TURIN (CONCILE DE), début du ve siècle. —
Diverses collections canoniques, à commencer par VHispana, donnent sous la rubrique Concilium Taurinense ou C. Tauritanum la lettre synodale et les canons d’une assemblée tenue à Turin le 22 septembre d’une année qui n’est pas désignée. Sur la date et la signification de cette assemblée, un différend assez animé s’est ému naguère entre érudits. Il paraît à présent définitivement réglé ; toutefois il y a lieu de le rappeler à cause de quelques conclusions que certains avaient voulu tirer des dispositions prises par le concile.
I. Les documents conciliaires
(Mansi, Concil., t. iii, col. 859). — La synodale de l’assemblée est
adressée aux évêques des Gaules et des cinq provinces
(c’est-à-dire des provinces en lesquelles avait
été divisée l’ancienne Provincia Romana). C’est à la
demande des évêques gaulois que le concile s’est réuni
pour juger les différends, tous d’ordre personnel ou
tout au plus disciplinaire, qui lui avaient été soumis,
par les évêques en question. Le concile souhaite que
les décisions prises ramènent la paix et mettent un
terme à certaines agitations qui ne sont pas toutes
inspirées par le zèle chrétien. Suivent les huit canons
qui expriment les sentences de l’assemblée.
1. Proculus, évêque de Marseille, réclamait les droits
de métropolitain sur les Églises de la IIe Narbonaise,
en excipant du fait que ces Églises avaient été de son
ressort et que lui-même y avait ordonné des évêques.
Mais d’autres évêques protestaient là-contre et prétendaient
qu’ils ne devaient pas être soumis à un
prélat résidant dans une autre province (Marseille faisait
partie en effet de la province de Viennoise). Le
concile s’arrête à une transaction : Proculus conservera,
sa vie durant, la dignité et les droits de métropolitain
sur les Églises de IIe Narbonaise qui ont toujours
été considérées comme ses suffragantes (suas
parochias) et sur celles où il a ordonné des évêques. Le
concile suppose donc qu’à la mort de Proculus une
autre organisation ecclésiastique se substituera à cet
arrangement provisoire. —
2. Les évêques des deux
villes d’Arles et de Vienne se disputent la prééminence
dans la province de Viennoise. Celui des deux qui
prouvera que sa ville est la métropole (civile) aura les
droits métropolitains dans toute la province. Mais le
concile suggère en même temps une solution pacifiante :
que les Églises voisines de ces deux villes se
groupent autour de celle qui est la plus proche et lui
constituent un ressort métropolitain. —
3. Règlement
de questions personnelles soulevées par certaines ordinations
(épiscopales), conférées plus ou moins régulièrement
par les évêques Octavius, Ursion, Rémi et
Trifère. On tient compte de leur bonne foi pour les
ordinations antérieures ; mais si, à l’avenir, ils passaient
outre aux statuts des anciens, le consacré serait
privé de l’honneur du sacerdoce, le consécrateur perdrait
tout droit et de conférer l’ordination et d’assister
aux conciles. —
4. La sentence portée contre un laïque
Palladius, qui avait soulevé contre un prêtre une
fausse accusation, est confirmée. —
5. Même disposition
prise contre un prêtre, Exupérantius, qui a été
excommunié par son évêque. —
6. Les évêques gaulois
qui sont en communion avec Félix de Trêves
(considéré comme partiellement responsable de l’exécution
de Priscillien et de ses compagnons, voir ici t. xiii,
col. 393, et dont s’était séparée la majeure partie de
l’épiscopat gaulois) ont envoyé une délégation à Turin
(pour demander leur réintégration dans la grande
Église) ; on admettra ceux qui se sépareront de Félix,
selon les dispositions des lettres d’Ambroise, de
vénérée mémoire, et de l’évêque de Rome (Sirice),
qui ont été lues en séance et devant les envoyés en
question. —
7. Défense est faite, aux évêques de recevoir
le clerc d’un évêque voisin ou de promouvoir à
un ordre un laïque venant d’ailleurs, ou de recevoir à
la communion un clerc déposé. —
8. Quiconque a été
ordonné d’une manière illégale, ou qui a eu des enfants
étant dans le ministère ne pourra être promu à un
degré supérieur.
L’intérêt de ces canons — abstraction faite du 6e relatif au schisme de Trêves — consiste surtout en ceci que, pour prévenir de trop fréquents conflits de juridiction, le concile s’efforce de renforcer d’une part, de délimiter d’autre part l’autorité de l’évêque dans son diocèse et en même temps d’organiser dans la Gaule l’institution métropolitaine qui, depuis un siècle, fonctionnait en Orient. En cette région, l’organisation ecclésiastique s’était vite calquée sur l’organisation civile. Les Églises d’une même province civile s’étaient groupées autour de l’évêque de la capitale provinciale, en attendant qu’un peu plus tard les chefs des différentes métropoles ecclésiastiques reconnussent comme chef l’évêque de la capitale du « diocèse » civil. Cette organisation avait été reconnue, de manière plus ou moins explicite, par le concile de Nicée, can. 6 ; cf. ici, t. xi, col. 411. Elle mit plus de temps à pénétrer dans les Gaules, où il semble que les droits métropolitains, alors fort considérables, étaient surtout exercés par les évêques dont le siège se recommandait par son antiquité, son importance, les souvenirs qui se rattachaient à sa fondation. C’est de ce chef que Proculus de Marseille, bien que sa ville épiscopale ressortît à la province de Viennoise, prétendait exercer une vraie juridiction sur des Églises rattachées à la IIe Narbonaise. De même encore les deux sièges de Vienne et d’Arles se disputaient la primatie dans la province de Viennoise, Vienne excipant du fait qu’elle était la capitale provinciale, Arles se réclamant de la présence, toute récente d’ailleurs, de la préfecture du prétoire des Gaules qui venait d’y être transportée. Le. concile semble faire droit aux réclamations qui se fondent sur l’usage oriental. L’idéal est de reconnaître les droits métropolitains à l’évêque de la capitale civile de la province. Mais, dans l’intérêt de la paix, il fait quelques concessions. Proculus de Marseille continuera, de son vivant, à exercer la primauté sur les Églises où il a déjà fait acte de juridiction. Ce privilège néanmoins est viager ; lui mort, Marseille redeviendra un simple siège de la Viennoise. Pour cette dernière province, elle reconnaîtra comme chef ecclésiastique celui des deux évêques, d’Arles ou de Vienne, qui fera la preuve que sa ville est vraiment la capitale provinciale. Le concile suggère d’ailleurs, un règlement plus amiable. La Viennoise ecclésiastique se scinderait en deux provinces qui grouperaient respectivement autour d’Arles et de Vienne les Églises les plus voisines de ehacune de ces villes. Les ressorts métropolitains étant une fois constitués, il faudra s’en tenir de manière absolue aux règles suivant lesquelles le métropolitain est seul qualifié pour procéder aux ordinations épiscopales. Le canon 3 est particulièrement explicite en ce sens ; tout en passant l’éponge sur le passé, il considère comme gravement coupables les promotions qui seraient faites ultérieurement à l’encontre de la règle. Ces sages mesures ne devaient pas ramener aussitôt la paix. On dira à l’art. Zosime comment l’administration brouillonne de ce pape devait susciter de nouveaux troubles dans la Gaule du sud-est. Les mesures prises par lui allaient directement, en effet, contre les dispositions prises au concile de Turin ; elles devaient amener une vive réaction des intéressés.
II. Date et signification du concile. —
En écrivant
ceci, nous supposons que le concile de Turin s’est
tenu bien antérieurement au pontificat de Zosime,
à une date très voisine de l’an 401, ce que reconnaissent
la presque totalité des critiques. Il en serait