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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/306

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UNIGENITUS. LITTERATURE AUTOUR DE LA RULLE


a d’ailleurs tenu compte de la doctrine que l’auteur avait déjà soutenue dans d’autres écrits. On peut contester la pensée de Petitpied : « Il n’est pas permis d’attribuer un mauvais sens à des expressions et à des textes qui se trouvent autorisés par l’usage des Docteurs de l’Église et de ceux qui ont écrit des matières de piété. » Le sens des termes n’est pas fixé, une fois pour toutes, par l’usage des Pères et des théologiens qui les ont suivis, car le sens peut varier d’après le contexte, d’après l’auteur, d’après les temps et les circonstances, et, par suite, les mêmes expressions peuvent n’avoir pas toujours et partout le même sens.

/II. les Mémoires de QUESNEL. — L’auteur du livre des Réflexions, pour justifier son livre et faire sa propre apologie, publia sept mémoires. Avant de discuter en détail chacune des propositions condamnées, Quesnel expose, dans les Avertissements qui précèdent les deux premiers mémoires, les principes généraux de sa défense et il les oppose à la bulle et à l’Instruction pastorale de l’assemblée du clergé de 1714, qui accepta la bulle. On a mal interprété sa pensée et surtout on a faussé le sens des propositions ; on a fait violence aux paroles, au lieu de les prendre dans leur sens naturel. Il avoue que parfois il a employé des termes peu clairs et pas assez précis, mais cela tient à la nature de l’ouvrage, où il devait être bref. « Les censures, dit-il, viennent ou de ce que les censeurs sont imbus de sentiments nouveaux, ou de ce que, faute de lumière et de capacité, ils auront tiré de plusieurs propositions des conséquences erronées, qu’ils auront imputées à l’auteur sans aucun fondement. » En tête du second mémoire, il se plaint de ce qu’on ne l’ait pas entendu et qu’on n’ait pas tenu compte de la lettre qu’il a écrite le 5 février 1714 ; il s’élève contre l’Instruction pastorale des quarante prélats qui souscrivent à toutes les qualifications de la constitution et approuvent « toutes les injures et calomnies horribles que la constitution contient contre lui, comme auteur de ce livre ».

C’est pourquoi il ne peut se soumettre à la censure qui le frappe, même, comme on le dit, pour éviter le scandale et pour édifier les fidèles. « Comment pourrais-je édifier l’Église, en consentant à la destruction d’une partie de la foi et de plusieurs vérités auxquelles la constitution porte un grand préjudice ? » Il s’appuie sur la lettre des neuf évêques qui se sont opposés à l’Instruction des quarante et qui ont écrit « qu’ils croiraient abandonner la vérité, les droits de l’épiscopat, les maximes du royaume et ne donner à l’Église qu’une paix fausse et dangereuse, s’ils acceptaient la constitution, même avec les explications et les Actes de l’assemblée ».

IV. LES ÉCRITS JANSÉNISTES.

Il ne faut pas snniicr à analyser les innombrables écrits jansénistes qui ont attaqué la bulle, et dont on trouvera la liste. Incomplète, à la suite de cet article. D’ailleurs, ce sont toujours les mêmes "objections, qu’on trouve résumées dans le petit écrit intitulé : Jésus-Christ sans l’ana thème. Quesnel n’a pas été entendu ; toutes les règles du jugement ont été violées et tout s’y est fait par cabale, par intrigue et par violence, sans liberté ris unanimité. On ne peut se soumettre à un pareil jugement… « Comme Caïphe condamna.lésus, ainsi la constitution a condamné la vérité… Il finit méditer le procès de.lésus. qui est condamné dans ses membres pai la constitution Unigenitus. Plutôi mourir sans sacrement que d’accepter une pareille

illjllSl il

Les adversaires de la bulle, des le lendemain de la publication, se partagèrent en trois groupes. Les plus Bl h. unes soutiennent que la bulle est mauvaise en soi

et qu’on ne peut donc la recevoir, sous quelque

forme que ce soit, même avec des explications. D’autres, plus modérés, lui reprochent d’être obscure et ambiguë, donc susceptible de divers sens et par suite, on ne peut l’accepter qu’avec des explications préalables. D’autres, enfin, sans examiner son contenu, la déclarent nulle et non avenue, parce qu’elle ne présente pas les conditions requises pour la validité d’un jugement de l’Église. En effet, les décrets des papes sur des points contestés ne s’imposent aux fidèles que lorsqu’ils sont acceptés unanimement par l’Église, car une décision ne devient infaillible et irréformable que lorsqu’elle est reçue de tous les fidèles, ou au moins de tous les pasteurs du premier et même du second rang. On retrouve ici toutes les thèses du gallicanisme outrancier et du richérisme presbytérien.

Pour bien connaître la mentalité des amis et défenseurs de Quesnel, il faut dégager et discuter les principales objections soulevées contre la bulle qui condamnait le livre de Quesnel. On les trouve presque toutes dans Y Instruction pastorale publiée par le cardinal de Noailles, le 14 janvier 1719. On peut les diviser en deux groupes : 1. les objections tirées du contenu de la bulle prise en elle-même et de l’examen des propositions ; 2. les objections tirées des conditions dans lesquelles la bulle fut dressée, promulguée et reçue.

1° Objections tirées du contenu de la bulle et de l’examen des propositions condamnées. — 1. Propositions vraies condamnées. — La bulle condamne de nombreuses proposition qui sont vraies en elles-mêmes, si on les prend dans leur sens le plus naturel, ou dont le sens, s’il paraît défectueux, est corrigé par d’autres propositions qui énoncent l’exacte vérité, des propositions qui, si elles ne sont pas rigoureusement exactes, sont expliquées par le contexte, des propositions qui pourraient être aisément interprétées dans un sens pleinement catholique. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un livre dans lequel on se propose d’édifier le lecteur ; il n’est donc pas question de discuter et d’apporter, à chaque instant, des preuves rigoureuses que le lecteur ne comprendrait pas. Bref, les propositions ont été examinées avec malveillance, isolées du contexte et jugées sans tenir compte du but poursuivi par l’auteur. » On se fatigue à chercher le marnais sens de quelques propositions condamnées » ; ainsi pourquoi la proposition suivante a-t-elle été condamnée : Jésus-Christ est mort pour les élus ? Sans aller jusqu’à dire, comme certains, qne les cent une propositions condamnées énoncent, en fait, cent une vérités, cependant un esprit impartial doit se demander pourquoi telle et telle proposition est condamnée. Aussi on ne saurait accepter la bulle, même avec des explications, car il ne peut y avoir d’explication raisonnable et digne de l’Eglise, pour un grand nombre de propositions condamnées parce que ces propositions sont en elles-mêmes et dans leur sens naturel, i igoureusernent vraies.

Les jansénistes oublient les règles de logique, posées dans un ouvrage qui doit leur être cher, L’art de penser ou La Logique de Port-Royal <, ’! partie, c. x) : « les propositions indéfinies sont universelles, car elles n’indiquent aucune exception, > Or, beaucoup, parmi les propositions condamnées, ont ce caractère d’universalité, qui les rend équivoques en elles-mêmes, et. par conséquent condamnables. Ainsi la proposition JéSUS-Christ est mort pour les élus est vraie en elle-même et cependant condamnable, car elle insinue nettement que Jésus-Christ est mort pour les siuls élus. En effet, ne parler quc des élus, lorsqu’on indique

le but et la fin de l.i mort de Jésus-Christ, c’est évi

demment suggérer que les autres hommes n’ont eu

aucune part à la rédemption.