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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/291

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UNIGENITUS (BULLE). PROP. 78-82

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n’a que les élus et les saints pour membres. Le fidèle, qui commet un péché grave, ne cesse pas d’être membre de l’Église. On ne cesse d’avoir Dieu pour Père que si on perd la foi et on ne cesse d’avoir Jésus-Christ pour chef qu’en cessant d’être membre de l’Église. Le pécheur n’est plus uni intimement à Dieu et il n’est plus un membre aussi parfait que le juste ; mais il ne cesse pas d’avoir Dieu pour Père et d’être membre de l’Église, dont Jésus-Christ est le chef. Dieu est le père de tous les hommes et particulièrement des fidèles, mais il reste encore le père des pécheurs, et Jésus-Christ a enseigné à tous les hommes sans exception à dire : Notre Père qui êtes aux cieux. Bossuet avait fait supprimer cette proposition de l’édition de 1699.

78. (Separatur quis a 78. Le peuple juif était

populo electo), cujus fuit la figure du peuple élu dont

populus Judaicus ligura, et Jésus-Christ est le chef…

caput est Jésus Christus, On s’en retranche aussi bien

tam non vivendo secundum en ne vivant pas selon

Evangelium, quam non cre-l’Évangile qu’en ne croyant

dendo Evangelio. pas à l’Évangile. Act., iii, 23, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition renferme plusieurs erreurs. Remarquons d’abord que le peuple juif ne fut pas seulement la figure du peuple élu, mais qu’il fut, lui-même, le peuple élu. D’autre part, ne pas vivre selon l’Évangile, c’est-à-dire commettre des péchés, ce n’est point se séparer de l’Église. Si on est retranché de l’Église en ne vivant pas selon l’Évangile (c’est le cas des pécheurs), aussi bien qu’en ne croyant pas à l’Évangile (c’est le cas des infidèles), c’est dire que les pécheurs ne font pas plus partie de l’Église que les infidèles. Cela est faux. Les pécheurs sont séparés de l’Église par l’excommunication et le schisme ou la profession d’une foi autre que la foi chrétienne, mais non point par le péché mortel en lui-même. Quesnel affirme la même erreur, I Joa., iii, 6, lorsqu’il dit : « Par le péché, on s’arrache soi-même du corps de Jésus-Christ et l’on renonce à l’union que nous avons avec lui, comme ses membres. » C’est la doctrine même de Luther condamnée par le concile de Trente.

L’auteur de La constitution Unigenitus avec des remarques, p. 149, prétend que les jésuites ont fait condamner les sept propositions précédentes, parce qu’ils « n’aiment point à entendre parler de la distinction des justes et des pécheurs. Selon leurs principes, aujourd’hui un homme est pécheur, demain il se confesse et le voilà juste. Le même jour, il retombe et devient encore pécheur ; le dimanche suivant, il se confesse, et le voilà encore juste… Pourquoi donc cette distinction des justes et des pécheurs ? Ils aiment mieux n’en faire qu’une classe, puisque ce sont les mêmes hommes qui sont justes et pécheurs, presqu’en même temps… Un juste ne perd pas si aisément la justice, s’il est vraiment juste, et, s’il a le malheur de la perdre, il ne la recouvre pas si aisément ». Il est inutile de faire remarquer ce qu’il y a d’erroné dans cette explication, où l’on trouve les thèses jansénistes sur les délais de la pénitence. La doctrine de l’Église, exposée par le concile de Trente, est plus simple : tous les baptisés sont membres de l’Église, à moins qu’ils n’en soient exclus par l’autorité légitime. Quesnel s’obstine à restreindre l’Église à la société des saints et des élus dont Jésus-Christ est le chef. Dès lors, il n’a point à redouter les condamnations unanimes des papes et des évêques, puisqu’il n’admet que l’assemblée des saints et des élus, dispersée çà et là, et inconnue au moins des hommes. D’ailleurs, il dira (prop. 91) qu’on ne sort point de l’Église, quand on est attaché à Dieu, à Jésus-Christ et à l’Église par la charité, même lorsqu’on en est

banni par la méchanceté

tiennent pas à la véritable

79. Utile et necessarium

est omni tempore, omni

loco et omni personarum ge neri studere et cognoscere

spiritum, pietatem et mys teria sacrse Scripturæ.

80. Lectio sacræ Scriptu ræ est pro omnibus.

des hommes, qui n’appar É^lise.

79. Il est utile et néces saire en tout temps, en

tous lieux, et à toutes sortes de personnes, d’étudier

l’Écriture et d’en connaître

l’esprit, la piété et les mystères. I Cor., xiv, .">, éd. 1693 et 1699.

80. La lecture de l’Écri ture sainte est pour tout le

monde. Act., viii, 23, éd.

1693 et 1699.

Cette double proposition est en opposition avec la pratique de l’Église au cours des siècles, et elle réédite les erreurs de Wiclef, Jean Hus, Luther et Calvin : Quesnel y reprend les thèses d’Arnauld dans son écrit De la lecture de l’Écriture sainte contre les paradoxes de M. Mallet, t. III, c. vin. La lecture de l’Écriture sainte n’est pas utile à toutes sortes de personnes ; elle peut même être pernicieuse à des personnes ignorantes et elle a été l’occasion de plusieurs erreurs ; les hérétiques en ont souvent abusé. Cette lecture n’est point indispensable. Dans l’Ancien Testament, les prêtres avaient la mission d’expliquer l’Écriture au peuple ; Jésus-Christ n’a point donné son Évangile par écrit et ses Apôtres l’ont d’abord annoncé de vive voix ; nulle part, dans la Tradition, il n’est question’de cette lecture comme d’une condition de salut. Les fidèles peuvent connaître la doctrine chrétienne par d’autres moyens, qui sont plus à leur portée (prédication et instruction des pasteurs).

La lecture de l’Écriture est souhaitable pour les personnes capables d’en profiter, mais elle n’est indispensable que pour ceux qui sont chargés d’instruire les fidèles ou de combattre les ennemis de la religion. L’Église a toujours conseillé cette lecture, mais elle exerce sa surveillance, afin d’éviter les abus qu’on en pourrait faire. La bulle Unigenitus confirme cette conduite sage par la condamnation des principes dangereux soutenus par les jansénistes. Il est sage d’interdire cette lecture aux personnes incapables de la comprendre ou mal disposées ; certains livres ou certaines parties de livre ne doivent pas être permis à certaines personnes mal préparées. Pour que cette lecture soit vraiment profitable, il faut apporter une préparation particulière et certaines dispositions.

Si, cette lecture était nécessaire, ou même utile à tous, l’Église n’aurait pu interdire, comme elle l’a fait jadis, de lire la Bible en langue vulgaire. Il est vraiment singulier de dire, avec l’auteur de La constitution, p. 151 : « C’est un artifice des ennemis de l’Église de discréditer malignement cette lecture et de détourner les fidèles de lire les saints Livres, afin d’introduire, par ce moyen, l’ignorance dans l’Église et d’y faire plus facilement recevoir leurs corruptions et leur mauvaise doctrine, qui ne peut subsister avec la connaissance de la religion et de l’Évangile. »

81. Obscuritas sancta 81. L’obscurité sainte de verbi Dei non est laicis ratio la parole de Dieu n’est pas dispensandi seipsos ab ejus aux laïques une raison pour lectione. se dispenser de la lire. Act.,

vin, 31, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition suppose que les laïques sans distinction sont tenus de lire l’Écriture sainte. En fait, les emplois et les occupations des laïques ne leur permettent pas toujours de faire avec profit cette lecture ; ils n’ont pas toujours le temps, ni la préparation suffisante pour pénétrer le sens de l’Écriture.

82. Dies dominicus a 82. Le dimanche doit être christianis débet sanctifi-sanctifié par des lectures de cari lectionibus pietatis et piété et surtout des saintes super omnia sanctarum Écritures. C’est le lait du