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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1159

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ZWINGLIANISME. NOTION D’EGLISE


parole de Dieu, s’oppose pour le réformateur l’Église romaine (ibid., 62, 2 ; 64, 13 ; 571, 31 sq.), entendez tous ceux qui ajoutent foi aux conciles et se reposent sur des prescriptions humaines dont ils attendent le salut.

8. Finalement, il y a lieu d’insister sur le caractère eschatologique de l’Église telle que Zwingli la conçoit dès cette première période. Celui-ci se découvre dès lors que Zwingli définit l’Église : « Toute la masse de tous les fidèles qui est connue de Dieu seul » et ne se manifestera à nous qu’au dernier jour (ibid., ii, 681, 27) ; il s’agit de l’élection, comme il est dit plus clairement ailleurs : « La communauté de tous les croyants élus (die gemeinsame aller usserwelten gleubigen) » (ibid., ii, 56, 30). Multitude immense qui embrasse les fidèles du Christ faits pour se réunir et se connaître, l’Église n’a de sens que si aux incertitudes et à la dispersion d’ici-bas succèdent la vision commune et la réunion (cf. ibid., ii, 572, 5 : Quarum illa hic nunquam convenit, conveniet in mundi consummatione). Dans la conscience même de l’Église, cette orientation vers l’au-delà se traduit par un dynamisme, une tension, une espérance qui est suscitée par l’Esprit-Saint. « Elle se réunit ici-bas par l’Esprit de Dieu en une espérance, et dans l’au-delà auprès du Dieu unique » (ibid., ii, 57, 34).

La figure même de l’Épouse, « sans ride, sans tache », a une portée eschatologique, quoique Zwingli l’applique à l’Église d’ici-bas : < Les fidèles sont conduits au ciel en tout bien tout honneur, comme un époux conduit son épouse » (C. R., ii, 57, 19). Sur l’Égliseépouse, cf. ibid., ii, 55, 13 ; 59, 3.35 ; 61, 8 ; iii, 255, 8 ; 267, 23.27 ; v, 623, 20 ; 639, 11. Cette allégorie, d’après Apoc, xxi, 2, indique l’origine céleste de l’Église et son antériorité par rapport aux membres qui la composent (ibid., ii, 59, 6). Enfin Zwingli interprète Hebr., xii, 18-24 de l’Église terrestre qui groupe « ceux dont les noms sont inscrits dans les cieux, c’est-à-dire sont connus de Dieu » (ibid., n, 57, 15).

De toute manière, l’Église pour Zwingli ne saurait être assimilée à une société ou association résultant du libre concours de ses membres ( Genossenschaft). De ce chef, le concept zwinglien d’Église est diamétralement opposé au concept anabaptiste (cf. C. R., iv, 254, 9).

2° La notion d’Église chez Zwingli de 1524 à 1528. — l.’Adversus Emserum antibolon (1524) suit les lignes précédentes et approfondit les notions d’Église universelle et particulière. Le progrès porte ici sur deux points. Comment entendre la sainteté de l’Église sine ruga et macula (notion de sainteté) ? Quel est le rôle de la Parole dans la constitution de la communauté ? Mais en sus l’Antibolon, débordant notablement les ouvrages précédents, fait une place à l’Église empirique, qui s’oppose à l’Église mystique de Eph., v, 25-27 (alterum Ecclesiæ genus, C. R., III, 254, 25). Examinons ces trois points.

1. Sainteté de l’Église.

Jusqu’à présent Zwingli avait été presque exclusivement attentif à l’universalité et à l’unité de l’Église (sur l’apostolicité, cf. Annot. in Ev. Matthsei, Sch.-Sch., vol. vi, t. i, p. 337 : Apostolica dicitur, quod per apostolos plantata sit primum in loto orbe. Comp. C. R., iv, 391, 1 sq.).

La crise anabaptiste l’oblige à définir de plus près la sainteté de l’Église telle qu’il l’entend, c’est-à-dire de la collectivité des < croyants ». C’est qu’en effet l’anabaptisme, hérésie ecclésiologique, se fait de la sainteté des membres de l’Église une conception erronée. Raccourcissant la perspective eschatologique, il attribue à l’Église d’ici-bas l’impeccabilité qui est le privilège des bienheureux ; en même temps, l’Église se referme sur soi-même et devient secte. L’anabap tisme continue la tradition des t spirituels ». Rien d’étonnant que Zwingli trouve ici des expressions qui rappellent les écrits antidonatistes de S. Augustin (cf. C. R., iii, 255, 3 sq.). Par ailleurs, c’est l’Évangile réformé de la justice nouvelle dans le Christ qui lui permet de maintenir à la fois les deux termes : l’Église est l’épouse immaculée du Christ « sans ride ni souillure » (ibid., iii, 255, 8) ; et cependant elle n’est pas une « cité platonicienne » (ibid., 23). C’est que par la foi la sainteté du Christ devient nôtre ; nous sommes purs dans la mesure où le Christ nous purifie : Hi ergo sine ruga sunt et macula, qui in Christo sunt ; is enim solus eas abstergere potest (ibid., 256, 27). Le sine ruga et macula s’entend donc, non de l’impeccabilité, mais de la sincérité et de la constance de la foi dans le Christ. « Il est certain, écrit Zwingli, que ceux qui s’appuient sur le Christ sont sans ride ni tache, du fait que le Christ en est exempt qui est nôtre », ibid., ii, 256, 9 ; cf. ibid., 255, 5 : le Christ s’est livré pour l’Église afin de se la sanctifier (ut sibi eam sanctificarel). Aussi le Christ dit-il « mon Église », ce qui la suppose parfaite (ibid., 257, 29).

Mais ce n’est là qu’un aspect de la vérité. Il ne suffit pas de dire : les croyants sont sans tache, parce que le Christ, en qui ils ont foi et qui est leur, est tel ; il faut ajouter : la foi est une métamorphose qui les transforme en hommes nouveaux (ibid., 257, 17), et dès lors ils mettent tout leur effort à ne plus retomber dans le péché, faute de quoi ils prouveraient que leur foi n’est pas véritable et cesseraient d’être membres de l’Église telle qu’on l’a définie (ibid., 257, 30). Zwingli entrevoit la dialectique du donné et de l’acquis, qui signale le passage de la religion à l’éthique. En même temps, le concept de sainteté s’ouvre chez lui sur une conception universaliste de l’Église qui s’oppose aussi bien à l’Église hiérarchique qu’à la secte : « Elle ne se laisse pas resserrer en un espace si exigu qu’elle ne comprenne que peu de membres et de ceux-là qui se réservent à eux-mêmes cet honneur ; mais, s’étendant par tout le monde, elle compte partout des membres, et plus elle est vaste et immense, plus elle est belle ( quanto vastior ac amplior, tanto et speciosior) » (ibid., iii, 255, 20).

2. En quel sens la Parole est facteur constitutif de l’Église. — a) Il s’agit de la Parole intérieure, c’est-à-dire de l’Esprit et de la foi. — La sainteté de l’Église, synonyme de constance de la foi, ou de fidélité de l’Épouse, inclut l’infaillibilité ou inerrance ; et ici S. Jean (Joa., x, 11-30) rejoint S. Paul (Eph., v, 25 ; cf. C. R., iii, 255, 30 sq.), tous deux étant reliés par Matth., xvi, 18 (cf. C. R., iii, 258, 34-259, 31). « Seule ne peut déchoir et errer l’Église qui entend la seule voix du divin Pasteur, car elle est de Dieu ; quiconque est de Dieu entend la parole de Dieu » (ibid., 259, 14). Dans l’esprit de Zwingli, il s’agit non pas de la parole extérieure, annoncée, mais de la parole intérieure (ibid., 260, 1) ; entendez : la conviction intérieure de foi, qui procède d’une illumination divine et qui détermine la qualité de membre de l’Église (ibid., 20 sq.). La parabole johannique illustre à merveille cette relation directe du Pasteur et des brebis, entendue comme audition d’une Parole toute divine ; en même temps, le fidèle divinement instruit « reconnaît, à propos de toute parole, si elle vient de son Père et Pasteur ou non » (ibid., 260, 2). Quand donc, s’adressant à Emser, Zwingli écrit : « Tu ne sauras jamais quelle est l’Église infaillible, tant que tu ne connaîtras pas la parole de Dieu qui constitue l’Église (quod Ecclesiamconstiluit) » — ce qui est le privilège des vrais fidèles (ibid., 260, 17) — il n’est pas douteux qu’il ait en vue de préférence la parole intérieure, entendez l’attrait divin, ou, au sommet, l’élection (cf. Dispute de Berne, 1526, 1 er article [rédigé par Haller, disciple