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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/175

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1879

    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. LE BRIGANDAGE D’ÉPHÈSE

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damnable qu’aux yeux de ceux pour qui s’attaquer à Cyrille est commettre un crime de lèse-majesté. Mais ce sont précisément ces gens-là qui, un jour, en exigeront une solennelle condamnation.

3. Les tribulations d’Ibas.

Au fait, les événements auxquels fut ultérieurement mêlé l’évêque d’Édesse étaient bien de nature à attirer sur lui l’attention. Ibas d’abord fut l’un de ceux que Proclus de Constantinople désigna à Jean d’Antioche comme très suspect de donner dans « la folie de Nestorius » et de la répandre en mettant en circulation des capitula hétérodoxes. Il fallait d’urgence lui faire signer le tome aux Arméniens. Ce serait tout profit pour lui et cela désarmerait bien des préventions. Proclus, Epist., iii, P. G., t. lxv, col. 875. Ci-dessus, col. 1871. Au fait l’archimandrite Dalmatius de Constantinople, qui s’attribuait volontiers les fonctions de grand inquisiteur, déclarait à qui voulait l’entendre qu’il ne pensait rien de bon de l’évêque d’Édesse. Que serait-ce quand Dalmatius serait remplacé dans ce rôle par Eutychès ?

C’est à partir de 441 que commence à grandir la fortune de ce dernier. Par sa correspondance avec les moines de la région antiochienne et mésopotamienne, Eutychès, tout-puissant à la cour, était au courant de tout ce qui se passait dans le patriarcat d’Orient. Tout proche d’Édesse, l’évêque d’Himéria, Uranius, se faisait une spécialité de susciter des affaires à son voisin, aussi bien en ce qui regardait son administration qu’en ce qui concernait son enseignement. Tout cela éclata après qu’eut été rendu, à la demande d’Eutychès, le décret impérial du 16 février 448. Cet édit étendait à « des publications nouvelles, toutes imprégnées de l’esprit de Nestorius » — c’était évidemment l’Eranistes de Théodoret qui était visé — les mesures prises dix ans auparavant contre l’archevêque hérétique et ses adhérents. À titre d’indication, d’ailleurs, une mesure personnelle était prise contre le comte Irénée, devenu évêque de Tyr, qui serait expulsé de son évêché et exilé. Quelles furent les conséquences de cet édit pour Théodoret nous le dirons plus loin ; pour Ibas elles allaient être désastreuses.

Dès le début du printemps, une cabale était montée par quelques clercs d’Édesse qui, au carême, s’en vinrent à Antioche porter auprès de Domnus une accusation en règle contre leur évêque. Outre des griefs administratifs, on avançait des accusations d’ordre théologique, lui prêtant des propos énormes : « Je ne porte pas envie au Christ, aurait-il dit, ce qu’il est devenu, je puis moi-même le devenir ! » L’enquête, commencée par Domnus à la Pentecôte fut reprise, d’ordre du gouvernement, à l’automne : elle serait menée en Phénicie par l’évêque de Tyr, Photius, et son collègue de Béryte (Beyrout), chez qui le procès se déroula. Finalement l’action intentée se termina par un non-lieu, qui fut une vraie victoire pour l’évêque d’Édesse. L’accusation ne put démontrer qu’Ibas eût tenu les propos qu’on lui attribuait. « Je préférerais, dit l’évêque, être coupé en morceaux que de tenir pareil langage, qui est, pour moi, impensable. » On l’entreprit sur les mots désobligeants qu’il avait pu dire à rencontre de Cyrille. « C’était, répondit-il, avant l’Acte d’union ; depuis nous sommes demeurés en bons termes. » Contre cette affirmation, l’accusation demanda la lecture de la fameuse lettre à Maris. Ainsi fut fait, mais Ibas demanda, à son tour, que fût lue une déclaration adressée en sa faveur aux membres du tribunal par le clergé d’Édesse. Cette pièce qui, dans l’affaire des Trois-Chapitres, jouera un rôle considérable attestait solennellement que nul à Édesse n’avait connaissance des propos énormes soi-disant tenus par Ibas. Il est probable que cette pièce eut une grande influence sur la décision du tribunal de Beyrout. En février de l’année suivante, 449, on s’efforça de réconcilier Ibas avec le parti qui s’était porté accusateur. C’est à Tyr qu’eut lieu cette procédure de conciliation-Ibas promit que, rentré à Édesse, il s’expliquerait publiquement, anathématiserait Nestorius, confesserait adhérer à l’Acte d’union et tenir pour concile légitime le synode d’Éphèse de 431. Ibas put rentrer chez lui pour célébrer les fêtes pascales.

Il n’était pas au bout de ses épreuves. À peine la convocation impériale avait-elle été lancée pour le nouveau concile d’Éphèse, 30 mars 449, que des mesures drastiques étaient prises pour écarter de cette assemblée tous ceux qui pouvaient y faire opposition au monophysisme triomphant. Dès le mois d’avril arrivait à Édesse un fonctionnaire impérial, Chéréas, qui reprenait une enquête tant sur l’administration d’Ibas que sur ses doctrines. Les propos de l’évêque furent repassés au crible, non seulement celui qu’Ibas avait déclaré jadis impensable, mais d’autres qui sont beaucoup moins invraisemblables, car ils reflètent assez bien la doctrine de Théodore. Une nouvelle fois la lettre à Maris fut versée aux débats. Nous ignorons comment se termina l’enquête et ne pouvons dire s’il y eut un jugement régulier. Mais il est certain qu’Ibas fut chassé de la ville, même mis en prison et amené jusqu’à Antioche. C’est là qu’il apprendra que le Brigandage d’Éphèse avait prononcé sa déposition. Ceci d’après les procès-verbaux syriaques du Brigandage.


II. Les auteurs des Trois-Chapitres au Brigandage d’Éphèse (449) et au concile de Chalcédoine (451).

Toute cette agitation contre les représentants du dyophysisme intégral allait avoir sa conclusion dans les sentences du concile d’Éphèse (449), sentences qui seraient revisées et annulées à Chalcédoine (451).

Le Brigandage d’Éphèse.

Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des événements tragiques qui se déroulèrent à Éphèse en août 449 et qui amenèrent le triomphe momentané d’Eutychès et de son allié Dioscore d’Alexandrie, l’écrasement du dyophysisme et de ses plus illustres représentants, Flavien de Constantinople, Domnus d’Antioche, Théodoret de Cyr, Ibas d’Édesse ; tout ceci en dépit des consignes données par le pape saint Léon. Nous avons seulement à marquer ce qui y fut fait contre Théodoret et Ibas, faute de quoi seraient inintelligibles les mesures de réparation prises à Chalcédoine en faveur de ceux-ci.

Ni l’évêque de Cyr, ni l’évêque d’Édesse n’assistèrent au concile. Le premier, déjà visé par le décret impérial du 16 février 448, qui sans le nommer expressément condamnait l’Eranistes, ci-dessus, col. 1879, en butte à de multiples accusations portées soit devant Dioscore, soit devant Flavien, avait finalement reçu défense, au nom de l’empereur, de sortir des limites de son diocèse. Cf. Théodoret, Epist., lxxix, lxxx, lxxxi, lxxxii, P. G., t. lxxxiii, col. 1256 sq. C’était à l’automne de 448 ou au début de 449. En tout état de cause, la lettre impériale adressée à Dioscore pour lui donner la présidence du concile futur excluait positivement Théodoret des délibérations de l’assemblée. D’Ibas nous avons déjà dit qu’il était pour lors en prison, sans doute à Antioche. Cela n’empêcherait pas les deux prélats d’être victimes de Dioscore et d’Eutychès.

La procédure contre Ibas eut lieu à la deuxième session, le 22 août. Le détail en est bien connu par les actes syriaques. On commença par relire les procèsverbaux de l’action intentée à Édesse par Chéréas. Cette lecture déchaîna une vraie tempête. Après avoir rétabli le calme, Dioscore fit recueillir les témoignages sur ce qui s’était dit au procès de Beyrouth. Avant même la fin de cette déposition, Dioscore se déclara édifié : Ibas serait déposé et même exclu de la communion laïque, tant qu’il n’aurait pas restitué à l’Église d’Édesse tout ce qu’il avait détourné.