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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/428

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2385 USURE. A LA RECHERCHE D’UNE THEORIE NOUVELLE

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coutume de regarder les premiers comme les propriétaires de l’entreprise, partageant ses vicissitudes, touchant des dividendes variables suivant les heureuses ou mauvaises chances. Les seconds ne seraient que des pilleurs réclamant un intérêt fixe, sans attaches avec l’affaire dont ils ignorent les aléas. Mais cette distinction deviendrait assez factice, si obligataires, comme actionnaires, à des degrés différents peut-être, mais de façon effective toujours, prenaient leur part des risques et des responsabilités que comporte leur souscription. Tous alors acquerraient, par là même, un brevet d’association.

Ajoutons même que les obligataires pourraient, en régime économique assaini, éviter certaines critiques auxquelles déjà aujourd’hui leurs titres donnent moins prise que ceux des actionnaires. Car ces actions, par les variations de leurs dividendes, par le changement de valeur de leur capital encouragent et stimulent les opérations boursières dans leurs fièvres désordonnées. L’obligation, par la constance de son titre et de son revenu, est d’un comportement plus sage.

3° Une notion plus moderne de l’usure — Nous en avons fini avec la longue discussion qui a occupé tant de siècles. L’usure, aujourd’hui, n’est plus entendue comme signifiant l’intérêt, modéré ou excessif, de l’argent dans le contrat de prêt. Et l’on réserve désormais le terme pour marquer, de façon péjorative, les taux abusifs de cet intérêt considéré, en lui-même, comme légitime. Mais à côté de ce sens ainsi vulgarisé, il en est un autre, moins usité, plus complexe, qui rouvre certains débats dont il faut ici dire, au moins, l’importance. L’usure est prise comme synonyme du profil que s’attribue le capital dans les entreprises industrielles modernes.

Ce n’est plus alors l’argent qui, en raison de sa nature, serait considéré comme stérile. Et les économistes, dont nous allons rapporter les dires, ne font aucune difficulté d’admettre que, fût-ce dans le contrat de prêt, l’argent, ou, comme ils disent, les capitaux, représente le capital de l’affaire et en a toutes les qualités. Mais c’est ce capital lui-même que certains de ces économistes déclarent sans effet direct sur la valeur du produit fini et, par conséquent, sans droits réels pour s’en attribuer le profit.

1. La nature du capital.

Nous sortirions ici de notre sujet si nous voulions entrer dans les controverses qui se mènent autour du capital et de sa nature. Disons seulement qu’il est devenu classique de distinguer, parmi les forces, qui coopèrent dans les entreprises, la nature, le capital, el le travail.

Et ce capital, Indépendamment des avis divers a son sujet, est généralement entendu comme l’ensemble des instruments qui, élaborés par une opération antérieure, servent aux productions suivantes, fout l'équipement des usines rentre, sans conteste, dans celle catégorie.

a) I.r capital est-il producteur ? — Répondre affirmativement à celle question, c’est admettre qu’en toute entreprise, normalement conduite, le capital a joué un rôle dans l’accroissement de valeur qui résulte pai hypothèse et finalement de l’opération. Entendons-nous sm ce point. Il ne suffit pas que ledit capital ail fourni un support matériel, un concours même indispensable, comme il est I rop évident. Il ne sullil pas non plus que l’on retrouve, dans le produit fini, la valeur même que le capital y a introduite par

le f : iil de son in I er en I ion. Car alors il suffirait aussi

de rembourser, dans le bilan' final, l'équivalent de (die valeur empruntée et employée. Mais, pour qu’il Y ail production réelle. Illiplllahle au capital, il faut

qu’une pari de la valeur augmentée soft due a ce capital comme.i sa cause efficiente. Est-ce le cas7

Parmi les réponses négatives, la première, qui date de cent cinquante ans, est celle des physiocrates. A les entendre, seule la nature, par l’intermédiaire de l’agriculture, des mines…, était la source des richesses. Seule elle fournissait des ressources neuves que l’industrie et le commerce ne pouvaient que transformer et transporter. Cette théorie était basée sur une fausse idée de la valeur. Celle-ci ne consiste pas dans le seul apport de matières premières nouvelles, mais elle possède aussi des adaptations, des utilités acquises par ces produits du sol, sans même que leur volume augmente.

Si les physiocrates exagéraient ainsi, jusqu'à le rendre exclusif, le rôle de la nature, d’autres, après eux, n’ont plus accordé, à l’inverse, aucune efficacité productrice sinon au seul travail humain. C’est que la valeur était considérée, par eux, comme la valeur marchande, la valeur d'échange. Et ils disaient que l’unique élément de cette valeur était le labeur comme incorporé dans le produit vendu. Ricardo, l'économiste anglais, l’affirmait pour la rente de la terre. Et K. Marx, faisant passer la théorie des champs à l’usine, le déclarait pour l’industrie. Nous ne saurions même résumer ici, une fois de plus, le système arbitraire de ce dernier. Il repose, à sa base, sur cette considération que des objets hétéroclites s'échangent ou se vendent au même prix. La seule qualité commune capable d’expliquer cette identité de tarifs serait, d’après Marx, la quantité de travail qu’ont exigée ces marchandises et qui leur est incluse.

C’est oublier ou vouloir méconnaître que la valeur est faite de la rareté ou de l’abondance des produits, de leur adaptation aux besoins de la clientèle et que, si le travail a, dans cette élaboration, la première part, le capital, comme cause instrumentale, intervient de manière singulièrement efficace.

On est un peu étonné de voir certains catholiques, dans leur zèle louable à dénoncer les abus de l’argent, passer ici les bornes et rejoindre, sur ce point, les positions socialistes, tout en maintenant, par ailleurs, les droits de la propriété privée. C’est ainsi que M. de la 'four du Pin, naguère, qualifiait d’usure tout intérêt prélevé dans un contrai de prêt, non plus seulement parce que l’argent prêté serait stérile, comme le disaient les anciens, mais parce que le capital, fourni par cet argent, sérail lui-même inerte. « …La productivité du capital est une de ces expressions qu’il ne faul pas prendre à la lettre, mais traduire par cette périphrase : la productivité du travail au moyen du capital. Ce n’est pas la charrue qui travaille, c’est le laboureur : donc c’est lui qui produit et non pas clic, bien qu’il ne pourrait produire sans elle. Il est donc inexact de dire qu’il v ail deux facteurs du produit ou agents de la production ; il n’y en a qu’un, le travail, qui produit à l’aide des agents naturels qu’il rencontre et des agents artificiels qu’il a lui-même

créés, m l.a 'four du Pin, Vers un ordre social chrétien.

î' éd.. p. 7(1.

Sans doute, mais ces - agents artificiels » n’en repré centent pas moins une « capture i de forces antérieures el actives qui s’associent au labeur du travailleur actuel pour augmenter son rendement et donc sa

valeur. El le capital, qui fournit ces réserves, a droit de se présenter, lors du règlement des comptes, comme ayant participé à l'œuvre productrice.

b) l.e capital et le profil. Nous avons supposé

admis, dans tout ce qui précède, l’axiome qui domine l'économie moderne. C’est que l’effort de la production a pour résultai normal d’accroître les ressources dont dispose le monde, de livrer à la société plus de valeui

utilisable quc les entreprises agricoles, Industrielles,

n’en oui demandé et absorbé pour faire leur uurc. Il y a eu plus value -. Mais, s’il y a eu excédent de