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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1152

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ZWINGLIANISME. DOCTRINE EUCHARISTIQUE


absolument en exégèse. Il attend donc de Luther qu’il se laisse convaincre par la force de la vérité. Il y a chez Zwingli, si l’on se reporte aux affirmations timides du début (cf. C. R., iii, 342, 25, cité plus haut), une majoration d’évidence qui indique quelles profondes racines l’interprétation symbolique plonge dans son esprit et combien elle fait corps désormais avec son système. Aussi peut-il se permettre d’être chevaleresque quand il traite directement avec Luther : ainsi spécialement à Marburg. C’est de sa part l’effet non pas tant du bon optimisme de l’humanisme qui croit à la vertu intrinsèque de la vérité que d’une conviction prophétique qui lui fait dire : il doit en être ainsi et pas autrement (cf. W. Kôhler, Das Religionsgesprâch zu Marburg 1529, 1929, p. 20). b) L’opuscule suivant : Freundliche Verglimpfung ùber die Predigt Luthers wider die Schwârmer (28 mars 1527 ; C. R., v, 763 sq.), est de la même trempe. Il montre, à propos même de la foi, que l’inspiration religieuse propre à chacun meut Luther et Zwingli en deux directions opposées : Luther cherche une assurance pour la foi dans le réalisme sacramentel, Zwingli vise un effet analogue en remontant jusqu’à Dieu et en ancrant la foi dans l’élection divine (C. R., v, 781, 25). Dans le Christ lui-même, la foi concerne exclusivement la divinité. Voir de même à Marburg : W. Kôhler, Huldrych Zwingli, 1943, p. 208. Par ailleurs, à l’inverse de Luther, qui y voit une promesse grosse de la toute-puissance du Verbe, Zwingli tend à restreindre la portée des paroles du Christ lors de l’institution de la cène. Il convient de s’en tenir ici au mémorial : « Dieu a pour agréable que tu en restes là, car au delà Dieu ne donne plus de matière à la foi » (ibid., 786, 22).

c) En juin de la même année, Zwingli croise à nouveau le fer avec Luther : Dass dièse Worte : « Das ist mein Leib », etc., ewiglich den alien Sinn haben werden, etc. (20 juin 1527, C. R., v, 795 sq.). Il maintient qu’ « ici-bas ce que nous espérons ne nous est pas donné autrement que par la paix et tranquillité de la conscience, laquelle n’est autre qu’une foi ferme » (C. /{., v, 898, 7), et il se prononce contre toute mystique sacramentelle. Le Pain eucharistique ne diffère d’un pain quelconque que par la raison de signe (ein verzeichenlich brot undd mass ; ein war-undd pflicht-oder eynigungzeychen, v, 833, 17 ; 834, 10).

2° Évolution de la doctrine eucharistique de Zwingli.

— L’examen des œuvres eucharistiques de Zwingli ne résout pas tous les problèmes posés par l’apparition chez lui de la doctrine symboliste. Comment y est-il venu, sous quelle influence et surtout par quelles étapes ? À cette question des réponses diverses ont été données de nos jours.

1. Interprétations modernes.

a) Qu’il y ait dans la pensée eucharistique de Zwingli un développement, c’est ce que l’on trouve affirmé déjà par F. Loofs, qui écrit, dans Leitfaden zum Studium der Dogmengeschichte, 4e édit., 1906, p. 798 : Même en juillet 1523, Zwingli n’osait pas s’écarter ouvertement de Luther. En fait, il professait depuis déjà assez longtemps, pour l’avoir appris d’Érasme, que la conception symbolique de la cène était la vraie ; la cène était pour lui une commémoration du sacrifice du Christ qui nous a rachetés. Cependant il ne savait encore comment expliquer le hnr est. Aussi, encore qu’il niât la transsubstantiation, il déclarait qu’amena chrétien ne doutait que le corps et le sang du Christ étaient mangés et bus (à la cène) » (allusion à VAusIrr/una drr I ». Schlussrrdr, cf. suprn, col. 8825). I.a lettre d’IIonius lui permit de parfaire la conception symbolique, en lui apportant l’élément de solution qui manquait (hoc est = hoc sianipcal) et cela, d’après Loofs, t dès la seconde moitié de 1523. Zwingli présenta l’expli cation symbolique, d’abord sous forme confidentielle dans la lettre à Alber, puis officiellement dans le Commentaire (printemps 1525).

b) Dans son grand ouvrage : Zwingli und Luther. Ihr Streit ùber das Abendmahl nach seinen politischen und religiôsen Beziehungen, 1924, W. Kôhler recueille les suggestions de Loofs. Cependant il dessine autrement la courbe de l’évolution de Zwingli. Il reporte jusqu’en 1524 l’apparition de la conception symbolique dans la pensée même de Zwingli, celle-ci étant alors pour ainsi dire bloquée avec la prise de connaissance de la fameuse lettre d’Honius, que W. Kôhler recule jusqu’à l’automne 1524. De cette manière, W. Kôhler fait de la place pour une conception différente de la cène, moins symbolique, plus réaliste et mystique à la fois, qui aurait été celle de Zwingli jusqu’en 1523 (inclus). L’auteur nomme les sources de cette doctrine originelle : Érasme, la scolastique (op. cit., p. 57), la mystique (ibid., p. 15) et Luther, et il s’arrête de préférence à l’influence d’Érasme et de Luther.

Quant au premier, il peut s’appuyer sur le témoignage de Zwingli lui-même, tel que le rapporte Mélanchton : Cinglius mihi confessus est, se ex Erasmi scriptis primum hausisse opinionem suam de cœna Domini (Lettre de Mélanchton à Caspar Aquila, 12 octobre 1529 ; Melancht. op., dans Corpus reformatorum, iv, 970). Dans sa conception première, Zwingli détache l’élite de la masse des fidèles qui ne peuvent se passer de signe sensible, il met l’accent sur la foi, enseigne la présence réelle au sens mystique, insiste sur le caractère éthique de la cène, enfin regarde celle-ci comme un mémorial : autant de traits érasmiens. Sur plusieurs il se rencontre avec Luther, entendez le Luther d’avant la controverse avec Carlstadt. Luther lui aussi se plaît à mettre l’accent sur la foi : Usus légitime non est nisi fîdes (W. A., vi, 517, 22). La cène est un mémorial (Sermon von dan Xeuen Testament, 1520). Et de son côté Zwingli maintient la présence réelle : il écrit dans l’exposition du 18e article (14 juillet 1523) : « Les simples doivent ici apprendre que l’on ne discute pas ici sur le point de savoir si le corps et le sang du Christ sont mangés et bus (car cela ne (ail de doute pour aucun chrétien) ; mais bien (ce qui est en question ici, c’est de savoir) si nous avons affaire à un sacrifice ou à un mémorial » (C. R., ii, 128, 8). Voir aussi la 2e dispute, 26-28 octobre 1523 (ibid., 732, 22).

Est-ce à dire que, dans cette période initiale, Zwingli et Luther vont à la rencontre l’un de l’autre ? Non pas : il y a dès le début chez eux des différences d’accent, qui sont révélatrices d’orientation mentale diverse, voire qui présagent un différend dogmatique : chez Luther, pour ne relever que l’essentiel, la notion de sacrement garde tout son poids : réalité objective, le sacrement n’a besoin de la foi que pour sa digne réception (usus legilimus). De même, la présence réelle est mise en relief. Sans doute, pour lui aussi, si le signe sacramentel est là, c’est pour les « faibles » (die einvaltigen), mais faibles nous le sommes tous. Zwingli en revanche considère dans la manducation eucharistique le signe comme facultatif ; il s’attache plutôt au caractère éthique de la cène, qui devient chez lui un élément de la discipline eccléslas tique ; le sacramentel s’estompe, et l’humaniste n’en retient que ce qui est saisissante par l’esprit. Cepan dant, au début, ces différences, insiste W. kôhler, n’étaient pas conscientes ; Zwingli et Luther avaient un fond de doctrine commun qu’ils tenaient de la Tradition. Or il et advenu ceci : À partir de cette base commune, I. ut lier va vers la droite, Zwingli vers la gauche et il abandonne le caractère sacramentel de la cène’(op. cit., p. 814). Comme facteurs de cette