Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1583
1584

TRINITE. L’ENSEIGNEMENT DE PAUL

décerner les titres de Seigneur, de prince de la vie, et de le prier avec une inébranlable confiance.

Si l’accent est mis sur le fait de la résurrection, c’est qu’il y a là en effet le prodige décisif : « Que ce soit donc avec la plus grande certitude que toute maison d’Israël sache que Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié. » Act., ii, 36. On pourrait croire que la résurrection seule a valu à Jésus la double dignité de Seigneur et de Messie, ou plutôt, car les titres vont ensemble et ne peuvent pas être séparés, le titre de Christ-Seigneur. Cette conclusion ne serait pas entièrement fausse, puisque, par la résurrection, Jésus est, en effet, entré en tant qu’homme dans un état nouveau. Mais il ne faut pas s’arrêter à cet aspect des choses ; car Jésus n’est pas seulement celui que Dieu a ressuscité pour l’élever à sa droite : il est encore, et bien plus complètement, le Seigneur que l’on prie, que l’on invoque, que l’on adore chaque jour.

2° L’Esprit Saint.

Dans la vie de la primitive Église, l’Esprit joue un grand rôle ; et si nous n’apprenons pas encore ce qu’il est au juste, nous constatons du moins son activité et les bienfaits qu’il répand en abondance parmi les fidèles. L’Église elle-même prend naissance au jour de la Pentecôte : c’est lorsque le Saint-Esprit est descendu sur eux en forme de langues de feu, lorsqu’ils ont été remplis du Saint-Esprit, que les apôtres quittent le Cénacle et commencent à prêcher. Tout le long des Actes, l’Esprit se manifeste de la même manière. Lorsque Ananie et Saphire cherchent à tromper les apôtres, c’est l’Esprit qu’ils tentent, Act., v, 9 ; c’est à lui qu’ils mentent. Act., v, 3. C’est l’Esprit-Saint qui, sur la route de Gaza, dit à Philippe : « Approche-toi et joins-toi à ce char », Act., viii, 29 ; c’est lui qui, à Joppé, dit à Pierre : « Voici que deux hommes te demandent ; lève-toi, descends et suis-les. » Act., x, 19 ; cf. xi, 12. Plus tard, le décret des apôtres et des presbytres assemblés à Jérusalem commence ainsi : « Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous. » Act., xv, 28.

Dans la vie de saint Paul, l’Esprit-Saint ne joue pas un rôle moins important, il ordonne aux fidèles d’Antioche de lui séparer Paul et Barnabé pour l’œuvre à laquelle il les a appelés. Act., xiii, 2-4. Après avoir parcouru la Phrygie et le pays galate, Paul et Silas sont empêchés par l’Esprit de prêcher la parole en Asie ; arrivés sur les confins de la Mysie, ils veulent pénétrer en Bithynie, mais l’Esprit de Jésus ne le leur permet pas. Act., xvi, 6-7. Plus tard, Paul assure à ses auditeurs que, dans toutes les villes où il passe, l’Esprit Saint lui annonce les souffrances qu’il doit endurer, Act., xx, 22, et le prophète Agabus attribue à l’Esprit-Saint ce qu’il sait de l’avenir de l’apôtre. Act., xxi, 11.

On pourrait multiplier les exemples. Il est hors de doute que l’Esprit-Saint ne cesse pas d’agir au milieu des premiers fidèles. Il descend sur eux ; il les transforme ; il leur donne de parler en langues. Parfois, les apôtres servent d’intermédiaires entre lui et les croyants, car personne en dehors d’eux ne possède le pouvoir de le faire descendre dans les âmes, et Simon le Samaritain propose à Pierre de lui acheter à bon prix le merveilleux pouvoir. D’autres fois, l’Esprit-Saint vient de lui-même : c’est ainsi qu’il remplit l’âme de Corneille et de sa famille et ce prodige décide saint Pierre à administrer le baptême à des hommes qui viennent de recevoir une telle faveur. Act., x, 44-48.

Tout cela met en relief la personnalité de l’Esprit-Saint. Il n’est pourtant pas question de l’adorer ou de le prier comme le Père et le Fils. Manifestement les premiers chrétiens croient en lui ; et comment ne le feraient-ils pas, puisqu’ils sont chaque jour les témoins et les bénéficiaires de ses grâces ? Mais ils ne se croient pas obligés de préciser autrement ses relations avec le Père et le Fils ; et nous ne savons même pas avec une entière certitude s’ils ont, dès le début, administré le baptême au nom des trois personnes divines, ou seulement au nom de Jésus, ce qui paraît d’ailleurs moins probable.

III. L’enseignement de saint Paul.

Saint Paul tient une place à part dans l’histoire du christianisme naissant, et son enseignement soulève un problème qu’il est impossible d’esquiver. L’apôtre en effet n’a pas été le témoin de la vie mortelle de Jésus ; il ne l’a pas suivi dans son ministère public ; il n’est pas sûr qu’il l’ait jamais vu et le contraire semble plus vraisemblable. Sa première rencontre avec le Sauveur est celle du chemin de Damas : rencontre décisive, mais qui lui révèle le Christ glorieux et non pas ! e Sauveur souffrant. Bien plus : une fois converti, Paul ne se soucie pas de voir les apôtres : il commence immédiatement à prêcher ; et lorsque son ministère est bientôt interrompu, il se réfugie on ne sait où en Arabie ; c’est seulement au bout de trois ans qu’il se décide à monter à Jérusalem pour voir Pierre. Gal., i, 18. Durant cet intervalle, il prie, il médite, il reçoit du ciel des révélations merveilleuses sur lesquelles d’ailleurs il ne lui est ni permis ni possible de s’étendre. On serait tenté de croire, à s’en tenir à une première impression, que ce voyant, ce mystique, enseigne une doctrine qui lui appartient en propre.

Bien ne saurait être plus faux que cette conclusion. Saint Paul prêche ce que prêchent les autres apôtres. Il annonce Jésus et Jésus crucifié. Il insiste sur les mystères de la passion, de la mort et de la résurrection. Il enseigne ce qu’il a appris, non pas ce qu’il a inventé, pas davantage ce que le Seigneur lui aurait révélé à lui seul. Son enseignement est déjà une tradition, un dépôt qu’il faut conserver et transmettre fidèlement. Certes, il a une mission qui lui est propre : à lui il a été donné de faire connaître aux « nations » le mystère que Dieu a révélé par son Fils et nul n’a le droit de contester l’origine divine de cette mission. Mais c’est là tout, et il se trouve complètement d’accord avec les Douze sur la doctrine qu’il enseigne. On peut contester l’opportunité, voire la légitimité de son apostolat auprès des Gentils : en Galatie, à Thessalonique, à Corinthe, il y a des hommes qui le discutent ou qui le combattent. Sa théologie n’est pas en cause. Ce qu’on discute, c’est d’abord son attitude à l’égard de la Loi juive ; c’est encore l’autorité qu’il prétend posséder. Le reste, qui est l’essentiel n’est pas mis en question.

Ces remarques sont d’une importance capitale, lorsqu’il s’agit d’exposer l’enseignement de saint Paul en matière trinitaire. Si développé que nous paraisse cet enseignement, nous pouvons être assurés qu’il ne s’écarte pas de la doctrine traditionnelle. Il la poursuit sans doute et il la prolonge : comment oublier que saint Paul a reçu de Dieu, au cours de sa vie, des révélations nombreuses ? comment oublier aussi qu’il a longuement médité et que ses réflexions ont été guidées, vivifiées par l’Esprit-Saint ? Cependant, le christianisme qu’il enseigne n’est pas nouveau : c’est celui de Jésus et c’est celui des Douze, sans altération ni transformation.

1° Le Père et le Fils.

A peine est-il besoin de rappeler le monothéisme de saint Paul. « Circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu et fils d’Hébreux, pharisien selon la Loi », Phil., iii, 5, il n’a jamais connu la moindre hésitation sur le dogme fondamental de la religion de ses ancêtres. Il rappelle, dans l’épître aux Romains, comment les perfections invisibles de Dieu et Dieu lui-même peuvent être connus par le spectacle de la création, si bien que ceux qui ignorent Dieu sont inexcusables. L’im