Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1853

    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. HABITATION DANS LES AMES

1854

elles des relations également diverses : « De même que c’est le Fils, non le Père ou le Saint-Esprit, qui nous a rachetés, de même chaque personne, habitant le juste, y exerce une influence propre à sa personne, de telle sorte que, dans l’unique état surnaturel qui provient tout entier de chaque personne, nous acquérons des relations réelles et réellement distinctes avec les trois personnes réellement distinctes de l’unique Dieu. » P. 551-552.

Une triple observation s’impose ici. —

Le point de départ du P. de Régnon est que la Tradition nous donne, comme trait strictement personnel du Saint-Esprit, la sainteté : « Peut-on croire qu’enseignant aux fidèles le difficile mystère de la sainte Trinité, (les Pères) aient, dans une même phrase, distingué les deux premières personnes par leurs noms vraiment personnels, et la troisième par un nom purement appropriatif ? » Op. cit., p. 313. On sait cependant que, ce qui paraît incroyable au P. de Régnon, saint Thomas le pose en fait pour tous les noms qui servent à désigner la troisième personne : I », q. xxxvi, a. 1 ; cf. q. xxvii, a. 4, ad 3 om ; q. xxviii, a. 4 ; q. xxxvii, a. 1 ; q. xxxviii, a. 1, ad 2um et ad 3um ; a. 2. Voir ici Trinité, col. 1746. D’ailleurs, ce n’est pas seulement dans les écrits des Pères, c’est jusque dans les symboles que se trouvent juxtaposés, à propos des personnes divines, les termes propres et les termes appropriatifs. Cf. Galtier, L’habitation, p. 56, note 1. —

En second lieu, le parallélisme avec l’incarnation, ici encore invoqué, va à rencontre de ce qu’on en attend. Il est exact que le Fils seul nous a rachetés et qu’à ce titre se sont établies entre lui et nous des relations se terminant à sa personne. Ces relations n’existent toutefois qu’en raison de l’humanité sainte, instrument de notre salut, hypostatiquement unie à la personne du Verbe. Cas unique et dont on ne peut tirer aucun motif d’étendre aux autres personnes ce qui, en raison de ce cas unique, appartient exclusivement au Verbe incarné. —

Enfin, s’il est vrai d’affirmer que chacune des trois personnes habite en nous avec son caractère spécial, il semble faux d’en déduire, pour chaque personne, une présence spéciale dans l’âme juste. Cette déduction, le P. de Régnon l’a faite à plusieurs reprises (voir p. 542, 552) ; mais elle repose, en définitive, sur une confusion : « Cette confusion consiste à passer d’un trait, propre à la personne en tant que telle, à un rapport qui ne l’affecte nullement en elle-même. Le premier est d’ordre intérieur ; il tient à l’origine même de la personne qu’il caractérise ; il fait que son action ou ; si l’on peut parler ainsi, son mouvement vers le dehors, soit le mouvement et la venue d’une personne dépendante : son arrivée quelque part est une mission. Le second, au contraire, lui est extérieur ; c’est une relation qui lui survient dans le temps et, peut-on dire, dans l’espace. Elle résulte de ce qu’on pourrait appeler son entrée en contact avec le monde créé, à moins qu’elle ne soit ce contact lui-même ; elle ne saurait donc se concevoir que comme le résultat d’une action, d’une influence réellement exercée sur la créature, à laquelle la personne se rend présente. » P. Galtier, op. cit., p. 122.

c) À son tour, Mgr Wafjelært, évoque de Bruges, a tenté une nouvelle interprétation de la thèse de Pctau. La grâce sanctifiante, « cause formelle de l’élévation » non de notre personne, mais de notre nature, à laquelle elle donne uni ressemblance avec la nature divine féconde, n’est qu’une « disposition nécessaire à l’union immédiate de notre personne avec la personne du Saint-Esprit ». Ainsi la grâee ne suffirait pas à elle seule, à créer en nous la filiation divine : cette filiation divine et adoptive appartient en propre à la personne et c’est dans l’union de notre personne à la personne du Saint-Esprit qu’elle trouve sa cause formelle.

Cette dernière assertion serait sans doute discutable ; mais ce qu’il faut en retenir surtout, c’est que i l’union entre l’âme juste et l’Esprit-Saint est présentée ici comme se terminant de part et d’autre à la personne en tant que telle… Le Saint-Esprit s’unirait à nous pour nous communiquer, non point à proprement parler sa nature, mais sa personne ; et nous-mêmes, il ne nous atteindrait pas non plus dans notre nature…, mais dans notre hypostase, dans notre personne. L’union « immédiate » et personnelle ainsi établie entre nous et Dieu se distinguerait même par là de l’union appelée « médiate » qui, commune aux trois personnes, serait l’effet propre de la grâce sanctifiante ». Résumé par Galtier, op. cit., p. 145-146. Mgr Wafîelacrt est revenu plusieurs fois sur cette explication : Disquisitio dogmatica de unione justorum cum Deo, Coll. Brugenses, t. xv, p. 442-453 ; 625-627 ; 673-687 ; t. xvi, p. 6-16 ; L’union de l’âme aimante avec Dieu, Bruges, 1916 ; La colombe spirituelle prenant son essor vers Dieu, 1919, 3e partie, p. 85-159.

On retrouve ici la thèse de Petau, l’habitation personnelle du Saint-Esprit, aggravée de considérations assez nouvelles sur les effets et la nature même de la grâce sanctifiante. L’habitation personnelle ne peut se réaliser que consécutivement à une action personnelle. Y a-t-il donc une action proprement personnelle de l’Esprit-Saint sur nous ? On a vu que la comparaison tirée de l’incarnation est ici sans valeur.

La conception que se fait l’auteur de la nature et du rôle de la grâce sanctifiante est fonction, semble-t-il, d’une équivoque touchant le sujet de la filiation adoptive des enfants de Dieu. Sans doute saint Thomas a dit que « la filiation convient en propre à l’hypostase ou à la personne, et non à la nature ». Sum. iheol., III », q. xxiii, a. 4. Mais c’est uniquement pour rappeler que le nom de fils, étant un nom concret, ne peut s’appliquer qu’à la personne ; il veut exclure par là toute idée de filiation adoptive par rapport au Christhomme. Dans ce sens, ce n’est pas notre nature, c’est nous-mêmes qui sommes les fils de nos parents. Mais il n’en reste pas moins vrai que la génération naturelle se termine directement et formellement à la nature ; ainsi le Verbe incarné est le fils de Marie par sa nature humaine ; ainsi sommes-nous les enfants de nos parents, héritant d’eux non ce qui distingue nos personnes des leurs, mais ce qui nous est commun avec eux dans la nature.

Enfin, reste à se demander ce qu’est cette communication de la personne même du Saint-Esprit en vue de réaliser en nous la filiation divine : conception étrangère à l’enseignement de la Tradition qui, dans les formules les plus favorables à la thèse de Petau, indiquerait plutôt que le Saint-Esprit, dans l’œuvre sanctificatrice qu’on lui assigne en propre, nous communique sa nature et non sa personne. Cf. II Petr., i, 4.

Appendice. —

La question des justes avant le Christ. (Saint Thomas, I », q. xliii, a. 6). —

De toute évidence, la doctrine précédemment exposée est applicable aux justes de l’Ancien Testament. S’ils furent formellement justifiés en vertu des mérites futurs du Christ — et qui en pourrait douter ? — leur justification fut de la même espèce que la nôtre. Cf. Chr. IVsrli. n. 690 ; Franzelin, thèse xlviii.

La question agitée a leur occasion concerne quelques difficultés de textes. I.a difficulté fondamentale est relative à Joa., vii, 39 : nondum erat Spiritus datus], quia Jésus nondum erat glorificatus. — La réponse est simple : il s’agit de la manifestation visible du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte ; c I celle manifestation devait, suivre la résurrection glorieuse. S. Thomas, loc. cit., ad l u " ; cf. S. Augustin, De Trin., I. IV, n. 29, P. L., t. xlii, col. 908-909.