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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/301

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UNIGENITUS (BULLE). AGITATION SUBSÉQUENTE


et ils ne devaient se laisser abattre ni par la multitude des ennemis qui combattaient la vérité, ni par le petit nombre de ceux qui avaient le courage de se déclarer pour elle.

En présence d’une telle division, une assemblée extraordinaire du clergé fut convoquée en 1720. après la disgrâce du duc de Bourbon, le Il mars 1727 et la nomination de l’évêque de Fréjus, Fleury, comme ministre d’État. Dans une lettre au roi, en date du 18 novembre 1726, l’assemblée soulignait les injures faites à l’Église par les libelles qui attaquaient la constitution Unigenitus, les droits de l’Église et des évêques et semaient les divisions dans le clergé. La lettre demandait la suppression des écrits qui soufflaient l’esprit de révolte dans les communautés et les séminaires et demandait la convocation de conciles provinciaux. « Ce moyen, disaient les évêques, nous fournirait peut-être la consolation de réunir à l’unanimité quelques-uns de nos confrères qui s’en sont éloignés, de leur faire connaître combien leur résistance à la bulle est condamnable. »

L’Instruction pastorale de l’évêque de Senez avait provoqué un véritable scandale. Son métropolitain, l’archevêque d’Embrun, Guérin deTencin, obtint du roi la permission de réunir le concile provincial pour juger ce prélat. Voir ici l’art. Soanen, t. xiv, col. 2263 sq. Dans la lettre de convocation, l’archevêque indiquait le motif de cette assemblée : « Arracher l’ivraie qui avait pu être semée dans le champ du père de famille, examiner et régler ce qui serait jugé nécessaire pour conserver intact le dépôt de la foi, pour corriger les abus afin que, si quelque chose avait été attenté contre l’obéissance due à la foi catholique, on réprimât l’obstination des réfractaires. » Il s’agissait évidemment de l’évêque de Senez. Le janséniste Boursier lit un mémoire, qui fut signé de vingt avocats du Parlement de Paris pour justifier l’appel au futur concile œcuménique et déclarer que V Instruction pastorale du 28 août ne pouvait fournir un prétexte à un jugement. L’évêque de Senez se rendit au concile, mais il déclara qu’il ne pouvait reconnaître le concile particulier d’Embrun comme juge compétent dans une matière dont le tribunal de l’Église universelle était saisi par l’appel qu’il avait interjeté en 1717, de concert avec plusieurs de ses collègues et la faculté de théologie de Paris, par un seul et même acte indivisible. Le concile s’ouvrit le 16 août, et, dès le 18, le promoteur dénonça V Instruction de Soanen et demanda que l’évêque fût mis en demeure de condamner et de rétracter cette Instruction. Soanen récusa ses juges et les déclara incompétents. Il protesta de nullité « contre tout ce qui avait été fait ou pourrait être fait dans la suite et il fit appel des jugements qui seraient portés contre lui, à cause des nullités, abus et injustices qu’ils renfermaient ». Le 27 août, l’évêque de Senez envoya à tous les évêques du royaume une lettre circulaire de protestation, où il signalait quatorze griefs principaux. Comme pour juger un évêque, il fallait un certain nombre de juges, des évêques voisins de la province furent convoqués et la réunion générale du 9 septembre commença à examiner l’Instruction pastorale du 28 août. Soanen récusa les évêques des provinces voisines, mais le 21 septembre, le concile condamna V Instruction comme « téméraire scandaleuse, séditieuse, injurieuse à l’Église, aux évêques et à l’autorité royale, schismatique, remplie d’un esprit hérétique, pleine d’erreurs et favorisant les hérésies, surtout en ce qu’elle s’oppose à la signature pure et simple du Formulaire d’Alexandre VII, en ce qu’elle affirme de faux et d’injurieux à la bulle Unigenitus qu’elle accuse de détruire le dogme, la morale, la discipline et la hiérarchie, en ce qu’elle permet et conseille la lecture du livre des Réflexions

morales de Quesnel, en ce qu’elle exhorte ceux qui pourraient être inquiétés après sa mort à ne pas s’éloigner des principes exprimés », À l’unanimité, le concile déclara l’évêque de Sciiez suspens de toute juridiction épiscopale et de l’exercice de la puissance épiscopale et sacerdotale ». Le concile fit connaître ces décisions aux évêques du royaume et nomma un vicaire général, l’abbé de Saléon, et un promoteur, l’abbé Allard, pour gouverner le diocèse de Senez. Le 2 octobre, Soanen reçut une lettre de cachet, datée du 30 septembre et l’exilant à la Chaise-Dieu, à vingt lieues de Lyon. Les amis de Soanen s’élevèrent contre ce qu’ils appellèrent le « conciliabule » ou le « brigandage » d’Embrun ; ils espéraient que le pape n’approuverait pas le concile, car la déposition d’un évêque était une cause majeure réservée au souverain pontife, mais Benoît XIII, par un bref du 13 décembre, confirma les décrets du concile. Un arrêt du Conseil d’État du 10 janvier 1728 affecta le tiers des revenus du diocèse de Senez au grand vicaire et à l’official désignés par le concile, et ainsi les cours de Rome et de Paris étaient pleinement d’accord.

La sentence du concile d’Embrun eut des conséquences inattendues. L’intervention très active des avocats du Parlement de Paris contribua à envenimer les discussions : le parti anticonstitutionnaire s’identifia de plus en plus avec le gallicanisme parlementaire : il groupa autour de lui les mécontents de tous les partis et devint une coterie politique ; les préoccupations relatives à la théologie de la grâce seront de plus en plus reléguées à l’arrière-plan, ce qui se manifestera, ce sera surtout l’opposition aux maximes de la Cour de Rome, au nom des maximes et des libertés de l’Église gallicane. Cinquante avocats de Paris donnèrent, le 30 octobre 1727, une Consultation au sujet du jugement rendu à Embrun contre l’évêque de Senez. C’est un véritable réquisitoire contre la bulle et contre la Cour de Rome, contre la politique du cardinal de Fleury et contre le concile d’Embrun. Du point de vue de la forme, ce concile « est un tissu d’irrégularités dont il n’y a pas d’exemple dans l’antiquité ». Il est incompétent « eu égard à la qualité des matières et à l’appel interjeté à l’Église universelle et le corps du délit imputé à l’évêque de Senez est inexistant ». Les jansénistes criaient partout ; l’évêque de Montpellier envoyait une lettre aux cardinaux, archevêques et évêques et une lettre au roi pour protester. La première était signée de douze prélats, en tête desquels était le cardinal de Noailles ; le 16 mars, paraissait une lettre de trente curés de la ville, faubourgs et banlieue de Paris à S. Ém. le cardinal de Noailles pour le féliciter et exprimer leur joie de voir les évêques se dresser contre le concile. Le roi renvoya la lettre des douze prélats et le ministre Maurepas exprima le mécontentement du roi. Des prélats se réunirent à Paris autour du cardinal de Rohan pour critiquer et condamner la Consultation des avocats et la lettre des douze prélats ; la lettre rédigée par Rohan fut signée par trois cardinaux, cinq archevêques, dix-huit évêques et cinq prélats non encore sacrés. La Consultation fut aussi vivement critiquée dans les Cinq Lettres d’un avocat de province à M. Aubry, avocat au Parlement de Paris. Le 14 mai, une lettre signée de neuf évêques s’opposait à l’enregistrement de tout ce qui confirmerait le concile d’Embrun, en particulier le bref du 17 décembre 1727. Noailles avait signé cette dernière lettre, mais il se rétracta.

Fleury travaillait alors à détacher Noailles du groupe des appelants ; il écrivait à Rome et s’efforçait de répondre aux objections qu’on lui faisait. Il finit par obtenir, de Noailles, à la date du Il octobre 1728, un mandement d’acceptation pure et simple. Cette