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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/225

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1979

    1. TYRANNIE##


TYRANNIE. LE TYRAN DE GOUVERNEMENT

1980

pages des Décrétâtes : Vim vi repellere omnes leges omniaque jura permitlunt, avec parfois cette clause : non ad sumendam vindictam, sed ad injuriam propulsandam. L. V, tit.xii, c. 18 ; cꝟ. t. V, tit. xxxix, c. 3 ; t. II, tit. xiii, c. 12 ; In Sexto, t. V, tit. xi, c. 6.

Parmi les modernes, le théologien belge Génicot, S. J., invoque l’autorité de saint Thomas aussi bien que celle de l’Écriture et des papes, lorsqu’il écrit : « Se révolter contre l’autorité légitime est de soi illicite, ainsi qu’il ressort de la condamnation de la 63e proposition du Syllabus de Pie IX : Legitimis principibus obœdientiam detreclare, immo et rebellare licet. Cependant, autre chose est la rébellion, autre chose est la résistance aux lois injustes et à leur exécution. Car, lorsqu’une violence évidemment injuste est exercée par ceux qui détiennent la puissance légitime, le cas est « semblable à celui d’une violence « exercée par des brigands… ; et de même qu’il est permis de résister aux brigands, de même il est permis, « en l’occurrence, de résister aux mauvais princes, à « moins qu’il n’y ait peut-être un scandale à éviter ou « quelque grave perturbation à craindre », dit saint Thomas. Souvent, poursuit notre auteur, cette résistance active sera illicite, si la violence devait avoir le dessus, de telle sorte qu’il n’y eût pas d’effet bon à espérer, mais bien de plus grands maux à attendre. Instit. theol. moralis, 3e éd., 1900, t. i, n. 357. Même doctrine dans la 14e éd., 1939, t. i, p. 283, revue par Salsmans.

Le théologien suisse Cathrein s’exprime plus clairement encore : « À un tyran, qui injustement cherche à causer aux citoyens des maux très graves, il est permis de résister activement dans l’acte même de l’agression. » Et l’auteur précise : « Il s’agit de résistance active par la force ou à main armée. Qu’il soit permis à chaque citoyen de résister activement et par la force (au moins s’il s’agit de défendre sa vie et l’intégrité de son corps), à un prince qui cherche à lui causer un préjudice évidemment injuste et grave, et de l’empêcher d’accomplir sa volonté, c’est l’opinion à peu près commune des théologiens… Les citoyens peuvent donc se prêter main-forte les uns aux autres contre l’injuste agression du roi ou de ses agents, et se liguer dans ce but par un traité. Pour cela, en effet, pas n’est besoin chez eux de la souveraine puissance : les sujets ne jugent ni ne déposent le souverain, mais ils ne font que se défendre eux et leurs biens. Ces principes valent en droit, et à ne regarder les choses que dans l’abstrait. Dans le concret, par accident, il arrivera souvent que pareille défense entraînerait de plus grands maux, et qu’il faille s’en abstenir. » Philosophia moralis, 3e éd., 1900, n. 616.

Meyer, considérant les cas où la résistance passive est pratiquement impossible ou apparaît comme inefficace, propose sa solution qu’il dit avoir « déterminée théoriquement en conformité avec les principes de la saine raison ». Sa thèse est la suivante : « Il peut y avoir quelquefois des circonstances, où la résistance active aux abus de l’autorité publique, prise en soi, n’est pas contraire au droit naturel. » Et il la prouve ainsi : « Le droit naturel de défense s’étend sans exception à toute créature raisonnable, et par suite a pari ou a fortiori à une personnalité humaine collective. Donc, toutes les fois qu’un abus tyrannique du pouvoir, non pas transitoire, mais poursuivi constamment et systématiquement, aura réduit le peuple à une extrémité telle que, manifestement, il y va désormais de son salut, par exemple s’il s’agit d’un danger imminent pour l’État à conjurer, ou des biens suprêmes et essentiels de la nation, et en première ligne du trésor de la vraie foi à sauver d’une ruine certaine : alors, de par le droit naturel, à une agression de ce genre il est permis d’opposer une résistance active, autant que le réclament la cause et les circonstances. L’Écriture nous présente un illustre exemple de ce mode de défense dans l’histoire des Machabées… » Et l’auteur de conclure : « N’importe quel groupe de citoyens, même sans constituer une personne morale complète, ni une unité sociale organique, en vertu du droit personnel inhérent à chaque individu, peut, dans ce cas d’extrême nécessité, mettre en commun les forces de tous, pour opposer à une oppression commune le faisceau d’une résistance collective. » Instituliones juris naturalis, t. ii, n. 531 sq.

Citons encore l’opinion de deux philosophes, qui envisagent précisément le cas d’oppression tyrannique dont nous traitons. « Point n’est besoin en ce cas d’aucune juridiction, écrit Schiffini. Il suffit bien, semble-t-il, du droit de légitime défense, inhérent à la société comme aux individus. » Disputationes philosophiæ moralis, 1891, t. ii, p. 452. Et le cardinal Zigliara fait cette remarque très opportune : « Dans ce cas, il n’y a pas résistance à l’autorité, mais à la violence ; non pas au droit, mais à l’abus du droit ; non pas au prince, mais à l’injuste agresseur et transgresseur de nos droits, dans l’acte même de son agression. » Summa philosophica, t. iii, 3e éd., 1884, p. 267.

Au delà de l’Atlantique, dans l’Amérique du Nord, deux voix de moralistes donnent un écho bien différent. Celle du P. Konings, rédemptoriste, s’appuyant sur l’autorité de saint Alphonse et de saint Thomas, affirme : Nunquam omnino licitum est rebellare… At quale remedium adest, si regimen principis esset excessive tyrannicum ? Remedium quod suppetit, ait S. Thomas, est ad Deum recurrere, ut auxilium prsebeat. Theol. moralis, t. i, New-York, 1878, p. 204, n. 459. C’est le même enseignement que donne aujourd’hui encore en France le manuel de Marc-Raus, Instit. morales, t. i, 19e éd., Lyon, 1933, n. 151. A l’opposé, on peut entendre Mgr Kenrick, mort archevêque de Baltimore, qui a donné le commentaire suivant de I Pet., ii, 13 et de Rom., xiii, 1-5 : « Ce passage interdit la rébellion qui se commet toutes les fois que des particuliers, isolés ou en petit nombre, résistent à l’autorité légitime. Que si une multitude de citoyens résistent à un abus énorme, on ne peut pas dire qu’ils résistent à l’autorité, car Dieu ne donne pas le droit de tyranniser. C’est qu’en effet… il n’est jamais permis aux gouvernants, par le renversement des lois, de détruire ce qui est la raison d’être et la fin de leur pouvoir. Est, par le fait même, déchu de toute prérogative, quiconque abuse du pouvoir contre la chose publique, dont le salut et l’honneur fondent la souveraineté et la majesté des princes… Par ailleurs, les soulèvements populaires, même provoqués par la domination la plus onéreuse, ne se produisent presque jamais sans péché, parce que, la plupart du temps, ils entraînent des ruines et des désastres. » Theol. moralis, t. i, Philadelphie, 1841, tract. VI, c. iii, p. 269.

Et voici d’autres moralistes qui précisent les conditions d’une résistance licite. D’abord Castelein, qui écrit : « La tyrannie habituelle et grave, en violant le pacte fondamental, détruit le titre du pouvoir. Quatre conditions cependant sont requises pour que soit licite la résistance active : a)qi’ïl ne reste aucun moyen efficace d’enrayer la tyrannie, par exemple, prières, exhortations, résistance passive, qui toutes doivent être essayées au préalable ; b) que la tyrannie soit manifeste de l’aveu général des hommes sages et honnêtes ; c) qu’il y ait chance probable de succès ; d) qu’il y ait lieu de croire que, de la chute du tyran, ne sortiront pas des maux plus graves… Avec Bellarmin, Suarez, Balmès, Bianchi, avec toute l’école