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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/295

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UNIGENITUS (BULLE) PROP. 92, 93


déminent nulle ; mais la crainte d’une excommunication dont l’injustice est incertaine doit nous empêcher de remplir des devoirs qui ne sont pas essentiels.

D’une manière générale, on doit craindre et respecter les censures de l’Église, respecter l’autorité des évêques, même quand ceux-ci abusent de leur autorité. Hors les cas d’une excommunication notoirement injuste, les lidèles ne doivent pas se fier à leur propre jugement, pour décider si la censure est juste ou non ; dans le doute, la présomption est toujours en faveur de l’autorité. Un fidèle n’a pas le droit de se révolter contre une censure même injuste, sous prétexte de remplir un devoir prescrit par l’autorité ecclésiastique (pour un laïc, faire ses pàques ; pour un prêtre, célébrer la messe), lorsque cela est interdit par l’autorité légitime, mais il a le droit de faire connaître son cas, afin d’arriver à faire constater l’injustice de la censure.

La proposition de Quesnel n’est pas seulement fausse dans sa généralité, elle est encore très dangereuse en pratique, car elle fait le fidèle juge de la justice ou de l’injustice de l’excommunication ; on regardera comme injuste la censure qui déplaît ; des particuliers, par ignorance, par entêtement, par passion, seront amenés à déclarer injustes les censures dont on les menace et ainsi à mépriser les censures des supérieurs et à faire des actes défendus, sous prétexte que la défense n’est pas raisonnable.

D’ailleurs, Quesnel a encore aggravé sa doctrine, dont le but est de minimiser les censures de l’Église, qu’il déclare injustes, dès quelles atteignent ses partisans : les chrétiens injustement excommuniés ont la consolation qu’ils n’en sont que plus intimement et plus fortement unis et attachés à l’Église. « Ceux qui séparent d’eux des gens de bien par une excommunication très injuste, s’excommunient eux-mêmes, en se séparant de la communion des saints, et les unissent davantage à Jésus-Christ, en les rendant conformes à lui. » Joa., ix, 34.

La doctrine de l’Église est bien plus raisonnable : une personne excommuniée injustement, n’est pas intérieurement séparée de l’Église… ; mais elle est obligée, par le respect qu’elle doit aux censures de l’Église et pour éviter le scandale, de se comporter extérieurement comme si elle était véritablement excommuniée, à moins que l’excommunication ne soit manifestement injuste et nulle, et qu’elle puisse être négligée sans scandale. Dans aucun cas, la personne excommuniée ne peut décider elle-même que l’excommunication est injuste, et l’inférieur ne saurait être juge de la justice d’une censure ; la présomption est toujours en faveur du supérieur.

92. C’est imiter saint Paul

92. Potius pati in pace

excommunicationem et ana thema injustum, quam pro dere veritatem, est imitari

sanctum Paulum : tantum

abest, ut sit erigere se

contra auctoritatem aut

scindere unitatem.

que de souffrir en paix l’ex communication et l’ana thème injuste, plutôt que

de trahir la vérité, loin de

s’élever contre l’autorité,

ou de rompre l’unité. Rom.,

ix, 3, éd. 1693 et 1699.

Le principal vice de cette proposition est d’inspirer pour les censures de l’Église une indifférence qui va jusqu’au mépris et de supposer un cas qui ne peut se produire sans compromettre l’infaillibilité de l’Église, à savoir qu’en ce qui concerne la foi et la vérité, le fidèle peut se trouver sans défense, dans l’Église, contre une excommunication injuste et, par conséquent, se trouver dans la nécessité de la souffrir en paix. D’autre part, la maxime est fausse et pernicieuse en elle-même, car elle affirme, sans distinction et sans nuance, qu’on doit souffrir en paix toute excommunication injuste. Or, saint Thomas dit avec raison qu’en ce cas, on doit ou bien obéir à la sentence avec

humilité — et cela est fort méritoire — ou bien demander l’absolution à celui qui a porté la sentence, ou bien recourir à un juge supérieur pour faire réformer la sentence injuste. Se voir privé des sacrements, sans essayer de se justifier et laisser ainsi subsister le scandale, sans rien faire pour le faire cesser, n’est-ce pas encourir le reproche du concile de Trente (sess. xxv, c. iii, De reform.) qui recommande de procéder contre celui qui reste tranquillement, pendant un an, sous l’excommunication, comme on procède contre un homme suspect d’hérésie ?

Quesnel conseille de souffrir plutôt que de « trahir la vérité », mais c’est qu’il s’agit dans ce cas, d’une question de doctrine, et le cas paraît tout à fait impossible, où l’on se trouve dans l’alternative de souffrir une excommunication injuste ou de trahir la vérité, car dans les causes personnelles il ne s’agit pas de trahir la vérité ou de rompre l’unité. Pour comprendre ces expressions, il faut se rappeler que, pour Quesnel, « trahir la vérité », c’est sans doute condamner le jansénisme qui est « la vérité ». Au fond, Quesnel veut dire : il faut vivre en paix et ne rien faire pour être absous d’une excommunication qu’on déclare injuste, afin de ne pas condamner la doctrine janséniste.

Dans la lettre écrite le 5 février 1714 aux prélats absents de Paris pour les engager à publier un mandement uniforme, le cardinal de Rohan met ce point en relief : « On conseille à ces enfants rebelles de ne pas appréhender les excommunications et de persister dans leur désobéissance. On ne parle sur cela que de persécutions, d’injustice, d’entêtement, d’obstination de la part des pasteurs… C’est la vérité qui est persécutée dans la personne de ses prédicateurs et de ses disciples. On ose donner ce nom à ceux que l’Église juge dignes de ses censures, pour ne vouloir pas obéir à ses décisions et ce qu’elle a si justement ordonné contre eux par la signature du Formulaire, c’est ce qu’on appelle dominer sur la foi des fidèles, multiplier les occasions de parjures, dresser des pièges aux fidèles et aux ignorants, être contraires à l’esprit de Dieu et à la doctrine de Jésus-Christ… Étranges excès. »

93. Jésus quandoque sanat

quæ pneceps primorum pas torum festinatio infligit sine

ipsius mandato ; Jésus res tituit quod ipsi inconside rato zelo rescindunt.

93. Jésus guérit quelque fois les blessures que la pré cipitation des premiers pas teurs fait sans son ordre. Il

rétablit ce qu’ils retranchent

par un zèle inconsidéré.

Joa., xviii, 11, éd. 1693 et

1699.

Le but évident de cette proposition est de critiquer la conduite de l’Église et des pasteurs. Il peut arriver que des pasteurs retranchent injustement du corps de l’Église des fidèles qui ne le méritent pas. À ces membres ainsi injustement excommuniés, Jésus-Christ accorde des grâces intérieures, car ils font toujours partie de l’âme de l’Église, mais, pour que le fidèle excommunié puisse être de nouveau incorporé, le ministère extérieur et visible de l’Église est nécessaire. Il est donc faux que, par lui-même et sans le ministère de l’Église, Jésus-Christ guérisse les blessures faites injustement par les premiers pasteurs : il faut l’intervention de l’Église visible, bien que Jésus n’approuve point la précipitation et le zèle inconsidéré des pasteurs. Bref, ou bien l’excommunication est nulle ; dans ce cas, il n’y a pas de blessure. Ou bien l’excommunication est douteuse, et l’excommunié ne peut être rétabli dans la société extérieure et réincorporé, sans l’intervention des premiers pasteurs.

La proposition de Quesnel est téméraire et injurieuse, car elle accuse l’Église d’un zèle intempestif et elle encourage les fidèles à se faire les juges des sentences de l’Église et à mépriser les excommuni-