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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/260

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ULFILA. VIE ET ECRITS


Socrate, ii, 41 ; iv, 33 ; Sozomène, iv, 24 ; vi, 37 et dans les Gelica, 31, de Jordanès. Philostorge présente ici un intérêt particulier : non seulement il partageait les convictions ariennes d’Ulfila, mais il était originaire de la Cappadoce, comme les ancêtres d’Ulfila lui-même. On s’explique sans peine qu’il se soit arrêté assez longuement à rappeler avec sympathie la vie et l’œuvre d’un compatriote et d’un coreligionnaire. Socrate et Sozomène n’ont pas les mêmes raisons de s’attacher à l’évêque goth, ils ne sont pas exempts d’erreurs et leurs récits doivent être assez souvent corrigés, surtout en ce qui touche à la chronologie ; ils ne sont pourtant pas négligeables.

II. Vie et écrits.

Ulfila — telle est l’orthographe qu’il faut préférer, car c’est ainsi que lui-même écrivait son nom ; cf. E. Schrôder, dans Festschrift Bezzenberger, Gcettingue, 1922, p. 132-139, bien que la forme Wulfila soit plus rapprochée de l’étymologie — descendait d’une famille de captifs cappadociens, originaire du bourg de Sadagolthina près de Parnassos. Ses grands-parents avaient été enlevés lors de l’invasion gothique qui dévasta l’Asie-Mineure sous le règne de Valérien. Il est probable qu’il était fils d’un goth et d’une cappadocienne, fille elle-même de ces prisonniers et l’on peut croire qu’il n’était pas de naissance libre. Comme au moment de sa promotion à l’épiscopat, vers 341, il était âgé de trente ans, Philostorge, H. E., ii, 5 ; Dissert. Maximini, p. 75, sa naissance doit être fixée aux environs de 311.

On ne sait pas d’ailleurs où il faut situer cet événement. Une légende, racontée, sinon imaginée, par Socrate, H. E., ii, 41, 23, et reproduite par la Passion de saint Nicétas, veut qu’il ait été instruit dans la foi chrétienne par un certain Théophile qui, en 325, prit part au concile de Nicée dont il souscrivit les Actes en qualité d’évêque de Gothie : ce nom désigne la côte septentrionale du Pont-Euxin et tout particulièrement la Chersonèse Taurique où s’étaient fixés un certain nombre de Goths, pendant que la plus grande partie de la nation poursuivait sa route vers l’Ouest. Si la légende avait un fondement historique, on pourrait admettre qu’Ulfila était originaire de Crimée et qu’il y passa sa jeunesse, ce qui n’est pas invraisemblable. Mais on a quelque raison de croire que les hagiographes, en reliant le futur évêque des Goths du Danube à l’évêque des Goths de la Chersonèse Taurique ont eu une arrière-pensée apologétique, et cela n’est pas fait pour nous donner confiance.

Ulfila devint sans doute chrétien de bonne heure, si même il ne l’était pas de naissance et ce fut dans l’orthodoxie catholique qu’il fut d’abord instruit, voire qu’il commença sa carrière ecclésiastique. Il dut être ordonné lecteur d’assez bonne heure et exercer son ministère dans les régions situées au nord du Danube, qui resteront toujours le théâtre de son apostolat ; et sans doute il acquit rapidement beaucoup d’influence sur ses compatriotes, même païens, puisqu’il fut envoyé, jeune encore, en ambassade auprès de l’empereur Constance. Philostorge, H. E., il, 5. Philostorge, il est vrai, place cette légation sous le règne de Constantin ; mais il se trompe sans « loutc, car il ajoute que ce fut au cours du voyage qu’Ulfila reçut la consécration épiscopale d’Eusèbe et des évoques qui étaient avec lui. Nous savons par la lettre d’Amenée qu’au moment de. sa mort, entre 381 et 383, il était évêque depuis quarante ans : son ordination a donc eu lieu vers 341 et ne saurait être reportée assez loin en arrière pour être encore fixée au temps de Constantin. D’autre part, elle n’est |i ; is postérieure, viiiblc-t-il, à 341, car cette, année sel « elle de la mort d’Eusèbe de Nicomédic, devenu depuis peu évêque de Constantinople et c’est assurément de cet Eusèbe, la principale Illustration du parti

arien à cette date, que veut parler Philostorge. Est-ce à dire qu’Ulfila fut consacré à Antioche, lors du concile de la Dédicace, ainsi que le pense J. Zeiller, Les origines chrétiennes dans les provinces danubiennes de l’empire romain, Paris, 1918, p. 445 ? Rien ne permet de l’affirmer avec certitude. Il nous suffit d’ailleurs de connaître les rapports d’Ulfila et d’Eusèbe, pour savoir du même coup comment la théologie arienne devint celle du nouvel évêque des Goths. Jusqu’à son élévation à l’épiscopat, Ulfila n’avait pas dû se préoccuper beaucoup des problèmes théologiques, bien que la région du Danube fût déjà, grâce à l’activité de Valens de Mursa et d’Ursace de Singidunum, un centre de diffusion de l’arianisme. Devenu chef d’une Église en formation, chargé officiellement de travailler à la conversion de ses compatriotes et d’organiser parmi eux des communautés chrétiennes, il sentit le besoin d’approfondir sa foi et tout naturellement il se mit d’accord avec l’empereur et avec l’évêque de sa capitale.

Rentré dans son pays, Ulfila entreprit courageusement la besogne dont il avait été chargé et se mit à annoncer l’Évangile aux Goths. Il comprit sans peine l’importance que présenterait, tant pour la conversion des infidèles que pour la persévérance des croyants, une traduction des Livres saints dans leur langue nationale et il conçut l’ambition de faire lui-même cette traduction. Il commença par inventer un alphabet (Philostorge, H. E., ii, 5 ; Sozomène, II. E., m, 37 ; Socrate, H. E., iv, 33) destiné à remplacer les vieux caractères runiques, encore en usage chez les Goths, tout en les utilisant dans la mesure du possible. Cette invention obtint le plus grand succès : grâce aux nouveaux caractères, la transcription en langue gothique des termes proprement chrétiens qu’on était obligé d’emprunter au grec ou au latin devint non seulement possible, mais facile. La traduction de la Bible suivit de près la création de l’alphabet. Suivant Philostorge, H. E., ii, 5, Ulfila aurait traduit en gothique tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, à l’exception des livres des Rois, remplis d’histoires de batailles, qu’il était inutile de raconter à un peuple déjà naturellement enclin à la guerre. La remarque de l’historien est un peu suspecte. Nous ne sommes même pas certains qu’Ulfila ait traduit personnellement autre chose que le Nouveau Testament ; à plus forte raison pouvons-nous hésiter à lui attribuer la traduction de tous les livres de l’Ancien Testament. Cette question sera reprise tout à l’heure.

Pendant de longues années, Ulfila poursuivit son ministère auprès de ses compatriotes sur la rive septentrionale du Danube. S’il fallait ajouter foi au texte de la lettre d’Auxence tel qu’il nous est conservé, l’évêque n’aurait pourtant exercé librement son apostolat que durant sept ans. À ce moment, une persécution sanglante aurait décimé la jeune chrétienté gothique et l’évêque aurait été obligé de passer le fleuve avec une grande quantité de confesseurs : lui-même aurait d’ailleurs mérité le titre glorieux de confesseur pour le courage dont il aurait alors fait preuve. Reçu avec honneur en Romanie par l’empereur Constance, il s’y serait établi et c’est là surtout, aux environs de Nicopolis, qu’il aurait développé son Influence sur les fidèles groupés autour de lui. au point d’être regardé non seulement comme leur chef religieux, mais comme leur véritahle souverain. Dissertai. Mnrimini, p. 75. Ce témoignage a le grand tort de ne pouvoir s’accorder ni avec celui d’Ammien Marcellin, ni avec celui des historiens ecclésiastiques, Socrate, II. E., iv, 33-31, raconte qu’une guerre intestine éclata entre les deux chefs ^oths Athanatic et Fritigern, alors que leur peuple babitail encore au