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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/374

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URBAIN II

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désigné. Cette annonce souleva dans l’assistance un vif enthousiasme. Sur l’heure même, imitant le geste de l’évêque du Puy, Adhémar de Monteil, beaucoup des chevaliers présents s’engagèrent par vœu à faire partie de l’expédition et commencèrent à coudre des croix sur leur épaule droite. Le succès de l’appel pontifical devait se développer dans les mois qui suivirent.

Dès le début Urbain entendit bien assurer lui-même la bonne marche de l’entreprise, dont on n’avait pas, dans l’enthousiasme du début, pesé toutes les difficultés. Le 28 novembre, il désignait comme son représentant à la tête de l’armée qu’il s’agissait de former, l’évêque Adhémar de Monteil. Ce serait à l’Assomption de 1096 que l’on s’ébranlerait du Puy dans la direction de Constantinople. Des avantages d’ordre spirituel et temporel étaient accordés à ceux qui prendraient part à l’expédition : le plus considérable était à coup sûr l’indulgence plénière promise aux « pèlerins ».

Nous n’avons pas à suivre ici les péripéties diverses de la première croisade : l’enthousiasme naïf de la croisade populaire, qui devait aboutir à un désastre complet ; les préparatifs fort sérieux de la croisade des barons avec ses quatre armées qui, au cours de 1097, exécutèrent leur jonction sous les murs de Constantinople ; l’accueil plus que froid que reçut dans la capitale cette troupe de libérateurs ; les conflits surgissant aussitôt entre le basileus et les chefs des croisés ; la continuation pénible à travers l’Anatolie. de la marche sur Jérusalem ; les séparations qui, dès l’arrivée en Syrie, amenèrent certains chefs à se tailler immédiatement des souverainetés ; le long arrêt sous les murs d’Antioche (octobre 1097-juin 1098) auquel ne survécut pas longtemps le légat Adhémar de Monteil ; la débandade presque générale qui suivit cette mort ; le remplacement d’Adhémar par Daimbert, archevêque de Pise, qui ne put partir qu’au début de 1099 ; enfin, après tous ces retards, l’arrivée de l’armée chrétienne en vue de Jérusalem et l’assaut victorieux donné presque immédiatement à la ville sainte, 15 juillet 1099. Cet immense succès, Urbain II ne put l’apprendre, puisqu’il mourait quinze jours plus tard, le 29 juillet. Nous n’avons pas à raconter non plus, puisque ces événements débordent le pontificat d’Urbain, l’organisation civile, politique, militaire, religieuse, qui va être instaurée dans les pays de Syrie et de Palestine. Faisons seulement remarquer que, s’il avait escompté la création sur le littoral syrien d’un grand État vassal, le Saint-Siège en fut pour ses espérances. Ce à quoi l’on assista ce fut à la naissance de quatre petites souverainetés, qui ne relevèrent d’aucune puissance supérieure. Si, sa vie durant, le premier chef île Jérusalem, Godefroy de Bouillon, se contenta du titre d’avoué du Saint-Sépulcre, son frère Beaudoin, qui lui succéda, prit ouvertement le titre de roi, et ceci en dépit des efforts du légat Daimbert qui, à la mort de Godefroy, aurait voulu transformer le nouvel Étal en État ecclésiastique.

Plus intéressant serait-il de marquer les conséquences que put avoir l’expédition au point de vue des rapports entre les deux Églises grecque et latine. Il ne faut pas hésiter a reconnaître que ces eonsé quences furent néfastes. Loin de voir dans l’armée îles barons latins un secours contre les Turcs, le basileus. non sans raison peut Être, ne la considéra guère que comme Un ClOUVe ! ennemi. Le passage des croisés à Constantinople amena de part et d’autre des froissements, (les incompréhensions, des méfiances qui devaient être durables. Lue fois que furent organisés par les lalins les États de Syrie et de Palestine, l’antagonisme persévéra entre ceux <i et l’Empire byzan

tin. Cet antagonisme politique, bientôt exacerbé par les ambitions de Bohémond de Tarente, devenu prince d’Antioche, se doubla vite d’un antagonisme religieux. Incapable de concevoir une Église grecque conservant, dans la soumission à Rome, ses rites, son droit, ses usages, les Occidentaux latinisèrent à outrance, substituant, partout où ils le pouvaient, la hiérarchie, les coutumes, le droit de leur Église à ceux de l’Église grecque. En définitive la croisade eut pour résultat d’accentuer le divorce religieux entre les deux moitiés de la chrétienté.

Pourtant le concile rassemblé à Bari, en octobre 1098, où se groupèrent sous la présidence d’L’rbain II, cent quatre-vingt-cinq évêques, tant grecs que latins de l’Italie méridionale, et qui devait régler la situation religieuse des nouveaux États normands, avait montré qu’une entente entre les Églises n’était pas impossible. Les grecs furent amenés à poser plusieurs questions sur la foi, tout spécialement sur le Filioquc. Anselme de Cantorbéry, qui accompagnait Urbain, intervint avec chaleur pour défendre la procession du Saint-Esprit ab utroque et les grecs se rallièrent à sa thèse. Cf. JafTé, Regesta, p. 694. Ce ne fut là, malheureusement, qu’un succès local et partiel, sans conséquences d’ordre général.

IV. La réforme dp ; l’Église. — Toutes les préoccupations politiques que nous venons de dire ne détournèrent jamais Urbain II de la grande pensée de la réforme ecclésiastique. Au lendemain de son couronnement il s’était posé en continuateur de Grégoire VII ; son pontificat verrait, dans ce domaine, des réalisations que le premier protagoniste de cette réforme n’avait pu qu’entrevoir. Toutefois — et le plus récent historien d’Urbain II l’a fait remarquer avec beaucoup de justesse — il faut distinguer comme deux temps dans l’action pontificale. Au début de son règne, Urbain, préoccupé avant tout d’affermir son autorité et de vaincre Henri IV et son antipape, sait ménager les personnalités ecclésiastiques ou laïques que des gestes intransigeants risqueraient de rejeter du côté des sehismatiques. C’est seulement quand le triomphe lui paraît assuré qu’il applique, dans toute son ampleur et toute sa rigidité, le plan de réforme établi par son grand prédécesseur.

Les débuts du pontificat.

Les premiers actes

d’Urbain ne sauraient laisser de doute sur sa volonté de réaliser la réforme. Le concile qui se tint à Melfl en septembre 1089 promulgue à nouveau les [joints les plus importants du programme grégorien : la simonie, le nicolaïsme, l’investiture laïque y sont une fois de plus condamnés ; des mesures précises sont édictées pour l’admission des clercs au sous-diaconat (il ne pourra être conféré avant quinze ans), et la réception de cet ordre interdira le droit à user du mariage contracté antérieurement. Les fils des prêtres seront écartés des fonctions sacrées. Le trafic des biens ecclésiastiques, à plus forte raison celui des choses saintes, est réprimé avec beaucoup de minutie. L’intrusion des laïques dans les nominations ecclésiastiques est interdite. Voir rémunération des divers articles dans Jalïé. Regesta, p. 061.

Et néanmoins il semble qu’à la tension qui avait régné aux dernières années de Grégoire Y 1 1 succède plus de sérénité et île calme. On sait que, sous le pontifical précédent, le collège cardinalice et il s’en était plaint a diverses reprises avait perdu a peu

près toute influence sur la marche des affaires ecclésiastiques. Désonnais une place plus grande lui scia faite dans le gou erneinent de l’Église. Cf. JafTé,

n. 5411, 5449. Les évéques, au temps de Grégoire VII, avaient été un peu trop considérés comme des fonctionnaires pontificaux, dépendant étroitement de la Curie, surveillés de 1res pies, tracassés parfois par