de part et d’autre. Il s’avère exclusivement sur des questions de fait. Laissons de côté le cas de Théodoret qui ne soulève pas de difficultés spéciales. Pour Théodore, Vigile qui, dans le premier jugement, a défendu que l’on touchât à la mémoire de l’évêque de Mopsueste, se rallie dans le second à l’indéfendable théorie du concile sur le jugement des morts. Beaucoup plus grave est l’antagonisme dans le cas d’Ibas. La première sentence reconnaît que la « lettre à Maris » est bien de l’évêque de Cyr, que c’est elle dont la lecture à Ghalcédoine a amené la déclaration d’orthodoxie de son auteur et donc que la lettre elle-même est, en fin de compte, orthodoxe. La seconde sentence prend très exactement le contre-pied de la première : « la lettre à Maris est pleine d’hérésies — quelques-unes sont citées — ; ce n’est pas elle qui, lue à Chalcédoine, aurait déterminé l’absolution d’Ibas ; il est absolument interdit, sous peine d’anathème, d’affirmer que Chalcédoine lui ait donné la moindre approbation. » Il est à peine besoin de faire remarquer que ce sont là des contre-vérités évidentes. En tout état de cause nous avons bien ici affirmatio et negatio ejusdem de eodem sub eodem respeclu. Cette affirmation d’une part et la négation antagoniste de l’autre, se lisent en deux documents qui prétendent à la même autorité. Il faut savoir constater cette évidence. Encore une fois ce n’est pas un conflit de doctrines que révèle notre analyse ; les deux jugements contradictoires portent sur des faits : mais ces faits sont liés de si près à des questions de dogme qu’ils doivent prendre place dans cette catégorie des faits dogmatiques, sur lesquels on s’est âprement disputé, entre théologiens, au cours des xvii « et xviiie siècles. Voir ici art. Église, t. iv, col. 2188-2192. Encore que ceci n’ait pas été remarqué à cette date, car les documents n’avaient pas encore été entièrement publiés, il ne faut pas hésiter à dire que les jugements contradictoires de Vigile dans l’affaire des Trois-Chapitres doivent être versés au dossier de cette fameuse question théologique ; il n’est pas malaisé de voir en quel sens ils déposent.
Il nous semble, d’ailleurs, que l’examen impartial des faits, en dehors de tout argument d’autorité, oblige à choisir comme seul valable le premier jugement de Vigile sur l’affaire des Trois-Chapitres. Extrêmement nuancé, il exprime au mieux la pensée de l’Église en cette question difficile. Tout en signifiant leur congé à des thèses insuffisamment assouplies de la théologie antiochienne, il évite de mettre en cause la bonne foi de ceux qui les ont produites et fait leur part aux conditions historiques dans lesquelles ces affirmations se sont énoncées. En d’autres termes, il a du développement dogmatique une conception beaucoup plus vraie que les anathèmes massifs et les condamnations sans appel du Ve concile. C’est à lui, pensons-nous, qu’il faut en définitive s’en tenir, ne conservant des définitions de l’assemblée de 553 que cela seulement qui n’est pas en désaccord formel avec la sentence pontificale. Ultérieurement d’ailleurs, les papes qui ont le plus urgé la soumission aux décrets du Ve concile ont laissé tomber tout ce qu’il y avait de caduc et dans les décrets conciliaires et dans le Judicalum de la IIe indiction. Ce que Pelage II et saint Grégoire le Grand, pour ne parler que des papes sur lesquels nous sommes suffisamment renseignés, ont demandé aux schismatiques d’Aquilée, c’est de renoncer à une séparation ecclésiastique qui n’avait pas de raison d’être, d’admettre — ce qui était la vérité — que Chalcédoine n’avait pas été mis en échec au point de vue dogmatique par Constantinople. Il ne leur est jamais venu à la pensée d’imposer à la créance des dissidents les affirmations controuvées du malheureux Vigile sur la lettre à Maris, ni l’opinion que Théodore de Mopsueste était au fond des enfers. En dernière analyse, l’étude de cette pénible affaire des Trois-Chapitres avertira le théologien de toute la complexité des problèmes où l’histoire interfère avec la dogmatique. I ! y prendra des leçons de modestie dont l’importance, à nulle époque, ne saurait être sous-estimée.
La bibliographie des différentes parties de l’article a été donnée aux divers vocables qui se rapportent de près ou de loin à l’affaire des Trois-Chapitres. Voir : Chalcédoine (Concile de) ; Constantinople (II’concile de) ; Éphèse (Concile d’) ; [il n’y a pas malheureusement d’article sur le Brigandage d’Éphèse, voir Eutychès et Eutychianisme, t. v, col. 1587, L. Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, t. iii, et Fliche-Martin, Histoire de l’Église, t. iv ; cf. Paulin Martin, Le pseudo-synode connu dans l’histoire sous le nom de Brigandage d’Éphèse ; ] Ibas (qui renvoie à t. iii, col. 1257 sq.) ; Justinien ; Léonce de Byzance ; Monophysisme (voir surtout t. x, col. 2220-2228 ce qui concerne le monophysisme sévérien) ; Nestorius (où l’on trouvera les indications nécessaires pour la consultation des Acta conciliorum œcumenic) ; Origénisme ; Pelage I" et Pelage II ; Proclus de Constantinople ; Théodore de Mopsueste ; Théodoret ; Théopaschite (Controverse) ; Vigile.
I. Sources. —
Elles ont été indiquées au cours de l’article
pour chacune des questions, avec les indications des
collections où les trouver, sauf pour ce qui est du Brigandage
d’Éphèse ; de celui-ci il reste : le procès-verbal en grec
de la i « session, lu à la î » session de Chalcédoine ; le procèsverbal
en syriaque de la IIe session, trad. française par
Paulin Martin dans la Revue des sciences ecclésiastiques
d’Amiens, 1874, t. ix, p. 505-544 ; t. x, p. 22-61, 209-226,
305-339, 384-410, 518-543 ; texte et trad. anglaise de S. G.
Perry, The second synod of Ephesus, Dartford, 1881 ; voir
aussi les deux appels de Flavien de Constantinople et d’Eusèbe
de Dorylée dans Neues Archiv, t. xi, 1886, p. 362 sq.
II. Travaux. —
Parmi les travaux anciens H faut au
moins connaître : Noris, Dissertatio historica de Synodo V »
(cf. art. Noris) ; Garnier, Dissertatio critica de V* synodo
generali, reproduite dans P. G., t. lxxxiv, col. 455-548
et une autre dissertation publiée à la suite de ses scolies sur
le Breviarium de Libératus.
Les travaux plus récents sont énumérés dans Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. m a. Le plus important est le mémoire de L. Duchesne, Vigile et Pelage, dans Revue des questions historiques, 1884, t. xxxvi, p. 369 ; cf. art. de dom Chamard, ibid., t. xxxvii, p. 540 sq., et réplique de Duchesne, ibid., p. 579 ; la substance de ce mémoire est passée dans L’Église au VI » siècle ; Savio, Il papa Vigilio dans Civiltà caltolica, 1903 ; P. Batifïol, L’empereur Justinien et le Siège apostolique, dans Recherches de science rel., t. xvi, 1926, p. 193 sq. ; R. Devreesse, Le début de la querelle des Trois-Chapitres : la lettre d’Ibas et le tome de Proclus, dans Rev. des se. rel., t. xi, 1931, p. 543 sq. ; du même, l’introduction à l’éd. de Pelage, In defensione trium capitulorum ; E. Caspar, Gesch. des Papsttums, t. i, 1933, c. iii, p. 193-305 et les notes, p. 768-774.
TROMBELLI Jean-Chrysostome, chanoine régulier de Saint-Sauveur (1697-1784). — Né près de Nonantula le 5 mars 1697, Trombelli entra à seize ans dans l’ordre des chanoines réguliers de Saint-Sauveur dont il devint rapidement, par sa science et la dignité de sa vie, un des membres les plus éminents. Dès la fin de ses études, il fut nommé professeur de philosophie à Candiano, près de Padoue, puis il professa la théologie à Bologne. Abbé de Saint-Sauveur en 1737, procureur général en 1757, Trombelli devint général de son ordre en 1760. Il mourut en janvier 1784.
Outre ses œuvres poétiques et des vies de saint Joseph, de saint Joachim et sainte Anne, Trombelli est l’auteur des ouvrages suivants : 1. De cultu sanctorum dissertationes decem quibus accessit appendix de cruce, Bologne, 1re éd. 1740, 2e éd. 1751 sq., 6 vol. in-4°. Jean-Rodolphe Riesting, professeur de théologie protestante à Leipzig, attaqua violemment cet écrit dans des Exercitationes in quibus J.-Chr. Trombelli dissertationes de cultu sanctorum modeste diluuntur, Leipzig, 1742-1746, 3 vol. in-4°. — 2. Trombelli répondit à ces critiques par : Priorum quattuor de cultu sanctorum dissertaionum vindiciæ, Bologne,