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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/418

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USURE. L’ÉPOQUE CLASSIQUE, LES SANCTIONS

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que l’idée de doute, d’incertitude sur le profit, excluant toute espérance ferme, qui a légitimé aux yeux des docteurs la prime des opérations à terme. Gabriel Biel justifie bien la ratio dubii dans ces opérations : « l’acheteur et le vendeur attendent sur pied d’égalité le profit ou la perte ». Op. cit., p. 404.

IV. Sanctions.

Découvrir les usuriers est un des soucis de la police ecclésiastique. Elle établit les conditions de la notoriété. Elle impose aux témoins synodaux la dénonciation des coupables. Elle utilise à cette fin la confession privée.

Les usuriers manifestes sont spécialement visés par le IIIe concile du Latran, Décrétâtes, t. V, tit. xix, c. 3 (Quia in omnibus) et par le IIe concile œcuménique de Lyon, Sexte, t. V, tit. v, c. 2 (Quanquam usurarii). Tout usurier manifeste peut être puni sans accusation, Décrétâtes, ibid., c. 15 (Cum in dicecesi). Cette qualité résulte, observe Jean André, de la notoriété de droit ou de la notoriété de fait. La première est attachée à une condamnation judiciaire, la seconde offre plus de variétés et donne lieu à plus de discussion : l’exercice public de la profession suffit. La commune renommée, l’aveu extrajudiciaire, la production des livres de comptes ne suffisent point, au gré de nombreux auteurs : mais la réunion de ces preuves ferait pleine foi. Panormitanus, in c. 3, Décrétâtes, 1. V. lit. xix. Références dans Bertachini, op. cit., p. 327. Ajoutez saint Antonin, op. cit., c. 10, pr., Zabarella C.ons. LXXXI. On trouvera l’exposé et la discussion des avis contradictoires dans Laurent de Rodulphis, op. cit., fol. 30, n. 11-13. La recherche des usuriers est une des nombreuses préoccupations de l’évêque au cours de sa visite. Réginon de Priim l’avait inscrite dans le programme des évêques germaniques, au xe siècle, et la tradition persévérait. Nous le savons par les procès-verbaux conservés.

L’administration du sacrement de pénitence permettait d’obtenir des aveux et des révélations. Dans les questionnaires composés pour les confesseurs, l’usure tenait sa 7>lace. Bobert de Courçon souhaitait que l’on infligeât pour pénitence aux paroissiens « au lieu des jeûnes, aumônes et satisfactions ordinaires, l’obligation d’accuser les usuriers. C’est un devoir de charité, au même titre que la dénonciation des hérétiques ». Op. cit., p. 81.

L’usurier commet à la fois un crime et un péché. Il relève du tribunal de la pénitence en même temps que du tribunal public. Au for interne, la répression est assurée par le confesseur. Au for externe, quel sera le juge compétent ? Plusieurs textes, au Corpus juris canonici, semblent répondre : le juge ecclésiastique, Décrétâtes, t. V, tit. xix, c. 3 : Sexte, I. Y. tit. iii, c. 2 ; Clan., I. II, tit. i, 2. Mais la doctrine se divisait, distinguant le fait et le droit, le criminel et le civil. Les grands décrétistes (Huguccio, Laurentius, Archidiacoti us) et quelques décrétantes (Goffredus) renvoient le laïque au juge laïc, le clerc au juge ecclésiastique. Jean André, dans sa glose des Clémentines professe la compétence exclusive de l’ollicial, in c. 2 (I)ispendiosam), n, 1, et Jean Lemoine en donne la raison : puisqu’il s’agit d’un crime commis principalement Contre Dieu, par l’abus des choses créées, la punition appartient à son vicaire. In Sexto, 1. Y, tit. v, c. 1. Panormitanus réserve à l’Église la détermination du délit, suivant, pour le cas où il a été consommé, l’avis des décrétistes. L’opinion commune, selon Berta cbini, est que les questions de lait, par exemple le ment des deniers iisuiaires. relèvent du juge lOIc, tandis que les questions de droit, comme les tarions sur la nature usuraire du cont rai, appartiendraient .m juge ecclésiastique. Plusieurs consilia

de Frédéric (le Sienne (17, 96, etc.) et de Lierre d’An

eharano (179, 234, 236, 306, etc.) abordent les rap ports entre les divers fors ecclésiastique et séculier.

En fait, la compétence appartient aux deux justices, elle est mixte. Paul Fournier, Les o/licialilés au Moyen Age, Paris, 1880, p. 93. Elle tend, au xive siècle, à s’unifier au profit du roi. O. Martin, L’assemblée de Yincennes…, Paris, 1909, p. 33(3. Cependant, au moins dans le Midi, l’official défend son droit jusqu’à la fin du Moyen Age. R. Aubenas, Recueil de lettres des officialités de Marseille et d’Aix, 2 vol., Paris, 19371938, n. 44, 64, 108, 125, 239, 241, 332. Encore en 1433, l’officiaHté archidiaconale et l’officialité épiscopale de Paris se disputent la cause d’un usurier. L. Pommeray, L’ofjicialité archidiaconale de Paris aux.Yi>'-_i/e siècles, Paris, 1933, p. 59. Le pape, recevait de nombreuses plaintes, qu’il faisait examiner et qu’il dirimait. Voyez les tables des Regesta, au mot : Usura et, pour la Belgique, Bigwood, op. cit., p. 575 sq.

Sort de l’usurier.

L’usurier est frappé de châtiments

spirituels. On le contraint à restituer. Enfin, il subit des peines temporelles.

1. Peines spirituelles.

L’usurier public est excommunié, privé de sépulture s’il meurt dans son péché, et le prêtre qui recevrait des offrandes pour son salut serait suspens. IIIe concile du Latran, can. 25 = Décrétâtes, 1. Y, tit. xix, c. 8 (Quia in omnibus). L’excommunication des laïques ne cesse qu’après satisfaction. Ibid., c. 7 (Prœlerea). Elle emporte, selon certains canonistes, comme Abbas antiquus, l’interdiction non seulement de communier mais encore d’entrer à l’église pendant la célébration des mystères. Jean d’Anagni donne les raisons théologiques de cette interprétation rigoureuse, que Panormitanus adopte pour des raisons pratiques. //) c. -ï. Décrétâtes, t. V, tit. xix. Privation de sépulture signifie que l’usurier qui meurt avant restitution effective ne sera point inhumé au cimetière ni accompagné par les prêtres. Cf. A. Bernard, La sépulture en droit canonique du Décret de Gratien au concile de Trente, Paris, 1933. Le canon 27 du IL concile de Lyon (1274), Sexte, 1. Y. tit. v, c. 2 (Quanquam) précise : même s’il avait ordonné par testament la restitution. Les contrevenants et notamment les moines seront frappés des peines statuées au III 1’concile du Latran contre les usuriers. Clément Y précise : excommuniés ipso facto. Clémentines, t. III, tit. vii, c. 1 (Los). La détermination des personnes visées suscita d’interminables closes, où le cas de tous ceux qui collaborent a la cérémonie, ébénistes et fossoyeurs, porteurs de la croix, des cierges, du corps, administrateurs du cimetière, et même simples assistants, fut discuté avec minutie. Voyez Jean André et surtout Jean d’Imola, Super Clementinis, in c. 1, t. III, tit. vii, et sur les conditions du refus de sépulture à l’usurier, le Cons. CLXX12 de Pierre d’Aueharano. Menaces et ordres d’exhumation se lisent dans la correspondance des papes. Cf. Regesta de Grégoire IX. n. l 158 et 272.N. Le refus des oblations était, selon la majorité des auteurs, une peine propre à l’usurier, non point la peine de tous les pécheurs manifestes. Panormitanus, in c, 3, Décrétâtes, l. V, tit.XIX.Un prêtre qui accepterait de les recevoir pécherait mortellement, (doses in c. L Décrétâtes, I. V, tit. v. Point d’offices ni de prières pour le repos de son âme : connut-il jamais le repos dans son industrie criminelle ? Welter, inhala…, p.."> et 82 : « Ils vendent la lumière du jour et le repos de la nuit ; morts, ils ne peuvent avoir ce qu’ils ont vendu.

Le clerc usurier est exclu des rangs ^ clergé par

mcile de Nicée. En droit classique, il est suspens

de son office et de son bénéfice. Décrétâtes, l.V, tic xix.

c. 7 (Prteterea) et (il. xxxi. c n (Inter dileclos).

L’exercice de l’usure rend indigne non seulement

d’occuper mais de postuler une fonction ecclésias-