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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/199

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1927
1928
TURIN (CONCILE DE)


TURIN (CONCILE DE), début du ve siècle. —

Diverses collections canoniques, à commencer par VHispana, donnent sous la rubrique Concilium Taurinense ou C. Tauritanum la lettre synodale et les canons d’une assemblée tenue à Turin le 22 septembre d’une année qui n’est pas désignée. Sur la date et la signification de cette assemblée, un différend assez animé s’est ému naguère entre érudits. Il paraît à présent définitivement réglé ; toutefois il y a lieu de le rappeler à cause de quelques conclusions que certains avaient voulu tirer des dispositions prises par le concile.

I. Les documents conciliaires
(Mansi, Concil., t. iii, col. 859). — La synodale de l’assemblée est adressée aux évêques des Gaules et des cinq provinces (c’est-à-dire des provinces en lesquelles avait été divisée l’ancienne Provincia Romana). C’est à la demande des évêques gaulois que le concile s’est réuni pour juger les différends, tous d’ordre personnel ou tout au plus disciplinaire, qui lui avaient été soumis, par les évêques en question. Le concile souhaite que les décisions prises ramènent la paix et mettent un terme à certaines agitations qui ne sont pas toutes inspirées par le zèle chrétien. Suivent les huit canons qui expriment les sentences de l’assemblée.

1. Proculus, évêque de Marseille, réclamait les droits de métropolitain sur les Églises de la IIe Narbonaise, en excipant du fait que ces Églises avaient été de son ressort et que lui-même y avait ordonné des évêques. Mais d’autres évêques protestaient là-contre et prétendaient qu’ils ne devaient pas être soumis à un prélat résidant dans une autre province (Marseille faisait partie en effet de la province de Viennoise). Le concile s’arrête à une transaction : Proculus conservera, sa vie durant, la dignité et les droits de métropolitain sur les Églises de IIe Narbonaise qui ont toujours été considérées comme ses suffragantes (suas parochias) et sur celles où il a ordonné des évêques. Le concile suppose donc qu’à la mort de Proculus une autre organisation ecclésiastique se substituera à cet arrangement provisoire. —
2. Les évêques des deux villes d’Arles et de Vienne se disputent la prééminence dans la province de Viennoise. Celui des deux qui prouvera que sa ville est la métropole (civile) aura les droits métropolitains dans toute la province. Mais le concile suggère en même temps une solution pacifiante : que les Églises voisines de ces deux villes se groupent autour de celle qui est la plus proche et lui constituent un ressort métropolitain. —
3. Règlement de questions personnelles soulevées par certaines ordinations (épiscopales), conférées plus ou moins régulièrement par les évêques Octavius, Ursion, Rémi et Trifère. On tient compte de leur bonne foi pour les ordinations antérieures ; mais si, à l’avenir, ils passaient outre aux statuts des anciens, le consacré serait privé de l’honneur du sacerdoce, le consécrateur perdrait tout droit et de conférer l’ordination et d’assister aux conciles. —
4. La sentence portée contre un laïque Palladius, qui avait soulevé contre un prêtre une fausse accusation, est confirmée. —
5. Même disposition prise contre un prêtre, Exupérantius, qui a été excommunié par son évêque. —
6. Les évêques gaulois qui sont en communion avec Félix de Trêves (considéré comme partiellement responsable de l’exécution de Priscillien et de ses compagnons, voir ici t. xiii, col. 393, et dont s’était séparée la majeure partie de l’épiscopat gaulois) ont envoyé une délégation à Turin (pour demander leur réintégration dans la grande Église) ; on admettra ceux qui se sépareront de Félix, selon les dispositions des lettres d’Ambroise, de vénérée mémoire, et de l’évêque de Rome (Sirice), qui ont été lues en séance et devant les envoyés en question. —
7. Défense est faite, aux évêques de recevoir le clerc d’un évêque voisin ou de promouvoir à un ordre un laïque venant d’ailleurs, ou de recevoir à la communion un clerc déposé. —
8. Quiconque a été ordonné d’une manière illégale, ou qui a eu des enfants étant dans le ministère ne pourra être promu à un degré supérieur.

L’intérêt de ces canons — abstraction faite du 6e relatif au schisme de Trêves — consiste surtout en ceci que, pour prévenir de trop fréquents conflits de juridiction, le concile s’efforce de renforcer d’une part, de délimiter d’autre part l’autorité de l’évêque dans son diocèse et en même temps d’organiser dans la Gaule l’institution métropolitaine qui, depuis un siècle, fonctionnait en Orient. En cette région, l’organisation ecclésiastique s’était vite calquée sur l’organisation civile. Les Églises d’une même province civile s’étaient groupées autour de l’évêque de la capitale provinciale, en attendant qu’un peu plus tard les chefs des différentes métropoles ecclésiastiques reconnussent comme chef l’évêque de la capitale du « diocèse » civil. Cette organisation avait été reconnue, de manière plus ou moins explicite, par le concile de Nicée, can. 6 ; cf. ici, t. xi, col. 411. Elle mit plus de temps à pénétrer dans les Gaules, où il semble que les droits métropolitains, alors fort considérables, étaient surtout exercés par les évêques dont le siège se recommandait par son antiquité, son importance, les souvenirs qui se rattachaient à sa fondation. C’est de ce chef que Proculus de Marseille, bien que sa ville épiscopale ressortît à la province de Viennoise, prétendait exercer une vraie juridiction sur des Églises rattachées à la IIe Narbonaise. De même encore les deux sièges de Vienne et d’Arles se disputaient la primatie dans la province de Viennoise, Vienne excipant du fait qu’elle était la capitale provinciale, Arles se réclamant de la présence, toute récente d’ailleurs, de la préfecture du prétoire des Gaules qui venait d’y être transportée. Le. concile semble faire droit aux réclamations qui se fondent sur l’usage oriental. L’idéal est de reconnaître les droits métropolitains à l’évêque de la capitale civile de la province. Mais, dans l’intérêt de la paix, il fait quelques concessions. Proculus de Marseille continuera, de son vivant, à exercer la primauté sur les Églises où il a déjà fait acte de juridiction. Ce privilège néanmoins est viager ; lui mort, Marseille redeviendra un simple siège de la Viennoise. Pour cette dernière province, elle reconnaîtra comme chef ecclésiastique celui des deux évêques, d’Arles ou de Vienne, qui fera la preuve que sa ville est vraiment la capitale provinciale. Le concile suggère d’ailleurs, un règlement plus amiable. La Viennoise ecclésiastique se scinderait en deux provinces qui grouperaient respectivement autour d’Arles et de Vienne les Églises les plus voisines de ehacune de ces villes. Les ressorts métropolitains étant une fois constitués, il faudra s’en tenir de manière absolue aux règles suivant lesquelles le métropolitain est seul qualifié pour procéder aux ordinations épiscopales. Le canon 3 est particulièrement explicite en ce sens ; tout en passant l’éponge sur le passé, il considère comme gravement coupables les promotions qui seraient faites ultérieurement à l’encontre de la règle. Ces sages mesures ne devaient pas ramener aussitôt la paix. On dira à l’art. Zosime comment l’administration brouillonne de ce pape devait susciter de nouveaux troubles dans la Gaule du sud-est. Les mesures prises par lui allaient directement, en effet, contre les dispositions prises au concile de Turin ; elles devaient amener une vive réaction des intéressés.

II. Date et signification du concile.
En écrivant ceci, nous supposons que le concile de Turin s’est tenu bien antérieurement au pontificat de Zosime, à une date très voisine de l’an 401, ce que reconnaissent la presque totalité des critiques. Il en serait