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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1121

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ZWINGLIANISME. PAROLE DE DIEU


les fidèles aux docteurs pour se faire Instruire de la foi (C. R., v, 758, 13). Si une ordination divine est à l’origine de la prédication de l'Évangile, le ministère se recommande d’une institution positive du Christ (cf. infra, col. 3857).

A toutes ces instances qui semblent arguer en faveur de la Parole et de sa vertu intrinsèque — encore que dans l’esprit de Zwingli la Parole ne soit jamais seule, mais s’entende avec l’Esprit (cf. C. R., ii, 111, 11 : Der Geist und Wort Golles thund das) — on peut en opposer autant d’autres. Ainsi, dans la conception de Marie, exemple souvent cité par ses adversaires, ce n’est pas la vertu miraculeuse de la parole de l’ange qui est en cause, mais bien la ToutePuissance de Dieu (Goltes Kraft) (C. R., v, 791, 23). Dans l’Adversus Emserum, Zwingli ne reconnaît d’autre magistère que la conscience religieuse collective, qui juge de toute parole extérieure, donc de la prédication de l'Évangile (C. R., iii, 260, 263), et, dans la lettre à Ambr. Blaurer (1528), il écrit : (Ecclesia) exlerno et interno vcrbo docla censet (l’accent est mis sur le second terme) (C. R., ix, 460, 10). Les temps apostoliques eux-mêmes ne font pas exception : Non enim crevit fides apostolorum prædicatione, sed spiritus inlus trahentis et illustrantis vi (C.R., xx, 454 ; cf. Sch.-Sch., vol. iv, p. 96, c. fin.). Zwingli minimise la part du facteur humain et social dans la conversion et la valeur de l’apologétique. Il lui arrive, il est vrai, dans le Commentaire sur Matth., d'évoquer le merveilleux effet de l'éloquence antique : c’est l’humaniste qui parle en lui ; mais tout aussitôt il se ravise : s’agit-il de la prédication de l'Évangile, on ne saurait lui refuser pareille vertu, mais avec ce correctif toutefois : At non fit hoc loquentis virtute, sed spiritus trahentis et vivificanlis (Sch.-Sch., vol. vi, t. i, p. 333). Finalement, dans l’Arnica Exegesis (1527), œuvre de polémique antiluthérienne, la critique se fait encore plus radicale : elle s’attaque à la parole intérieure elle-même, qui est quelque chose de créé. Il ne reste plus que l’action divine, à laquelle rien ne semble correspondre dans le sujet qu’une pure puissance d’obéissance : À trahenie ergo Pâtre est ut Christo fidamus, non a verbo etiam interno (C. R., v, 583, 16).

3° A Marburg, Zwingli est catégorique : Verba nihil aliud posse quam significare (W. Kôhler, Das Marburger Religionsgesprâch 1529. Versuch einer Rekonstruklion, dans Schriften des Vereins fur Reformationsgeschichte, n. 148, Leipzig, 1929, p. 40). Dans le colloque préliminaire avec Mélanchton, voici comment il définit la Parole (ce texte si précieux a été publié pour la première fois en 1929 par W. Kôhler) : Verbum capitur pro ipsa sententia et mente Dei, quæ mens est et voluntas Dei, amicta tamen humanis verbis, quam sententiam divinse voluntatis tune capit humanum pectus, quum trahitur a Pâtre (ibid., p. 42). La Parole prend un sens profond, métaphysique : elle se confond avec la pensée et la volonté de Dieu même ; la parole humaine n’en est que le vêtement, élément adventice. Ce n’est pas elle qui est objet de compréhension de la part du sujet, mais bien la parole de Dieu au sens premier et seul réel (toujours, sousjacente, la dialectique des apparences et de la réalité), soit donc la pensée intime ou la volonté de Dieu. Encore faut-il que Dieu daigne attirer directement le croyant. Dans cette opération essentielle, de laquelle dépend la foi, la parole extérieure, comme toute médiation humaine, ne peut jouer qu’un rôle accessoire.

Le 8e article de Marburg rend un son complètement différent : Quod Spiritus sanctus, de via ordinaria loquendo, nemini hanc fidem et donum suum largiatur, nisi præcedente concione, seu verbo vocali, seu Evangelio Christi, sed per et cum verbo vocali operatur et

efflcit fidem, ubi et in quibus ipso visum est (Sch.Sch., vol. iv, p. 181). Si Zwingli y a souscrit, ce ne put être qu’avec une réserve mentale, qu’on trouve exprimée dans ses « Annotations : Ipse fidem dat, non externum verbum (ibid., p. 183). Cette clause annule la concession précédente.

Finalement, alors que Luther charge la parole de signification et de vertu : Prolatum verbum vuli Lutherus afjerre aliquid, Zwingli retourne le rapport : parole-foi ; il se place d’emblée au centre de la conscience du croyant, il y découvre une étincelle divine : l’homme est fait pour s’entretenir avec Dieu, pour écouter et comprendre la parole que Dieu lui adresse directement — c’est le sens de l’imago dans Von Klarheit… (C. R., i, 345, 14, et infra, col. 3788) ; la foi germe quand Dieu le veut, et la parole extérieure, loin d’y conduire ou d’y ajouter, n’a de sens que par la foi : Also, ut verba prolata intelliguntur et sciantur in fXde mea. — Ego credo verba crédita (Zwingli à Marburg ; W. Kôhler, op. cit., p. 71). Ce que W. Kôhler commente ainsi : « Chez Luther, la Parole et seulement la Parole ; chez Zwingli, la force de la Parole liée à ma foi ; là, Dieu seul ; ici, Dieu et moi ; et le pont trouvé (dans le colloque) par Mélanchton, que le Je est attiré par le Père, s’avérait sans consistance, car le Je demeurait à côté de Dieu » (Das Religionsgesprâch zu Marburg 1529, Mohr, 1929, p. 34).

/II. vécritvre et L’Esprit. — L'Écriture est parole de Dieu, d’où son autorité unique. Cependant, il faut distinguer forme et contenu de l'Écriture, la lettre et l’Esprit. On retrouve ici un dualisme semblable à celui que nous venons d’analyser. La dialectique de l’extérieur et de l’intérieur se continue. Marquons les positions successives de Zwingli. Elles nous éclairent en même temps sur ses méthodes exégétiques.

1° Écrits anticatholiques (Actes des Disputes de Zurich, 1523 ; Auslegung der Schlussreden ; Apologeticus Architeles ; Réponse à Valentin Compar ; Dispute de Eaden). — 1. Contre le magistère ecclésiastique, Zwingli en appelle, nous l’avons vii, à l'Écriture : c’est elle qui doit trancher le débat (C. R., i, 484, 25 ; 487, 1 ; 488, 20 ; 558, 2 ; 559, 20 sq., etc.). Zwingli ne s’est jamais départi du principe énoncé dans Y Architeles : Scripturam sacram ducem ac magistram esse oportet (C. R., i, 262, 29 ; cf. ibid., 306, 2), quitte à l’interpréter à sa manière (cf. C. R., ii, 323, 8 ; iii, 310, 27 ; v, 773, 20). Par Écriture, il faut entendre « non pas la lettre qui tue, mais l’Esprit qui vivifie » (C. R., i, 306, 7). Il est pour Zwingli hors de conteste que l'Écriture n’est passible que d’un seul sens comme elle a l’unique Esprit pour auteur (C. R., i, 561, 18 ; ii, 477, 9-10 ; 494, 16 ; 504, 19 ; Sch.-Sch., vol. iii, p. 359, c. med.). En cas d’obscurité, il n’est que de comparer entre eux les différents passages, d’apporter au passage obscur la lumière empruntée ailleurs. Point n’est besoin, pour tirer l'Écriture au clair, d’avoir recours à un maître humain. C’est la réponse qu’il fait à Jean Eck (C. R., iii, 309, 4 sq. ; 310, 1 sq. ; cf. ii, 449, 1-10).

2. Quel est le contenu de l'Écriture ? Zwingli est porté alors (sous l’influence de Luther) à le réduire à l'Évangile, et même à ce qu’il appelle l’essence de l'Évangile (das wàsenlich evangelium ; C. R., iv, 71, 4). Il définit l'Évangile : « Tout ce que Dieu révèle aux hommes et exige d’eux » (C. R., ii, 79, 12). Ailleurs il écrit : » Apprends donc à voir l'Évangile là où Dieu daigne illuminer gratuitement l’homme, l’attirer à soi, le consoler dans sa société et lui rendre la paix en l’aiîranchissant de tout péché « (C. R., i, 294, 28 ; cf. ii, 380, 23 sq.). S’il en est ainsi, ce que Dieu nous a révélé dans l'Écriture s’identifie avec ce que l’Esprit révèle immédiatement au cœur du