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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/310

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UNIGENJTUS. LITTERATURE AUTOUR DE LA BULLE


valeur d’une décision de l’Église, c’est la décision elle-même, appuyée sur les promesses divines, et non point les motifs et les procédés qui ont précédé l’acceptation. « Le consentement général des évêques unis au pape couvre, en quelque sorte, écrit Nicole, tout ce qui pourrait s’être glissé d’humain dans le procédé et ne laisse voir que la voix de Dieu, manifestée par le commun consentement de ceux avec qui Jésus-Christ a promis d’être, tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles. » Pour connaître la vérité d’une manière certaine, Dieu a donné un moyen infaillible, c’est l’autorité de l’Église, laquelle, en vertu des promesses de Jésus-Christ, réside dans le corps des pasteurs unis au pape.

Les jansénistes renouvelèrent souvent et longtemps cette objection contre la bulle. Dans son Instruction pastorale de juillet 1729, l’archevêque d’Embrun, Guérin de Tencin, fit, au sujet de cette question délicate de l’examen préalable à l’acceptation d’une décision de Rome, des remarques qu’il est intéressant de noter pour cette époque, où l’infaillibilité du pape en matière de dogme, admise par un grand nombre d’évêques comme opinion personnelle, n’était pas encore définie.

C’est la décision extérieure de l’Église qui est la règle de foi, car c’est la seule que tous les fidèles peuvent connaître et qu’ils sont assurés de connaître ; c’est la seule qui soit à la portée de tous les fidèles, ignorants et savants. Les fidèles, en effet, ne peuvent savoir si les évêques ont prié auparavant, s’ils ont examiné en détail ou constaté que la décision est conforme à la vraie doctrine… Les évêques pèchent gravement, s’ils négligent leurs obligations personnelles, mais leur jugement sera valide, il sera infaillible, parce qu’il forme une décision extérieure, comme le prêtre serait coupable, s’il est pécheur, quand il administre un sacrement, mais le sacrement est valide. La fidélité des évêques à remplir leurs obligations personnelles est étrangère à l’infaillibilité de leurs jugements, dont la force est uniquement fondée sur les promesses de Jésus-Christ. L’examen n’est donc pas nécessaire pour la validité de l’acceptation.

Les promesses d’infaillibilité ne sont pas attachées à la science, à l’examen, ni même à la probité et à la droiture des évêques ; ces promesses seraient tout à fait vaines, si, avant d’accepter une décision de l’Église, les fidèles devaient examiner, pour arriver à la certitude, que toutes les conditions ont été réalisées. Les décisions seraient interminables et les fidèles seraient ainsi amenés à se faire les juges des décisions de l’Église. Les infirmités, les faiblesses, les défauts des évêques seraient un motif de rejeter les décisions prises et les novateurs pourraient toujours trouver des prétextes pour dire que les évêques qui les ont condamnés manquaient de compétence, de droiture, de Jugement. L’autorité des pasteurs serait nulle, si chacun avait le droit de juger leur jugement et de ne se soumettre à leur décision qu’autant qu’ils les aurait personnellement trouvés d’accord avec la doctrine de l’Église. Ce serait le libre examen des particuliers qui déciderait si le jugement des évêques est valable.

l’.ref. l’autorité infaillible de l’Église se manifeste flans le consentement commun, de quelque manière que ce consentement ail été donné, soit en concile, soit hors des conciles. C’est le concert des évêques unis au pape qui est la règle de la croyance, Indépendantdes motifs que les évêques ont pu avoir d’y adhérer.

.’!. P<is d’unanimité réelle, ni même possible, dans

tptalion. — La bulle n’a été réellement acceptée

ni par les évêques français qui l’ont signée, ni par

le » évêques étrangers dont on a publié les témoignages.

L’unanimité n’e » 1 qu’apparente. Dans cette bulle,

il s’agit d’un grand nombre de propositions qui intéressent soit le dogme, soit la morale, soit la discipline, et il n’y a pas accord sur le caractère de cette bulle : pour les uns, c’est une pure loi de discipline, pour les autres, c’est un jugement dogmatique ; pour les uns, c’est une censure du sens propre naturel et littéral des propositions, pour les autres, il s’agit d’un sens plus éloigné qui n’est peut-être pas le sens de l’auteur et le sens du livre d’où les propositions sont tirées ; pour les uns, ce ne peut être une règle de foi, car la bulle n’indique ni les vérités qu’elle veut enseigner, ni les erreurs qu’elle veut condamner, pour d’autres, c’est une espèce de jugement ecclésiastique qui ne fixe rien sur la doctrine elle-même et qui oblige simplement les fidèles à condamner toutes et chacune des propositions, comme méritant une ou plusieurs des qualifications marquées à la fin de la bulle. Bref, c’est un document qu’on ne saurait ni définir ni classer d’une manière précise ; aussi la plupart de ceux qui reçoivent la bulle ne conviennent entre eux, ni de sa nature, ni de ses effets, ni de l’obligation qu’elle impose aux fidèles. Il n’y a donc aucune unanimité réelle entre les évêques acceptants.

Bien plus, les propositions étant condamnées en bloc, sans aucune qualification, toute unanimité dans l’acceptation est impossible. Les évêques ne peuvent pas être d’accord sur le sens des propositions condamnées ; ils ne peuvent pas être d’accord sur la note qui convient à chaque proposition ; ils ne peuvent porter un jugement uniforme, qui seul pourrait aboutir à une unanimité réelle. Il n’y a aucune unanimité réelle entre le pape et les évêques acceptants, comme entre les évêques acceptants eux-mêmes. Aussi, les évêques, pour accepter la bulle, ont rédigé un mandement, afin d’expliquer celle-ci et d’attacher un sens précis à des expressions qu’ils ne voulaient pas accepter purement et simplement sous la forme que leur donne la constitution, laquelle reste obscure en elle-même. Ils ont accepté avec des réserves qui ne sont pas toujours les mêmes. Les raisons qui ont motivé l’acceptation sont aussi très diverses : infaillibilité du pape qui a condamné les propositions, obéissance et soumission aux décrets du Saint-Siège, peur du jansénisme et crainte d’un schisme, désir de la paix et espoir d’un accommodement.

La diversité des motifs d’acceptation conduit à des interprétations différentes du sens des propositions, entraîne la diversité des formes d’acceptation et rend impossible toute véritable unanimité. Ainsi, dix-huit évêques, presque tous acceptants, écrivirent, en janvier 1716, au régent : « On remarque une si grande variété dans la manière de recevoir la bulle qu’il ne paraît point encore de règle fixe et certaine qui puisse réunir les esprits et calmer les consciences, d El le cardinal de Noailles, dans son mandement du 14 janvier 1719, écrit : « On peut légitimement douter que les évêques soient d’accord et aient prononcé sur les cent une propositions un même jugement avec le pape, c’est-à-dire, un jugement qui ail une conformité réelle et véritable, quant au sens, avec la décision de Sa Sainteté. »

On retrouve ces objections dans la plupart des écrits contre la bulle, en particulier, dans l’ouvrage intitulé : Mémoire où l’on examine si la bulle de, V. S. P. le pape Clément XI, qui commence par ces mois. Uni’genilus, est acceptée dans l’Église d’un consentement vraiment unanime, s. 1., 1711. Les acceptants ont fait des réponses qu’il est bon de noter, même aujourd’hui que la définition de l’infaillibilité pontificale leur a fait perdre une partie de leur valeur, l’ouï’qu’il y ait unanimité vraie, il snllit que les évêques nient accepté la condamnation, telle qu’elle est. s ; ms y rien ajouter, sans y rien retrancher ; les évêques