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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/41

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16Il TRINITÉ. LES PÈRES APOSTOLIQUES 1612

En d’autres passages, on rencontre encore la mention des trois personnes divines : « Les apôtres donc, ayant reçu les instructions (du Christ) et pleinement convaincus par la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et affermis par la parole de Dieu, avec l’assurance du Saint-Esprit, partirent pour annoncer la bonne nouvelle. » I Cor., xlii, 3. « N’avons-nous pas un seul Dieu et un seul Christ et un seul Esprit de grâce répandu sur nous, et n’y a-t-il pas une seule vocation dans le Christ ? » I Cor., xlvi, 6. L’auteur ne s’arrête pas à discuter ces formules toutes simples. Elles expriment la foi traditionnelle et ne présentent à ses yeux aucune difficulté.

Ignace d’Antioche.

Saint Ignace est une âme de feu. Ses lettres, écrites sur le chemin du martyre, respirent d’un bout à l’autre l’enthousiasme et l’amour. Le témoignage qu’elles nous apportent n’est pas celui d’un calme théologien, écrivant dans le silence de sa bibliothèque, mais celui d’un mystique qui aspire de toutes ses forces à être uni au Christ, son inséparable vie.

On ne trouve, dans ces lettres, que de rares mentions des trois personnes divines unies dans la même formule. Les textes essentiels sont ceux de la lettre aux Magnésiens, xiii, 1-2 : « Ayez donc soin de vous tenir fermement attachés aux préceptes du Seigneur et des apôtres, afin de réussir en tout ce que vous entreprendrez selon la chair et l’esprit, en foi et en charité, dans le Père, le Fils et l’Esprit… Soyez soumis à l’évêque et les uns aux autres, comme Jésus-Christ, dans la chair, le fut à son Père et les apôtres au Christ, au Père et à l’Esprit, pour que votre union soit selon la chair et l’esprit. » On peut y ajouter un passage de la lettre aux Éphésiens, ix, 1 : « Vous êtes les pierres du temple du Père, préparées pour l’édifice que construit Dieu le Père, élevées jusqu’au faîte par la machine de Jésus-Christ, qui est sa croix, l’Esprit Saint servant de câble. » Le symbolisme peut paraître étrange. De notre point de vue, il n’en a que plus d’intérêt, parce qu’il montre à quel point s’imposait dans l’esprit de saint Ignace la pensée des trois personnes divines. Il fallait qu’elles trouvassent toutes les trois une place dans son imagerie, même au prix de quelque incohérence.

Le plus souvent, saint Ignace se contente pourtant de mentionner le Père et le Fils, alors que l’Esprit reste plutôt dans la pénombre. Nous n’avons pas à reprendre l’étude détaillée des textes, qui concernent plutôt la christologie que la théologie trinitaire. Il faut cependant souligner que, pour saint Ignace, d’une part le Christ est véritablement Dieu et d’autre part le Fils est véritablement distinct du Père, car ces deux points ont fait difficulté.

Le Christ est vraiment Dieu : nombreux sont les passages où saint Ignace lui donne ce titre : Ephes.’, inscr. ; i, 1 ; vii, 1 ; xv, 3 ; xviii, 2 ; xix, 2 ; Trall., vii, 1 ; Rom., inscr. ; iii, 3 ; vi, 3 ; Philad., vi, 3 ; Smyrn., i, 1 ; x, 1 ; Polyc, viii, 3. Peut-être même pourrait-on dresser une liste plus imposante. S’il est vrai que le plus souvent le saint martyr, en parlant du Christ, le qualifie de : « mon Dieu », ou de : « notre Dieu », l’adjonction d’un adjectif possessif ne doit pas être interprétée comme une restriction dans l’affirmation de la divinité, mais comme une marque de tendresse et de confiance. Ce n’est d’ailleurs pas par l’incarnation que le Christ est devenu Dieu, car il existait sans commencement : « Il n’y a qu’un médecin, chair et esprit, ayant un commencement et n’en ayant pas, Dieu devenu en chair, vie véritable dans la mort, né de Marie et de Dieu, d’abord passible et puis impassible, Jésus-Christ, Notre-Seigneur. » Ephes., vii, 1. Ce texte remarquable oppose nettement les deux états du Christ, avant et après l’incarnation. En tant qu’il est charnel, le Christ partage toutes nos infirmités : il est gennetos', il est mortel, il est né d’une femme, il est passible ; mais, en tant qu’il est spirituel, il est agennetos, il est la véritable vie, il est de Dieu, il est impassible ; disons sans hésitation, et plus simplement, il est Dieu.

Cependant, il est également distinct du Père. Quelques critiques, Loofs en particulier, prétendent que, selon saint Ignace, la distinction du Père et du Fils n’a commencé qu’à l’incarnation et que l’incarnation seule a fait du Christ le Fils de Dieu ; et ils croient en trouver la preuve dans quelques passages où l’évêque d’Antioche déclare que le Christ est pneumatikos enomenos to Patri Smyrn., iii, 3, ou encore que le Christ aneu tou Patros ouden epoiesen, enomenos on, , Magn., vii, 1. Il suffit de lire ces passages pour se rendre compte qu’ils se bornent à reprendre des affirmations chères à saint Jean : sans le Père, le Christ ne fait rien ; le Père et le Christ sont une seule chose. Ni saint Jean, ni l’Église n’ont songé à nier l’unité de Dieu qu’affirme fortement saint Ignace, mais ils n’ont pas davantage pensé que cette unité empêchât la distinction des personnes. L’évêque d’Antioche n’écrit-il pas d’ailleurs : « Jésus-Christ, avant les siècles, était près du Père, et à la fin il est apparu », Magn., vi, 1. Ou encore : « Il n’y a qu’un Dieu, qui s’est manifesté par Jésus-Christ, son Fils, qui est son Verbe, sorti du silence, qui a plu en tout à celui qui l’a envoyé. » Magn., viii, 2.

La lettre du pseudo-Barnabe.

— Nous n’avons pas grand-chose à dire sur la lettre de Barnabe, qui date, semble-t-il, de la première moitié du IIe siècle. Le but de l’auteur est de montrer que la propriété de l’Ancien Testament a passé des Juifs aux chrétiens et que seuls ces derniers ont désormais le droit de l’interpréter. Pour le faire correctement, ils devront employer la méthode allégorique : l’auteur donne de cette méthode de nombreux exemples.

Dans ces conditions, la théologie ne tient pas de place chez lui, et son langage, pour parler de Dieu et du Christ est celui du peuple chrétien : ne dit-il pas lui-même : « Pour moi, ce n’est pas comme un docteur, c’est comme l’un de vous que je vous présenterai quelques enseignements. » Barn., i, 8. Il lui arrive ainsi d’appliquer indistinctement au Père et au Fils les mêmes expressions, si bien qu’il est difficile de savoir de qui il veut parler : Dieu est le Seigneur du monde entier, mais le Christ aussi est le Seigneur du monde entier, xxi, 5 ; v, 5. L’inspiration des prophètes est rapportée tantôt au Maître, i, 7 ; tantôt au Fils, v, 6. Cela ne veut pas dire que Pseudo-Barnabé confonde le Père et le Fils, mais seulement qu’il croit de toute son âme à la divinité du Fils, car, en bien des endroits, il distingue nettement les deux personnes, par exemple lorsqu’il rappelle que Dieu a dit à son Fils dès la création du monde : « Faisons l’homme à notre image. » v, 5. Le Père et le Fils sont nommés à chaque instant le long de l’épître. Par contre l’Esprit-Saint y apparaît rarement : le seul passage à retenir est celui-ci : « Je vois en vous l’Esprit répandu sur vous par l’abondance de la source du Seigneur. » i, 3.

La deuxième épître de Clément.

Des remarques analogues peuvent être faites au sujet de l’homélie connue sous le nom de seconde lettre de Clément : écrit de catéchèse élémentaire, cette homélie ne prétend ni tout dire ni à plus forte raison tout expliquer.

Dès le début, l’auteur marque nettement sa position : « Frères, il nous faut considérer Jésus-Christ comme Dieu, comme juge des vivants et des morts, et il ne faut pas que nous ayons une pauvre idée de notre salut. Car si nous n’avons de Jésus qu’une pauvre idée, nous n’espérons recevoir de lui que peu de choses. » II Cor., I, 1. Cette affirmation est très claire : les chrétiens reconnaissent la divinité de Jésus et ils