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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1157

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ZWINGLIANISME. NOTION D’ÉGLISE


l’Église comptera parmi des membres fidèles, authentiques, bon nombre de faux croyants ; et, puisqu’il n’y a en définitive, pour Zwingli, qu’un seul péché : le manque de foi au Christ rédempteur (C. R., ii, 572, 21), disons qu’elle comptera des bons et des mauvais. La foi étant d’autre part conçue comme signe ou synonyme d’élection, le contraste s’accuse et s’accusera de plus en plus entre cette Église, corpus permixlum, et l’Église des fidèles prédestinés.

Quant aux sources de Zwingli, on s’est demandé s’il était tributaire du De Ecclesia de Hus qu’il a connu dès avant 1520. Joh. Gottschick, qui a étudié cette question (cf. Hus’, Luther’s und Zwingli’s Lehre von der Kirche, dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, vin, 1886, p. 335-394, 543-616), croit à des similitudes verbales plutôt qu’à des emprunts réels ; mais cette ressemblance même prouve que certaines idées chères à Zwingli ne lui sont pas entièrement propres, qu’elles étaient dans l’air, et notamment le concept à’Ecclesia eleclorum : il a seulement donné à celui-ci un tour plus absolu en le mettant en contact avec les grands thèmes de son système. Quant à la parenté avec Luther, la question mériterait d’être débattue autrement qu’elle ne l’a été. Nous ne saurions nous rallier aux conclusions du précédent auteur, selon qui, jusqu’à la controverse anabaptiste, Zwingli aurait partagé de tout point la conception de Luther sur l’Église (art. cité, p. 580 sq.). Encore est-il qu’il l’a connue, notamment la 13e thèse de la Dispute de Leipzig et, d’après W. Kôhler, le Discours an den christ lichen Adel, et a pu parfois se régler sur elle. Quoi qu’il en soit d’ailleurs de ces dépendances, Yoriginalité de Zwingli est certaine ; en ce domaine où le religieux et le social se côtoient, sa personnalité complexe et multiple joue à plein. On ne séparera donc pas le théoricien de l’Église de l’homme d’Église et du réformateur ; pas plus que dans la question des rapports entre les deux pouvoirs on ne peut faire abstraction du patriote suisse et du citoyen de Zurich. Et déjà, pour s’en tenir aux oppositions d’idées, la notion d’Église participe de la dialectique et de la double polarité de tout le système zwinglien. Aussi ne peut-on se contenter de l’aborder du dehors, et il faut se garder ici par-dessus tout des raccourcis et des formules simples.

1° La notion d’Église chez Zwingli dans les premiers écrits (1523). — La première période, anticatholique (1523-1525), comprend deux sortes d’écrits : les uns en langue populaire, qui ont un caractère polémique plus marqué : Actes de la I re (29 janvier 1523) et de la II « Dispute (26-28 octobre 1523) (C. R., i, 442 sq. ; il, 664 sq.), entre lesquels il faut placer Y Auslegung der Schlussreden (14 juillet 1523) : le 8e article traite de l’Église (C. R., ii, 55 sq.) ; — les autres en latin. Dans le De canone missæ epichiresis (29 août 1523 ; C. R., ii, 552 sq.), Zwingli disserte de l’Église à propos d’un texte liturgique (pro Ecclesia tua sancta catholica), dont la teneur rencontre le Symbole. Cet opuscule suscita les critiques du Saxon Emser, qui avait déjà polémiqué contre Luther. En réponse, Zwingli compose YAdversus Hieronymum Emserum, canonis missse adsertorem antibolon (20 août 1524), dont la première partie traite ex professo de l’Église (C. R., iii, 252 sq.). Cette section assez ample reprend et développe les traits qui n’avaient été qu’esquissés dans YEpichiresis ; l’année suivante, elle fut insérée telle quelle dans le Commentaire (mars 1525 ; C. R.. iii, 743 sq.). C’est dire que, de 1523 à 1525, on obtient une ligne continue. Cependant, parce qu’il représente une forme plus poussée et déjà intérimaire de la pensée de Zwingli, il convient de considérer à part Y Antibolon.

1. Dès la I re Dispute de 1523, Zwingli est mis en demeure de s’expliquer sur ce qu’est pour lui l’Église

(C. R., i, 537, 11 ; cf. ii, 681, 5) ; et ce premier débat lui-même nous renseigne sur le biais par lequel il aborde le sujet. Il fait fi de l’autorité des conciles ; sa critique n’est pas dirigée seulement contre les prescriptions dites « humaines » qu’ils édictent, il conteste leur droit à représenter l’Église (cf. Ecclesia reprœsentativa, C. R., ii, 58, 4 ; 62, 35 ; 571, 17). Naturellement, Zwingli prend le contre-pied de la conception qu’il combat : à l’Église romaine, qui le frappe surtout par l’aspect extérieur de ses prérogatives, il oppose « l’ensemble de tous les vrais croyants » (I" Dispute, C. R., i, 537, 19) ; « la multitude entière de tous les croyants » (IIe Dispute, ibid., ii, 681, 27) ; « la communauté des croyants » (Schlussreden, ibid., ii, 56, 33). C’est celle-ci que concerne la promesse du Christ en S. Matthieu, xvi, 18 (ibid., ii, 56, 21 ; 682, 6) ; et c’est à elle qu’appartient l’infaillibilité (ibid., i, 538, 6 ; ii, 683, 9).

2. Qui fait partie de cette Église ? « Tous ceux qui ont la vraie foi et la confiance en Dieu, par N.-S. J.-C, qui a satisfait au Père céleste pour nos péchés, afin qu’ils soient sauvés » (ibid., ii, 681, 31). D’où son universalité : elle embrasse les vrais croyants et les assemble en esprit, où qu’ils soient, aux Indes aussi bien qu’à Zurich (ibid., 681, 35). C’est d’elle qu’il est question dans le Symbole, car catholique veut dire universel (cf. une autre acception du terme catholique, synonyme d’orthodoxe, Ann. in Ed. Matlh., Sch.-Sch., vol. vi, p. 338). Notons cependant que la version allemande du Symbole que lit Zwingli porte : eine heilige christliche Kirche (C. R., ii, 59, 19 ; 60, 6 ; 681, 6). Sur l’antiquité de cette traduction, cf. Die Bekenntnisschriflen der evangelisch-lutherischen Kirche, t. ii, Gôttingen, 1930, p. 556, n. 2.

Universelle dans l’espace (C. R., ii, 57, 33), l’Église l’est aussi dans le temps (ibid., 57, 18 ; 682, 2). Mais l’Église est circonscrite à la terre : le dualisme entre temps et éternité se fait jour : « Communauté des pieux croyants ou chrétiens », et non des bienheureux (ibid., ii, 60, 27 sq.). Mentionnons en passant que pour | Zwingli l’article du Symbole : Sanctorum, communio ! ajoute postérieure, écrit-il, que ne connaissait pas ! Rufin, n’est qu’une explication du précédent : il traduit : « Communauté des fidèles (frommen) croyants ou chrétiens » (ibid., ii, 60, 27 ; cf. iv, 70, 6). — Dans la pensée de Zwingli, l’universalité qui vient d’être affirmée fait échec à la prétention d’une fraction quelconque de l’Église, fût-ce le pape ou le concile, à se dire la véritable Église (ibid., ii, 61, 9 ; 682, 36 ; iii, 742, 27).

3. Plus précisément, il construit sa preuve de la manière suivante (cf. ibid., ii, 570 sq. ; 682 sq.). La notion authentique de l’Église doit se prendre de l’Écriture (ibid., 683, 12) : c’est elle que dans la Dispute on s’est accordé à prendre pour arbitre de la controverse entre catholiques et novateurs. Or l’Écriture du Nouveau Testament ne connaît que deux acceptions du terme Église (Zwingli laisse à dessein de côté les sens profanes ; il s’agit ici de l’Église chrétienne, ibid., ii, 682, 31) : universelle et particulière. L’Église universelle, c’est l’Épouse du Christ qu’il a lavée de son sang comme d’un bain régénérateur (Eph., v, 1517 : cf. ibid., ii, 57, 30 ; 570, 27. Comp. Col., i, 18 ; Eph., i, 22 ; I Cor., xv, 9, etc., cités ibid., ii, 571, 23).

Mais l’Écriture atteste aussi l’existence de communautés particulières (cf. spécialement Matth., xviii, 16 et épîtres de S. Paul : ibid., ii, 58, 9 ; 571, 25), qui méritent également le nom d’Église. Zwingli les appelle Parochien ( parchinen, pfarren) ou Kirchengemeinden (en dialecte : Kilchhôre, ptur. Kilchhbrinen). Elles groupent dto fidèles « en nombre tel qu’ils puissent se rassembler commodément afin d’entendre de concert la parole de Dieu et d’instruire (les autres) »