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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/281

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I Mt ; ENIT1 S (BIj’LLK). PROP. 28-28

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pourrait, si elle le voulait, mais elle ne peut pas le vouloir. Notre volonté est libre, comme les saints sont libres de haïr Dieu et les démons d’aimer Dieu.

lui résumé, la grâce n'ôte point à la volonté le pouvoir naturel qu’elle a de se porter au bien ou au mal ; la volonté a le pouvoir de résister à la grâce, mais pas au moment précis où la grâce meut ; seulement cette détermination actuelle n’est que passagère et relative. La volonté n’a pas l’exercice actuel de son pouvoir, mais le pouvoir lui reste tout entier. La volonté, libre quant au pouvoir, ne l’est pas quant à l’exercice de ce pouvoir.

Par conséquent, la liberté n’est qu’une simple versatilité naturelle, qui peut se porter successivement tantôt sur un objet, tantôt sur un autre ; c’est une puissance qui peut agir successivement dans un sens ou dans un autre, suivant qu’elle est mue par la charité ou par la concupiscence, mais sous l’influence de la délectation dominante, l’usage et l’exercice de cette puissance sont liés momentanément. La liberté n’est que la capacité de recevoir une autre impression que celle qui est actuellement dominante et elle est toujours enchaînée par la délectation dominante du moment. L’homme qui agit ne peut à la fois agir et ne pas agir, mais il garde en lui-même le pouvoir de ne pas agir. L'âme, mue par Dieu, ne peut pas ne pas consentir à cette motion, mais dans son fond reste la possibilité de ne pas consentir, dont elle aurait pu user, si elle n’avait pas reçu cette motion. Pour faire comprendre sa thèse, Jansénius comparela liberté à une balance, qui penche toujours du côté des poids les plus lourds, mais qui conserve le pouvoir de pencher d’un autre côté, si le poids le plus lourd est placé de ce côté.

A cette thèse janséniste il faut opposer la doctrine catholique, exposée en particulier par le concile de Trente. Celui-ci, sess. vi, can. 4, 5, 32, a défini que la grâce laisse au libre arbitre sa nature et son essence ; elle le guérit et le fortifie. Or, l’essence de la liberté, même sous l’influence de la grâce, est le pouvoir de vouloir ou de ne pas vouloir, d'être maîtresse de l’action, de choisir entre deux actions simultanément possibles, et de pouvoir, sauf des cas exceptionnels, résister à l’inclination dominante, surmonter les difficultés ou se procurer les moyens de vaincre ces difficultés. Si l’impulsion est insurmontable, si les difficultés sont invincibles ou si l’homme ne peut se procurer les moyens nécessaires pour vaincre ces difficultés, on dit que l’homme n’est pas libre, par rapport à l’action, puisqu’il est forcé de la faire ou de ne pas la faire. Bref, par sa liberté, l’homme, même sous l’influence de la grâce, reste maître de l’action, et, avant l’action, il est libre d’agir ou de ne pas agir. Le concile a certainement voulu définir que, sous la motion divine, le libre arbitre peut user du pouvoir qu’il a de refuser son consentement à la motion.

Mais est-il nécessaire qu’il y ait équilibre et égalité d’inclination et de penchant ? Nullement. Le pélagianisme prétend que le péché originel n’a en rien affaibli le libre arbitre, que la volonté a autant de facilité et d’inclination pour le bien et pour le mal et il ajoute que, par elle-même et sans le secours de la grâce, la volonté a le pouvoir complet de faire le bien même surnaturel. C’est une double erreur condamnée par l'Église.

La nature a été blessée et affaiblie par le péché originel ; elle est ordinairement inclinée au mal ; par conséquent, elle a plus de penchant et de facilité pour le mal ; mais, pour être vraiment libre, il n’est pas nécessaire d’avoir toujours des forces égales, une égale facilité, une égale inclination pour les actes proposés au choix de la volonté. Il suffit que la volonté ait un vrai pouvoir de choisir, un pouvoir

actuel et réel, de sorte qu’elle est vraiment responsable de l’acte choisi, qu’elle est digne d'éloge et de récompense, si elle a choisi le bien, et digne de châtiment, si elle a choisi le mal.

En résumé, en face de la thèse janséniste, condamnée dans les propositions de Quesnel, la doctrine catholique est la suivante : 1. l’homme, par ses seules loues, n’a point, comme le prétend le pélagianisme, une égale inclination pour le bien et pour le mal, car ordinairement il est plus porté au mal. — 2. L’homme, avec la grâce sullisanle, garde encore souvent plus de penchant pour le mal que pour le bien et cette grâce ne replace pas l’homme dans l'état d’Adam innocent. Le libre arbitre a été affaibli, mais non détruit, par le péché originel ; avec cette grâce, l’homme est établi dans un équilibre de pouvoir qui lui permet de faire le bien, s’il le veut vraiment. — 3. Avec cette seule grâce suflisante, l’homme devient-il capable de faire réellement le bien surnaturel, sans avoir besoin d’une autre grâce ? C’est une question controversée. Le molinisme soutient que la volonté humaine, prévenue par cette grâce, peut la transformer en grâce efficace et faire des œuvres surnaturelles. La grâce suffisante est une motion au bien, qui est vraiment capable de faire agir, car cette grâce ne serait pas suffisante, si celui qui la reçoit était incapable, avec son secours, de faire une œuvre surnaturelle. Le thomisme affirme, au contraire, que la volonté humaine ne saurait transformer la grâce suffisante en grâce efficace. Il faut, de plus, une grâce efficace par ellemême, accordée par Dieu à celui qui correspond à la grâce suffisante, et cette grâce efficace laisse la liberté entière ; ainsi le thomisme se distingue essentiellement du jansénisme, qui, au moment où la grâce efficace agit, ne laisse à la volonté humaine qu’un pouvoir de résister, qui ne deviendra réel que lorsque la grâce efficace cessera d’exercer son influence.

26. Nullæ dantur gratiæ 26. Point de grâces que nisi per fidem. par la foi. Luc, viii, 48,

éd. 1693 et 1699.

La foi est la première des vertus théologales, car c’est par elle que nous commençons à approcher de Dieu, mais il y a des lumières surnaturelles, des grâces qui préparent le don de la foi, il est donc faux que la foi soit nécessairement et toujours la première grâce que Dieu accorde aux hommes ; il y a des grâces actuelles prévenantes, nécessaires pour le commencement de la foi, qui disposent l'âme à recevoir ce grand don de la foi ; ces grâces précèdent la foi, par conséquent, ne viennent pas dans l'âme par la foi. Les infidèles peuvent recevoir des grâces, même avant qu’on leur prêche l'Évangile ; ils reçoivent des grâces, quand on leur prêche l'Évangile et ces grâces précèdent la foi claire et distincte en Dieu et en JésusChrist, à savoir celles qui préparent leur âme à recevoir la foi. Toutes les bonnes actions qu’a faites le centurion Corneille, avant d’arriver à la foi, étaient un don de Dieu et supposent des grâces antérieures à la foi.

27. Fides est prima gratia 27. La foi est la première et Ions omnium aliarum. grâce, et la source de toutes

les autres. II Pet., i, 3, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition est fausse, ou du moins équivoque. S’il était vrai que la foi est la première grâce, dans le sens de Quesnel, il faudrait conclure que ceux qui ne croient pas, ne reçoivent aucune grâce pour croire, et, d’autre part, que les dispositions qui précèdent et préparent la foi ne sont pas des grâces.

28. Prima gratia, quam 28. La première grâce que Deus concedit peccatori, est Dieu accorde au pécheur, peccatorum remissio. c’est le pardon de ses péchés. Marc, xi, 25, éd. 1693 et 1699.