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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/407

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USUHK. L’ÉPOQUE CLASSIQUE, LES SOl’KCKS


1270), de Jean André (Novella, vers 1340), de Zabarclla et d’Antoine de Butrio (vers 1400), de Panormitanus († 1453). Cf. A. van Hove, Prolegomena in Codicem…, Malines-Roine, 1928.

La statistique des Quiestiones, des Repetitiones et des Consilia relatifs à l’usure montre la place importante du sujet dans les préoccupations des canonistes. Pour nous en tenir à deux des recueils les plus célèbres, seize des 303 consilia de Frédéric de Sienne et dix-huit des 443 consilia de Pierre d’Ancharano s’y rapportent. On trouve réponse à des difficultés précises, avec une grande abondance de citations, dans les Consilia de Paul de Castro, de Zabarella, de Tartagnus ; les Quæstiones de Jean André et de Panormitanus (Selectæ quiestiones…, Cologne, 1570) ; les Repetitiones de Johannes Calderini, d’Antoine de Burgos (Repetitiones in iure canonico, Venise, 1587). Toute cette littérature a été jusqu’à ce jour, presque entièrement négligée par les historiens de l’usure. Le Repertorium de Johannes Bertachinus de Fermo († 1497), table de la littérature canonique du Moyen Age, et dont nous utilisons l’édition de "Venise, 1577, nous dispensera de multiplier les références dont lui-même est rempli, concernant les disputes d’école.

Sur les lois et sur la leçon des grands canonistes, on consultera, outre l’ouvrage déjà cité de K. Lessel, G. Salvioli, La dottrina dell’usura secondo i canonistie i civilisti italiani dei secoli XIIIe XIV, dans Studi Fadda, t. ii, 1906, p. 259-278, et l’excellent article de Mac Laughlin, The Teaching oj the canonists on Usury, dans Mediœval Sludies, 1939, t. i, p. 81-147. (Un second article, sur les sanctions, a dû paraître au cours de la guerre.)

c) Jurisprudence. — L’application de la loi est attestée par la correspondance des papes qui fournit un bon nombre de solutions : voir les Tables (celle de Grégoire IX, que publiera bientôt M. Carolus-Barré, contient une vingtaine de lettres relatives à l’usure) ; par les trop rares débris des archives d’ofïicialités, cf. J. Petit, Registre des causes civiles de l’officialité épiscopale de Paris, 1384-1387, Paris, 1919, préface ; par des actes de la pratique (testaments, contrats, etc.) et des mentions dans les chroniques.

2. Les théologiens.

Puisque les Écritures sont l’aliment de base de la pensée chrétienne et qu’elles contiennent une série de textes contre l’usure, c’est aux biblistes que l’on sera d’abord enclin à demander la définition des principes. Mais l’usure ne les inspire guère et quand ils s’y arrêtent, leur méthode allégorique nous prive généralement de toute précision juridique. Le Deutéronome, si embarrassant, n’a guère été glosé. De grands théologiens sont muets sur le ps. xiv (par exemple Prévostin, Bibl. nat., ms. lat. 454, Pierre de la Palu, Bibl. Maz., ms. 223), sur le verset même de saint Luc (par exemple Petrus Comestor, Bibl. nat., ms. lat. là 269), ou bien répètent la glose ordinaire sur les Psaumes (ainsi, Godefroid de Bléneau, Bibl. Maz., ms. 180, fol. 153). On ne s’étonnera point qu’Albert le Grand, si attaché à l’exégèse littérale, nous offre meilleure pâture, notamment dans son commentaire de saint Luc. Saint Thomas, dans sa Glossa continua (=Catena aurea) suivra des habitudes plus archaïques.

La réflexion des théologiens s’exercera principalement sur les Sentences. La dist. XXXVII du 1. III sera le lieu normal des commentaires, et aussi la dist. XV du t. IV, qui traite de l’aumône et de ses sources impures. Beaucoup d’auteurs négligent un sujet si peu métaphysique (Bonaventure, Richard de Mediavilla ) ou se bornent à reproduire leur modèle (Alexandre de Halès). Tout l’essentiel se trouve dans une demi-douzaine d’illustres : Guillaume d’Auxerre, Surnma in IV Libros Sententiarum, t. III, tr. xxvi, dont l’exposé est neuf, dru et pertinent ; Albert le

Grand et saint Thomas, Durand de Saint-Pourçain et Pierre de la Palu énoncent sur la dist. XXXVII du 1. III la doctrine classique. Les explications de Duns Scot sur la dist. XV du 1. IV n’ont pas l’originalité qu’on leur prête. Un résumé excellent de toutes les conclusions est présenté par Gabriel Biel, In IV am Sententiarum, dist. XV, q. xi, Brescia, 1574, p. 398428.

Autres manuels fondamentaux : les œuvres d’Aristote. A peine parue la version de Bobert Grosseteste, Albert le Grand la prenait pour base de ses leçons, à Cologne, devant un auditoire où figurait Thomas d’Aquin. Ce premier commentaire est inédit ; celui que l’on a publié est postérieur à 1257. Cf. A. Pelzer, dans Rev. néo-scol., t. xxiv, 1922, p. 333-361 et 479520. Thomas d’Aquin fit son commentaire vers 1260. La Politique fut commentée par Albert et par Thomas vers 1208.

Les deux Sommes théologiques de saint Thomas et de saint Antonin de Florence ont eu beaucoup plus d’influence que tous les commentaires. Saint Thomas traite de l’usure à propos de la justice, ll^-ll s, q. lxxviii ; il établit le caractère illicite de l’usure, exercée à l’occasion du mutuum, du côté du prêteur (a. 1) comme de l’emprunteur (a. 4), quelles que soient la nature du supplément versé (a. 2), et les limites du devoir de restituer (a. 3). Saint Antonin place sous le titre de l’avarice cinq chapitres concernant l’usure. En outre, plusieurs chapitres sont consacrés aux montes, aux fraudes, au turpe lucrum et un titre entier à la restitution. Summæ sacræ theologise, juris pontificii et cœsarei Pars secunda, Venise, Juntas, 1571, tit. i et il. Cf. R. Morçay, Saint Antonin, archevêque de Florence, Paris, 1914, p. 306-372 ; B. Jarrett, S. Antonino and Mediæval Economies, Londres, 1914.

Parmi les ouvrages généraux qui ont fait large place à l’usure, il convient de relever le Verbum abbreviatum de Pierre le Chantre, P. L., t. cev, col. 150-159, et le Spéculum de Vincent de Beauvais. L’exposé du Spéculum doctrinale, t. X, c. cii-cxxiv, rassemble les axiomes communément admis vers 1260 et leur assure une large diffusion. Édit. de Douai, 1624, t. ii, col. 950-972. Le Spéculum morale qui a circulé sous le nom de Vincent contient aussi une longue dissertation De usura, t. III, dist. XI, pars VII, éd. Douai, t. iii, col. 1295-1309. Cf. B.-L. Ullmann, dans Spéculum, 1933, p. 312-320.

Un des moyens de la lutte contre l’usure était la prédication. Il y aurait à explorer tous les sermonnaires, non pour y découvrir des thèses inédites, mais pour percevoir l’adaptation populaire de la doctrine. Jacques de Vitry et Etienne de Bourbon, au xiiie siècle, saint Antonin de Florence et saint Bernardin de Sienne, au xve, donnent à la fois le ton et le modèle. Pour mieux impressionner leurs auditeurs, les prédicateurs contaient souvent des histoires édifiantes qui traduisent en langue vulgaire les préceptes canoniques et moraux. J.-Th. Welter, L’exemplum dans la littérature religieuse et didactique du Moyen Age, Paris, 1927, p. 240, 251, 288, 311, 382 ; La Tabula exemplorum secundum ordinem alphabeti, recueil d’exempla compilé en France à la fin du XIIIe siècle, Paris, 1920 : voir la table aux mots Usure et Usuriers.

Nous puiserons souvent dans la littérature du for interne, représentée par les Pcnilentiels et par les Sommes des confesseurs qui forment une mine, peu exploitée, de problèmes et de textes, depuis le milieu du xiie jusqu’à la fin du xve siècle. Cf. J. Dieterle, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichle, 1903, p. 353374, 520-548 ; 1905. p. 59-81 ; A. van Hove, Prolegomena ad Codicem…, Rome, 1945, p. 512-517, avec bibliographie ; le chapitre final de R. Stintzing, Geschi chte der populàren Literatur…, Leipzig, 1807, reste