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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/129

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    1. TRINITE##


TRINITE. ADAPTATIONS SUBJECTIVES

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bien là une réhabilitation de la Trinité ? N’est-ce pas plutôt, avec les formules traditionnelles reprises, un avant-goût des spéculations philosophiques du xixe siècle ? N’oublions pas que Harnack a qualifié certaines phrases de Lessing d’ « émancipatrices ».

En somme, dans cette période de transition, à la fin du xviiie siècle, tes protestants allemands, soit supranaturalistes (qui admettent encore une révélation), soit rationalistes (qui délaissent ou nient cette révélation), demeurent cependant encore d’accord sur un point : la foi en une vérité objective, tout au moins l’existence personnelle de Dieu.

Interprétations subjectives. —

Il est intéressant de constater que la philosophie de Kant a eu une répercussion considérable sur l’exposé du mystère de la Trinité. Kant n’a pas abordé lui-même ce problème. Mais Fichte, Schelling et Hegel, d’une manière plus ou moins directement dérivée de Kant, ont construit, chacun à leur manière, une doctrine philosophique de la Trinité.

1. Fichte. —

Tout au moins dans une évolution ultérieure de sa philosophie, Fichte place à la base de tout mouvement de la pensée, non plus le moi humain — qui a cessé pour lui d’être un facteur primordial pour devenir un simple produit de la pensée — mais l’être absolu objectif, ou Dieu, dans lequel l’individu se perd, comme une vague disparaît au sein de l’océan infini. Ce principe absolu s’individualise, ne fût-ce qu’un instant, dans chaque âme et les intelligences humaines sont autant de milieux éphémères de ces manifestations éternelles. Dieu s’aime dans l’homme et l’homme réalise la vérité de sa destinée en se sacrifiant à Dieu. On voit par là comment Fichte peut se rapprocher du christianisme. Plus tard encore, lui qui, dans sa Critique de toutes les révélations avait minimisé le rôle du Christ, sur la fin de sa vie, dans ses Leçons sur la science politique, Berlin, 1813, il affirme nettement le christianisme et la personne historique du Christ, dans lequel la grâce de l’amour divin a fait épanouir les dons précieux d’une volonté supérieure, dont Jésus était l’instrument et qui, comme telle, lui donnait conscience de lui-même. Jésus est ainsi la religion ou la raison absolue parvenue à la puissance de la conscience intuitive du moi, l’exposition parfaite et profonde de la parole éternelle. Seule la pauvreté spirituelle des siècles postérieurs l’a transformé en un idéal inaccessible. Lui, il aurait voulu que ses disciples reproduisissent sa nature et ses dons sous une forme parfaite. Par là, ce qui importe pour le chrétien, c’est moins la personne historique du Christ que l’effort pour faire, à l’exemple du Christ, vivre Dieu en nous. De telle sorte que la question du salut apparaît, en soi, indépendante de la foi en la Trinité et en la personne du Christ. Sans doute, en réalité, personne ne vient au Père que par le Fils et par l’Esprit, mais le Fils et l’Esprit peuvent assurer le salut des rachetés sans que ceux-ci en aient nécessairement connaissance. La non-intelligence de la Trinité constitue un simple état d’ignorance, que l’éducation se charge de dissiper. On doit se contenter d’enseigner que Dieu s’est manifesté, non en paroles, mais par des faits, comme Père, Fils et Saint-Esprit. Conformément au système philosophique de Fichte (qui n’est qu’un panthéisme déguisé), Dieu est, de toute éternité, ce que sont et ce que font les âmes, qu’il pénètre de son esprit. Il est tout, et c’est en quoi il est Père, et il n’y a rien en dehors de lui. Le Fils réalise sous une forme parfaite et absolue, comme dans le Christ, la contemplation par l’âme du royaume de Dieu. En tant qu’Esprit, Dieu crée un cœur nouveau en tous ceux qui s’approchent de lui ; et c’est en cela qu’est constitué le miracle par excellence. Ainsi, la Trinité n’est qu’un aspect du système panthéiste de Fichte ; elle n’est que l’action d’une divinité, non pas abstraite, mais impersonnelle sur des âmes qui, pour réaliser leur propre perfection, doivent s’abîmer en elle, ne fût-ce qu’un instant. Cf. Dorner, op. cit., p. 658 sq.

2. Schelling. —

La Trinité de Schelling dépend d’un système philosophique empreint d’un panthéisme gnostique : c’est Dieu se contemplant lui-même et émanant de lui-même. Schelling est le fondateur de la philosophie de la nature, qui embrasse l’absolu au point de vue physique. L’univers forme un organisme absolu et parfait, dont Dieu constitue l’âme, trouvant en lui son éternelle actualité. Ainsi Dieu devient éternellement homme par l’éternelle évolution de la nature, et l’histoire du monde est l’histoire de Dieu lui-même.

Dans le Dieu éternel, il y a trois puissances rattachées entre elles par une unité primitive et indissoluble, la puissance de l’être sans limite, l’être pur, et l’immuable dans l’acte. C’est par l’évolution de Dieu dans l’humanité actuelle que ces trois puissances ont donné naissance aux personnes trinitaires. Pour créer le monde, il était nécessaire que Dieu produisît la matière d’un monde possible, avant que sa volonté créatrice pût réaliser sans obstacle et sans contrôle son plan éternel dans le monde idéal. Voici le monde créé ; mais l’homme primitif reflète en lui-même dans ce monde l’unité des puissances, éternelle en Dieu. Le devoir imposait à l’homme l’obligation de maintenir en lui l’harmonie des trois puissances. Il ne le fit point, détruisant l’unité indissoluble des puissances : ce fut le signal d’une usurpation sur les puissances d’ordre de la matière grossière et chaotique. Néanmoins le but final du monde n’en demeure pas moins ce qu’il était à l’origine, l’unité des puissances. « Pour rétablir l’harmonie primitive. Dieu laisse les deux autres puissances, unies éternellement en lui, se séparer et apparaître sous une forme distincte dans le développement historique de l’humanité… Le développement historique de la deuxième puissance divine au sein de l’humanité assure à notre race déchue la domination sur les forces de la nature, dont la chute avait coïncidé avec la sienne. Cette deuxième puissance, qui a reconquis la vertu de l’être, devient homme en Jésus de Nazareth, mais accomplit le sacrifice moral et volontaire de sa grandeur et de sa gloire, parce que la simple humanité, bien que bonne en elle-même, se trouve en dehors de l’essence divine et ne participe pas encore à la vie centrale et universelle. L’Homme-Dieu accomplit le sacrifice de sa gloire, de son être extra-divin, pour rentrer dans l’ordre harmonieux et primitif de la Divinité. Enfin, l’Esprit-Saint qui procède de lui, ramène à Dieu l’humanité déchue. À l’origine, les principes étaient unis en Dieu ; la chute de l’homme, qui a réagi jusqu’au sein de l’essence divine, soulève ces principes l’un contre l’autre. Il n’en est pas moins vrai que Dieu est resté éternellement maître des puissances qui sont en lui, bien qu’il les ait laissées se diviser et se combattre dans le développement de l’humanité historique… La puissance simultanée des principes en Dieu est remplacée par l’/iomoousie du second et du troisième principe, devenus personnes dans le cours du développement historique, et des personnes en communion avec le Père, qui est personnel de toute éternité. » I.-A. Dorner, op. cit., p. 682-683. Cf. Schelling, Vorlesung iiber die Metltode der acad. Studien, Iéna, 1803, p. 184, 192.

On voit, par cette analyse, l’effort accompli par Schelling pour adapter le dogme chrétien à son système philosophique. Il reste que le panthéisme qui est ici sous-jacent, l’évolutionnisme appliqué à Dieu et aux personnes divines sont deux points absolument inacceptables pour le catholicisme.

3. Hegel. —

Hegel, comme Schelling, affirme l’identité de l’être et de l’idée ; pour lui aussi, tous les phénomènes de notre univers sont l’évolution d’une seule et même substance infinie. Mais, tandis que Schelling l’étudié au point de vue physique, Hegel l’envisage au point de vue logique. Suivant Hegel, en effet, c’est