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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/165

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1859
1860
TRIONFO (AUGUSTIN) — TRITHÉISME

saints, où il ne jouit d’ailleurs que d’une infaillibilité relative secundum allegata et probata sibi. Q. xiv, a. 4, p. 98. L’Église souffrante y est indéniablement comprise ; car les morts, du fait qu’ils sont encore viatores, restent de foro papæ. Q. xxix, a. 4, p. 178. Il appartient donc au pape de leur distribuer les suffrages de l’Église et théoriquement rien ne l’empêcherait de vider par là tout le purgatoire. Mais, en même temps qu’à la clavis potentiæ, ici surtout il doit regarder à la clavis discretionis et scientiæ. Q. xxx, a. 5, p. 185 ; q. xxxii, a. 3, p. 194. Quant à l’enfer et aux limbes, q. xxxiii-xxxiv, ils échappent complètement à son ressort.

Logiquement le pouvoir disciplinaire implique le pouvoir coercitif. C’est pourquoi le pape a le droit d’infliger aux délinquants des peines, même temporelles, qui, pour les hérétiques obstinés, peuvent aller jusqu’à la peine de mort, q. xxviii, a. 6, p. 173, l’exécution de celle-ci étant remise au bras séculier, mais jamais sine mandato papæ. Q. x, a. 5-6, p. 80-81.

Pouvoirs temporels de la papauté. — Établie principaliter propter bonum spirituate, l’autorité du pape n’en déborde pas moins sur le temporel per redundantiam et ex consequenti. Q. xxii, a. 2, p. 130. Car l’unité du monde réclame l’unité de chef et c’est pourquoi, d’après l’institution du Christ, omnia spiritualia et corporalia sub potestate clavium includuntur. Q. xx, a. 1-2, p. 122. Les deux pouvoirs spirituel et temporel ne sont donc pas tellement distincts que celui-ci ne se ramène, en définitive, à celui-là. Q. xxxvi, a. 4, p. 215.

Ce principe s’applique d’abord à l’empereur, qui, parce qu’il est minister Dei, est aussi minister papæ. Q. xxxv, a. 1, p. 209. Le pape est, en effet, le véritable auteur de l’empire ainsi que de ses diverses translations, q. xxxvi, a. 1, p. 212-213 et q. xxxviii, a. 1-4, p. 219-222, au nom de sa mission spirituelle, juridiquement ratifiée par la donatio Constantini. Q. xxxvii, a. 1, p. 224 ; q. xliii, a. 1-3, p. 237-239. C’est donc lui qui a créé le droit des électeurs impériaux, q. xxxv, a. 1-8, p. 205-211, qui a seul compétence pour contrôler la valeur de l’élection, q. xli, p. 233-234, confirmer, sacrer et couronner l’élu. Q. xxxviii, p. 224-227. Au cours de son gouvernement, les lois de l’empereur tiennent l’autorité de l’approbation du pape, q. xliv, a. 1, p. 240-241, qui, par conséquent, peut en reviser l’application, ibid., a. 4-6, p. 242-244, demander compte au prince de ses abus et, en cas de résistance, procéder contre lui aux sanctions nécessaires, y compris la déposition. Q. xl, a. 1-4, p. 230-232.

Non moins que l’empereur, les autres souverains tiennent aussi leur autorité du pape, dès lors qu’ils la tiennent de Dieu : Ipsius dominii jurisdictionem… nullus rex vel imperator habere potest nisi a Christo et per consequens nisi a papa. Q. xxxvi, a. 1, p. 213. Car, si leur pouvoir est d’origine divine, c’est cum ordine quodam, puta mediantibus summis pontificibus. Pas plus qu’ils ne sont en mesure d’esquiver le souverain domaine de Dieu, ils ne peuvent se soustraire à celui du pape, q. xlv, a. 1-2, p. 247-248, qui a le droit d’en instituer où bon lui semble et reste maître, quand il le faut, de les juger, de les reprendre et, au besoin, de les déposer. Tout cela au nom de la « justice universelle » dont le pape est tenu d’assurer vice Christi le règne intégral, ut respublica promoveatur ac bonum reipublicæ non perturbetur et maxime quod totus christianus populus Ecclesiæ Christi sponsæ subjiciatur. Q. xlvi, a. 1-3, p. 249-251.

A cette ferme et paisible revendication des droits du pape en matière politique, A. Trionfo doit le plus clair de sa célébrité. Mais on sait aujourd’hui que, dès le temps de Philippe le Bel, Gilles de Rome et Jacques de Viterbe lui avaient frayé la voie, et il est difficile de ne pas voir combien, sur ce point, sa construction contient d’éléments caducs. Au contraire, sa systématisation des pouvoirs de la papauté dans l’ordre spirituel, plus détachée des circonstances, est certainement plus originale et a sans doute moins vieilli.

I. Notices. — F.-C. Gurtius, Virorum illustrium ex ordine Eremitarum S. Augustini elogia, Anvers, 1636 ; D.-A. Gandolfi, Dissertatio historica de 200 celeberrimis scriptoribus Augustinianis, Rome, 1704 ; J.-F. Ossinger, Bibliotheca Augustiniana, Ingolstadt et Augsbourg, 1768 ; U. Mariani, Scrittori politici Agostiniani del sec. XIV, Florence, 1927.

II. Études (accompagnées de textes inédits). — H. Finke, Aux den Tagen Bonifaz VIII., Munster-en-W., 1902 ; R. Scholz, Die Publizistik zur Zeit Philipps des Schönen und Bonifaz VIII., Stuttgart, 1903 ; Unbekannte kirchenpolitische Streitschriften aus der Zeit Ludwig des Bayern, Rome, 19Il et 1914 ; M. Schmaus, Die Gotteslehre des Augustinus Triumphus nach seinem Sentenzencommentar, dans Aus der Geisteswelt des Mittelalters. Studien und Texte Martin Grabmann… gewidmet, Munster-en-W., 1935. — Doctrine de la papauté : S. Riezler, Die literarischen Widersacher der Päpste zur Zeit Ludwigs des Bayern, Leipzig, 1874 ; E. Friedberg, Die mittelalterlichen Lehren über das Verhältnis von Staat und Kirche, Leipzig, 1874 ; A. Baudrillart, Des idées qu’on se faisait au XIVe siècle sur le droit d’intervention du souverain pontife en matière politique, dans Revue d’hist. et de litt. rel., t. iii, 1898, p. 193-224 et 309-338 ; J. Rivière, Le problème de l’Église et de l’État au temps de Philippe le Bel, Louvain-Paris, 1926 ; du même, art. Augustin d’Ancône, dans 'Dict. de droit canonique, t. i, col. 1416-1422 ; du même, Une première « Somme » du pouvoir pontifical : Le pape chez Augustin d’Ancône, dans Revue des sciences rel., t. xvii, 1938, p. 149-183.

J. Rivière.

TRITHÉISME. — Le mystère de la sainte Trinité consiste dans l’affirmation simultanée de l’unité divine et de la multiplicité des personnes. L’erreur peut se glisser dans l’une ou l’autre de ces deux affirmations. On peut mettre l’accent sur l’unité divine avec tellement de force que l’on supprime la distinction réelle des personnes, chacune d’entre elles n’étant plus considérée que comme l’un des aspects ou des modes de l’être divin. C’est le point de vue auquel se plaçait le monarchianisme des iie et iiie siècles, voir t. x, col. 2193 sq., le sabellianisme n’étant qu’une forme plus évoluée du modalisme primitif. Inversement des penseurs chrétiens ont pu accentuer avec tant d’insistance la distinction des personnes divines qu’il devenait impossible de voir comment l’existence de ces personnes était compatible avec l’unité essentielle de Dieu. On a pu, dès lors, les accuser de ne reconnaître en Dieu qu’une unité spécifique, et non plus une unité numérique, et d’enseigner l’existence de plusieurs dieux, les taxer de trithéisme.

Lors de la crise monarchianiste du début du iiie siècle, c’était le reproche que, dans certains milieux, l’on faisait à des hommes comme Tertullien ou Hippolyte. Ce dernier se plaint que le pape Zéphyrin l’ait traité de dithéiste, ἀπεκάλει ἡμᾶς διθέους. Cf. art. Hippolyte (Saint), t. vi, col. 2492, 2506-2509. (L’expression διθέους s’explique par le fait qu’à cette date la personne du Saint-Esprit est encore laissée en dehors des débats trinitaires ; mais, dans une théologie plus évoluée, elle devrait être remplacée par celle de « trithéiste » ). Un grief du même genre pourrait tout aussi bien être articulé contre Justin, qui ne recule pas, en parlant du Verbe divin, devant l’expression ἕτερος θεός, cf. art. Justin, t. viii, col. 2259. La phobie du sabellianisme qui sévit dans tout l’Orient au lendemain du concile de Nicée explique comment les docteurs, même les plus orthodoxes, tels les Cappadociens, apportent, quand il s’agit des rapports entre la nature divine et les personnes des explications qui pourraient donner prise à l’accusation de trithéisme ; à lire superficiellement tel passage de saint Basile, il semblerait qu’il mette entre la φύσις ou l’οὐσία divine, d’une part, et les trois ὑποστάσεις ou πρόσωτα, de