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ZWINGL1ANISME. CHRISTOLOGIE


de la chair par le Verbe en vue de l'œuvre de la Rédemption (C. R., v, 927, Il sq.). Que reste-t-il de l’union personnelle ? Zwingli « n’a d’intérêt à ce dogme que pour autant qu’il fonde l’Allôosis dont il faisait si grand cas (O. Ritschl, op. cit., p. 119). Les opérations étant divisées, il semble, par voie de conséquence, que la personne doive l'être aussi. Zwingli connaît aussi une « assomption » du Christ lors de sa glorification (Sch.-Sch., vol. v, p. 259) ; O. Ritschl relève à ce sujet une teinte adoptianiste (loc.cil., p. 120-121).

L’influence du volontarisme scotiste s'étend plus loin encore que ne l’a signalé W. Kohler : elle explique tout ce qu’il y a d’arbitraire et d’extrinsèque dans les opérations de l’humanité associée à la Rédemption, mais non point cause de salut. En vertu d’une volonté positive de Dieu ou décret divin, le Christ devait souffrir et mourir ; cependant sa mort n’est pas à proprement parler salutaire, c’est sa divinité qui nous sauve (cf. C. R., iii, 779, 18 : Christus nobis ea parle salutaris est, qua de cœlo descendit, non qua ex illibatissima quidem Virgine natus est, lametsi secundum eam pâli ac mori oportuerit ; sed nisi deus simul fuisset, qui moriebatur, non potuisset toti mundo salutaris esse).

3° Cependant tout n’est pas à mettre au passif dans la christologie zwinglienne. À la différence de Luther, Zwingli voit dans le Christ (d’après Érasme), non seulement le Rédempteur, mais le maître de doctrine, le législateur (cf. C. R., ii, 27, 18 ; 28, 35 [art. 2] ; ibid., 52, 8 [art. 6] ; v, 625, 22). Il se plaît aussi à souligner son rôle comme tête de l'Église (C. R., ii, 50, 23 ; 53, 27 ; 55, 11). Il entend par là, au sens mystico-réaliste, que le Christ est principe de vie pour les fidèles (cf. C. R., iii, 781, 25 : Mundum veni non modo redimere, sed etiam mutare. Qui ergo me fldunt, ad meum exemplum se transformabunt). Par là, sa christologie participe du caractère positif de sa morale (cf. infra : régénération, loi). Il a voulu, écrit-il, « débarrasser la figure douce et paisible du Christ de l’accrétion et des taches des traditions humaines, afin qu’il nous soit à nouveau cher, que nous éprouvions la douceur de son joug et la légèreté de son fardeau » (C. R., i, 133, 5 ; Zwingli cite souvent Matth., xi, 28 en exergue de ses œuvres). Sur les autres titres du Christ : roi, cf. C. R., ii, 307, 16 ; ix, 459, 22 ; prophète et évêque, cf. C. R., ix, 465, 28. De la sorte, et pour ces divers motifs, la christologie de Zwingli repose sur une base scripturaire plus large que celle de Luther (cf. le recours à Joa. et à Hebr., Sch.-Sch., vol. ii, t. i, p. 101).

Mais ne trouve-t-on pas aussi, comme l’envers de ces positions, un aspect subjectif, qui, nous l’avons souligné, rentre dans la trame de la dogmatique zwinglienne, en conséquence de son spiritualisme (cf. Sch.-Sch., vol. iii, p. 422-423)? À cette question, on peut répondre avec F'. Wernle : t On peut trouver des passages chez Zwingli qui font douter s’il croyait à une vraie réconciliation de Dieu par la mort du Christ, ou s’il ne plaçait pas plutôt tout le poids uniquement sur la réconciliation de la conscience humaine. Il apparaît presque indubitable que les pensées de Zwingli inclinaient en ce sens. Cependant, dans ce dernier écrit [ChrMiatUt pdri rxpnsitio, 1531 ], il s’exprime de façon orthodoxe, et de fait l’image du Ifnndel (contrat) entre le Père et le Fils (qui rcicnl mrvettl chez lui) a toujours été entendue ainsi. Il ne faut pas sous-estimer l’orthodoxie de Zwingli et le moderniser trop. Ce qui est vrai, c’est que certaines pensées peuvent affleurer en son âme comme des germes de mutations modernes du dogme » (Zwingli, 1919, p. 331).

Il est plus difficile de répondre a la question : dans

quelle mesure Zwingli s’est-il départi de la ligne christocentrique et strictement paulinienne — suivie dans les premières œuvres (avec Luther) — pour faire droit à ce qu’il estimait les justes exigences du spiritualisme universalisle ? Il est certain que les expressions de celui-ci se multiplient avec les années (cf. C. R., iii, 662, 7 ; 664, 27 ; 853, 11 ; iv, 873, 17 ; v, 379, 15 ; ix, 458, 25 ; Sch.-Sch., vol. iv, p. 45, 65, 93, 95, 120, 123). Mais impliquent-elles une renonciation aux vues précédentes ? En d’autres termes, le salut des païens exclut-il la médiation du Christ, voie unique de salut ?

La manière dont Zwingli entend cette médiation nous oriente vers la solution de ce problème qui a de tout temps tourmenté les critiques et les lecteurs de Zwingli. Sans doute la médiation du Christ subsiste-t-elle dans la dogmatique zwinglienne, pour autant que l’humanité du Sauveur est gage de la grâce, mais il n’y a proprement que sa divinité à nous sauver et à nous octroyer la grâce : entendez le Christ-Dieu, c.-à-d. le Christ-Esprit, le Logos qui opère aussi bien dans les païens selon le principe de l'élection ou liberté absolue de l’Esprit de Dieu. Par ailleurs, même les païens bons et pieux doivent leur salut à la Rédemption par le Christ, qui a enlevé la condamnation du péché (C. R., v, 388, 31). Là où nous percevons une tension, un dualisme, Zwingli ne voyait sans doute, en raison de ses tendances syncrétistes, qu’approfondissement et extension de la doctrine.

Finalement la théodicée de Zwingli, plus exactement sa conception de l’Esprit divin, est à la racine de son dyophysisme, comme de son symbolisme sacramentel. Et le défaut même de cette christologie nous permet, par réflexion, de mieux percevoir la note distinctive du spiritualisme zwinglien : « L’Esprit est donc en soi (an sich), non reçu dans un sujet (in etwas) ; l’Esprit est à penser abstraitement et comme quelque chose d’abstrait, et non pas concrètement et comme quelque chose de concret ; l’Esprit est pensé comme Raison, et non pas comme Histoire (E. Seeberg, Der Gegensatz zwischen Zwingli, Schwenckfeld und Luther, dans Reinhold Seeberg Fesfschrifl, éd. par W. Koepp, t. i, Leipzig, 1929, p. 46). Par là s’explique la structure dualiste de la dogmatique zwinglienne.


IV. Morale de Zwingli.

La morale de Zwingli suit et applique les principes de sa théodicée. L’opposition du péché et de la grâce n’est pas proprement au centre de la morale zwinglienne, mais plutôt l’action de Dieu qui, reçue dans l’homme par la foi, conduit à la régénération et aux bonnes œuvres (ii). La notion de péché est le point faible de cette morale (i), celle de loi, son point fort (iii). — On ne peut que constater, avec E. Brunner (Gebot und Ordnungen, p. 571, 574), les lacunes des études zwingliennes sur ces points capitaux du système. On ne prétend pas ici les combler, mais seulement marquer quelle est. par opposition au luthéranisme, l’orientation de la morale zwinglienne. Si parfois Zwingli reproduit les thèmes luthériens, il met les accents autrement. Ainsi se forme dans son esprit et sa conscience une conception morale qui inaugure la tradition réformée.

r. Ut rf.rut. oiuuisei, . — (Cf. R. Pflstcr, Das Problem der Erbstinde bel Zwingli, dans Qurllrn und Abhandlungen zur schweizerischen Reformationsqeschichtc. ix, 1939.) — La doctrine de Zwingli se développe chronologiquement ainsi :

Première période : jusqu’au « Tau/schrifl » (1525). — Zwingli est surtout préoccupé de combattre la justice des œuvres ; il affirme donc la corruption radicale de la nature humaine, qui est l’effet de la chute d’Adam (C. R.. ii, 632, 17 sq.). Il prend position contre la scolastique décadente (scotlsme), qui tend à réduire