille, Anna Reinhard. Le bruit de cette liaison était parvenu aux oreilles de Glarean, à Bâle, dès le mois de mai. Quelques-uns de ses amis, prêtres comme lui, avaient imité son exemple. Tous ensemble, le 2 juillet 1522, ils adressèrent une pétition signée à l’évêque de Constance, et, le 13, une non signée à la Diète fédérale, pour obtenir la permission de contracter mariage, alors que la plupart d’entre eux avaient hardiment devancé cette permission. Comme argument, à l’appui de leur demande, ils prouvaient, par l’Écriture, que la chasteté sans doute est un don sublime, mais qu’il n’est pas donné à tous. Ils constataient sans ambages qu’eux-mêmes ne l’avaient pas reçu et donnaient leur propre inconduite comme une preuve de la nécessité du mariage dans leur cas personnel. Opéra, t. i, p. 204. Les pétitionnaires ne reçurent aucune réponse. Faisant un pas de plus, Zwingli provoqua, le 21 juillet, une dispute officielle avec les moines, chargés de la prédication dans les couvents de femmes. Par une tactique dont il devait tirer grand parti et qui posait un principe de grande conséquence, il avait voulu que la dispute se déroulât en présence du bourgmestre et de deux dignitaires du Conseil. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait appel au Conseil pour des questions religieuses. En ces temps, les matières civiles, politiques et religieuses étaient inextricablement mêlées. Il était de règle toutefois que le pouvoir civil n’intervînt que pour faire exécuter ou pour sanctionner les lois ecclésiastiques, tout comme les magistrats appliquent le Code, sans se permettre d’y déroger ou de le modifier. Dès 1520, le Conseil de Zurich avait, à la demande de Zwingli, prescrit à tous les