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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1144

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ZWINGLIANISME. NOMBRE DES SACREMENTS


c) Nous sommes confirmés dans ce sentiment par la lecture du De Providentiel (1530), qui est contemporain des écrits cités et auquel eux-mêmes renvoient. Les sacrements sont en marge de l’économie du salut, qui comporte : élection, foi et œuvres. Ancrée sur l’élection et œuvre immédiate de l’Esprit de Dieu, la foi possède par rapport aux sacrements une priorité. Ainsi, chez le croyant, la foi préexiste à l’administration du baptême : et sic adfuit (ides quæ luce ac dono spiritus data est, antequam sacramento initiaretur (Sch.-Sch., vol. iv, p. 119-120). C’est son caractère de don gratuit et purement spirituel qui lui vaut ce privilège : « La foi étant un don de l’Esprit divin, il est clair que l’Esprit a agi avant que les gestes extérieurs et symboliques ne soient accomplis » (ibid.. 117). Tout autre ordre ferait injure à l’Esprit. Quelle est donc la fonction de ces symboles ? Annoncer et signifier : la Providence divine en a ainsi disposé en toute suavité que soient présentés à nos sens comme des ombres et des reflets (timbras quasdam ac species) des réalités spirituelles (ibid., c. fin.). Sans doute, la foi entre en jeu à cette occasion, mais elle n’en est pas renforcée, elle demeure constante : Quibus durn exercetur fides, nimirum ea exercetur quæ prius adfuit (ibid., c. med. ; cf. C. R., v, 500. Il ; 673, 14 : At illam dudum ederat).

Ainsi Zwingli dissocie complètement le symbole et la réalité salvifique (signum et res) — celle-ci est décidément d’un autre ordre ; et il manifeste cette disruption en excluant tout synchronisme entre sacrements et foi. La foi, qui relève de l’élection divine et puise en elle toute sa substance et sa certitude, précède ; et si ce monde spirituel trouve un double de soimême dans le symbolisme sacramentel, celui-ci a seulement pour but d’orienter nos esprits vers l’objet transcendant qui est la seule réalité : cf. Rép. à Eck (1530), Sch.-Sch., vol. iv, p. 36 : Prædicant enim (sacramenta) salulem a Deo datam, sensus hue convertunt et subinde fidem exercent quam et proximo pollicentur. Le réalisme sacramentel est ici à son niveau le plus bas : c’est l’aspect métaphysique de la question, qui relègue les sacrements au rang des ombres et des figures.

Conclusion. — Finalement : la doctrine sacramentaire de Zwingli est portée par le mouvement de sa pensée théologique. Au début, tandis qu’il est sous l’influence d’Érasme et de Luther, il est enclin à admettre, au moins provisoirement et en restreignant l’affirmation au cas des « faibles » (cf. C. R., ii, 143, 18 ; m, 127, 18 ; viii, 86, 3), que les sacrements sont sceaux et gages de la grâce de Dieu (entendue au sens de faveur de Dieu qu’il nous témoigne en vertu de la réconciliation opérée sur le Calvaire) : cf. C. R., ii, 143, 16 sq. ; ni. 126, 25 ; viii, 236, 11, et textes cités infra à propos de l’eucharistie. H laisse tomber ensuite cet élément pour ne retenir que l’aspect commémoratif ou symbolique des sacrements, d’où dérive l’aspect social et moral : cf. Qu. de sacr. bapt. : Et rursus soient ipsis sacramentis et symbolis urgere ad id quod symbolis significatur. Sch.-Sch., vol. iii, p. 575, xx. Aussi bien le rite sacramentel ne prend-il toute sa valeur que dans l’Église, au sein de l’assemblée chrétienne où il s’accomplit (cf. C. R., v, 645, 31 : Sed parvum non est, hoc in ecclesia Christi fecisse), et entre les membres de qui il resserre l’unité. Zwingli a ici en vue les fêtes commémoratives fie l’Ancienne Loi ; par l’effet de son universalisme spiritualiste, la distinction entre les deux Testaments s’estompe (cf. C. R., v, 570, 9 ; 649, 10). Il pense aussi aux cérémonies civiques et patriotiques (cf. C. H., iv, 670, 25 sq.) »

De toute manière, de la définition du sacrement : sacra ; rci signum », il ne reste que l’élément générique : le signe — ou sinon il faut l’entendre au sens de fartée gratiee signum : Sch.-Sch., vol. iv, p. 11. Et c’rsi

DICT. DE THÉOL. CATII0L.

sans doute la raison pour laquelle Calvin qualifiait la doctrine sacramentaire de Zwingli de < profane ». Dans la suite Zwingli développe le symbolisme en fonction d’une conception platonicienne de la foi ; il fait fond sur l’opposition métaphysique (plus encore que morale) de la chair et de l’esprit. Les sacrements s’insèrent dans ce dualisme ; par leur inlluence bienfaisante, ils font diversion aux tendances des sens et secondent l’essor de l’âme ; ils agissent bien sur le sujet, mais le don objectif de la grâce n’est pas dans la perspective. On se meut dans la ligne du subjectivisme religieux, et aucun progrès n’est fait vers plus d’objectivité surnaturelle (malgré Blanke). De l’opinion luthérienne partagée un moment par Zwingli : le sacrement non seulement signe, mais sceau et gage de grâce, il ne reste dans cette dernière période que la comparaison de l’anneau nuptial que l’Époux divin laisse en gage à son Église (Sch.-Sch., vol. iv, p. 56, 4a ; cf. C. R., iv, 858, 3). Encore cette image est-elle imposée à Zwingli par la lettre d’Honius (cf. infra).

Nombre des sacrements.

En complément, indiquons

brièvement la position de Zwingli en face du septénaire catholique (cf. Ausleyung der Schlussreden, art. 18, C. R., ii, 122, 19 sq. ; 125. 26 sq. ; art. 50-56, ibid., 363 sq. ; Commentaire, sect. 12, C. R.. iii, 723 sq. ; sect. 16, ibid., 762 ; sect. 20 et 21, ibid., 823 sq.).

1. Il ne retient des sept sacrements que le baptême et la cène, qui ont été institués par le Christ (C. R., ii, 124, 13), encore que, nous l’avons vii, le terme même de sacrement soit écarté, même à leur sujet. L’institution divine est sans doute le critère décisif en matière sacramentaire (ibid., 19). À propos des autres composants du septénaire, Zwingli s’appliquera à montrer qu’ils ne sont pas fondés en Écriture, qu’ils remontent à des usages ecclésiastiques (pratique du catéchuménat ou de l’instruction des baptisés, usage tardif des onctions). Mais une autre considération joue aussi, empruntée non plus à l’origine, mais à la nature même des sacrements. Sacrement est devenu dans le langage zwinglien synonyme d’initiatio, rite comportant pour le sujet une obligation. Or il n’y a, à proprement parler, que le baptême et la cène qui traduisent les obligations du sujet au regard de l’Église : soit sous forme inchoative (accipimus in baptismo symbolurn). soit par la profession publique de la foi (cœna dominica damus experimentum, C. R., iii, 761, 34-5) : « Les autres sacrements sont plutôt des cérémonies ; ils n’ont pas la vertu d’obliger dans l’Église du Christ (nihil enim initiant in ecclesia dei) » (ibid., 38). Le symbolisme, ou mieux, le schématisme sacramentel zwinglien entraîne donc une réduction du nombre des sacrements. Ayant perdu une partie de son contenu, la notion de sacrement n’est plus assez riche et vaste pour embrasser une diversité de rites salutaires.

2. À la suite du baptême et de la cène, Zwingli assigne une place d’honneur au mariage. Dans les Schlussreden, il le compte comme sacrement, C. R., ii, 126, 18 ; dans le Commentaire, tout en déclarant honorer le mariage comme « une chose très sainte », il est moins afiirmatif, C. R., iii, 762. 31 ; 825, 2. C’est que le mariage n’est pas une initiatio, mais une alliance pour la vie (fœdus vitœ), C. R., iii, 762, 24. Zwingli maintient cependant le symbolisme paulinien, qui illustre les rapports de l’Église et de son Époux divin tels qu’il les conçoit. Ainsi la note ecclésiologique s’affirme ici encore (notez que, dans le Commentaire, la section De Ecclesia prélude au De sacramrntis, C. H., iii, 7.">7, 8).

3. Zwingli reproche à Lut lier de n’être pas assez radical au sujet de la oon/auton (C. R., v, 7l6, 1). Aussi une part de ses attaques contre l’institution vaut-elle contre les luthériens (C. R.. ii, 393 sq. ; iii, 724, 2 ;

Y.

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