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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/185

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1899

    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. VIGILE ET LE V* CONCILE

1900

tions conciliaires. On commence seulement à exploiter, pour noircir Théodore, les œuvres de Léonce ; au moment du concile on se ravitaillera plus largement à cet arsenal.

L’irritation de Vigile. Sa résistance momentanée.

Ce fut Askidas lui-même qui vint, en grand cortège, porter le factum impérial à la connaissance du pape. Celui-ci fut extrêmement irrité et fit aussitôt des menaces à qui semblerait prêter les mains à ce complot. Cette manifestation ne troubla guère le prélat, qui, rentrant à Sainte-Sophie où l’édit était affiché, ne laissa pas d’y célébrer la liturgie. De guerre lasse Vigile, le 14 juillet, excommuniait de vive voix Askidas et ses adhérents. Puis, ne se sentant plus en sûreté au palais de Placidie, résidence des apocrisiaires romains, où il avait séjourné jusque là, il se retira dans l’église Saint-Pierre in Hormisda. C’est là que, le 14 août, il rédigea et signa la sentence d’excommunication contre Askidas, mais sans la publier encore. Elle fut confiée à une personne sûre, qui la manifesterait si quelque violence était faite au pape ou s’il venait à mourir. La sentence, arrêtée en réunion synodale, était motivée par tous les agissements antérieurs d’Askidas ; c’était en particulier à son instigation qu’avait été produit l’édit impérial. Menas et tous ses adhérents étaient, comme complices d’Askidas, exclus de la communion jusqu’à retour à résipiscence. P. L., t. lxix, col. 59-62.

Justinien s’exaspéra de cette attitude. Ordre fut donné au préteur d’enlever le pape de son asile. Des scènes de violence extrêmement pénibles se déroulèrent dans la basilique. On ne put arracher le pape de l’autel auquel il s’était cramponné. Les assistants s’indignèrent et la troupe elle-même témoigna de son dégoût pour la besogne qu’on lui imposait. On renonça pour l’instant à la manière forte. Cf. ibid., col. 55 C ; cꝟ. 117 B. Quelques jours plus tard des fonctionnaires impériaux se présentèrent à l’église d’Hormisdas, promettant au pape qu’on ne lui ferait rien, s’il consentait à réintégrer le palais de Placidie. I ! finit par s’y résigner. Mais la situation, là encore, lui devint intenable : rien n’y manqua, espionnage de jour et de nuit, serviteurs achetés, courrier intercepté. L’avant-veille de Noël 551, en pleine nuit, au risque de se rompre le cou, Vigile s’évada ; une barque l’attendait au pied des murailles qui lui fit passer le Bosphore ; il se réfugia à Chalcédoine, dans cette même basilique de Sainte-Euphémie où avait été arrêtée la définition du concile. Ibid., col. 56 AB ; cꝟ. 117 D. C’était sous la protection de la jeune martyre qui avait présidé aux délibérations de 451, qu’à un siècle de distance venait se mettre celui qui se portait maintenant défenseur de la foi chalcédonienne.

Recourir à la violence pour enlever le pape de cet asile, Justinien n’y pouvait songer ; c’eût été montrer qu’il avait perdu tout respect pour le concile. Il fallut parlementer. Fin janvier 552, on députa au pape de hauts fonctionnaires. À leurs assurances Vigile répondit qu’il ne croyait plus à la parole impériale et qu’il maintenait les sentences portées. Le basileus répondit par une lettre si pleine d’évidents mensonges et d’injures que Vigile ne voulut pas croire qu’elle vînt de celui qui jadis avait professé tant de respect pour le vicaire du premier des apôtres. Ibid., col. 55 A, 58 A. C’est tout ceci que Vigile portait à la connaissance du peuple chrétien dans son encyclique du 5 février 552.

Faute de documents il est difficile de dire ce qui se passa ensuite. À exploiter les données très incomplètes de la lettre des clercs romains, on arrive aux indications suivantes. Des violences nouvelles furent exercées contre le pape et son entourage à Sainte-Euphémie même, d’où l’on enleva les deux diacres Pelage et Tullianus, ubi sanctus papa csesus est et diversorum sacerdotum turba conclusa. Mansi, Concil., t. IX, col. 57 C. Ce fut sans doute la raison pour laquelle Vigile fit afficher la sentence contre Askidas, jusque-là réservée. Ibid. Et pourtant à une date ultérieure, difficile à préciser, une négociation eut lieu entre le pape d’une part et de l’autre Askidas et les évêques du patriarcat. Elle aboutit à une réconciliation dont témoigne le document signé à Sainte-Euphémie par Menas, Askidas et d’autres dignitaires et qui est inséré par Vigile tout au début de son Constitutum de mai 553. 'P. L., t. LXIX, col. 67 D ; Coll. Avell., p. 231. Les signataires déclaraient accepter les quatre conciles, et tout ce qui s’y était fait sous la présidence des évêques de Rome, comme aussi les décisions du pape Léon tant sur la foi que sur la valeur des quatre conciles. Ils déclaraient n’avoir pas de responsabilité dans l’édit de juillet 551, dont ils désiraient que tous les exemplaires fussent remis au pape. Ils déclaraient aussi avoir été étrangers aux violences faites à Vigile ; néanmoins, pour le bien de la paix, chacun en demandait pardon comme s’il en avait été coupable et s’excusait aussi d’être, au temps de la brouille, entré en rapport avec les excommuniés.

Cette démarche permit à Vigile de rentrer au palais de Placidie. Quelque temps après, Menas mourut (24 mars 552). Il fut remplacé par Eutychius. Simple apocrisiaire à Constantinople de l’évêque d’Amasée, celui-ci s’était fait remarquer de l’empereur par la vigueur de son argumentation contre les Trois-Chapitres, et c’était le basileus qui l’avait fait désigner comme successeur de Menas. Cf. Évagre, H. E., t. IV, c. xxxviii, P. G., t. lxxxvi b. col. 2776.

Ce fut Eutychius qui reprit en mains la question du concile que l’on avait un peu perdue de vue depuis les pénibles incidents de 551. Le 6 janvier 553, il communiquait à Vigile sa lettre synodale. Appréciant le bien de la paix, il se déclarait en union avec le Siège apostolique, recevait les quatre conciles et les lettres du pape ; quant aux Trois-Chapitres, il demandait que, sous la présidence du pape, cette affaire fût traitée en assemblée synodale. Ainsi mettrait-on fin à la querelle d’une manière qui serait compatible avec le respect dû aux conciles en question. Texte inséré par Vigile dans le Constitutum de mai 553, à la suite du document Mena s-Askidas. Coll. AvelL, p. 232.


VI. Le pape Vigile et le Ve concile.

Si Eutychius reprenait l’idée de faire débattre la question des Trois-Chapitres — idée à laquelle le pape se ralliait dans sa lettre Repletum est gaudio os nostrum, P. L., t. lxix, col. 66-68 — il s’en fallait pourtant que coïncidassent les vues du patriarche et celles du pape. De toute évidence Eutychius songeait à un concile œcuménique, dans le sens où avaient été œcuméniques les assemblées de Nicée, d’Éphèse et de Chalcédoine, où l’épiscopat de langue grecque avait figuré à peu près seul. Vigile, lui, pensait avant tout à une consultation des Occidentaux, tous très férus de chalcédonisme et qui feraient équilibre à la masse des Orientaux, que maniait trop facilement le basileus. Comme il le rappelle dans le préambule du Constitutum, il désirait tout au moins que le concile se tînt en Italie ou en Sicile. On y aurait convoqué les évêques d’Afrique et des autres provinces de langue latine. P. L., t. lxix, col. 70-71 ; Coll. AvelL, p. 234 sq. Justinien permit seulement au pape de dresser une liste d’un certain nombre de prélats que l’on ferait venir dans la capitale. En fait il ne vint personne ni des Gaules, ni d’Espagne, ni d’Italie et ceux qui vinrent d’Afrique avaient été triés sur le volet par les soins du gouvernement. A plus forte raison les évêques de langue grecque avaient-ils été soigneusement choisis. En somme le Sacré-Palais revenait aux procédés qui avaient si bien réussi au concile d’Éphèse de 449. On comprend que.