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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/447

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UTRECHT (EGLISE D'). RÉTABLISSEMENT DE LA HIÉRARCHIE
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Tant qu’ils vécurent, ils auraient dû pourvoir aux besoins spirituels de leurs diocèses ; puisque leur cause était la cause de l'épiscopat et de leurs églises, un devoir s’imposait à eux : ils devaient assurer des évêques à leurs Églises tant que la cause ne serait pas jugée selon les règles du droit, liie pendenle, nihil innovetur. Ce dernier devoir était d’autant plus urgent que ces prélats n’avaient pas appelé au concile, et, par suite, leur cause devait s'éteindre à la mort du dernier opposant. Cette précaution aurait empêché que leur cause ne finît avec eux, et ils auraient ainsi sauvé leurs Églises. D’autre part, ils ont eu tort de prescrire aux fidèles la rupture de communion avec le clergé du concordat. Le principal coupable était le pape, cependant ils ont bien l’ait de ne pas se séparer du pape, car ils auraient provoqué le schisme. Pourquoi se sont-ils séparés des évêques séduits par le pape ? Les évêques du Concordat, soutenus par le pape, croyaient agir dans l’intérêt de la religion et avec une autorité légitime ; donc les évêques nommés dans ces circonstances, n'étaient pas, à proprement parler, des intrus : ils avaient, peut-on dire, une juridiction contestée et un titre coloré… Il est injuste de rompre la communion avec des catholiques, quelque méchants qu’ils soient, tant qu’un jugement légitime ne les a pas chassés de l'Église, ou qu’ils ne la quittent pas eux-mêmes.

Les anticoncordataires furent quelque peu surpris de cette réponse ; ils gardèrent d’abord le silence ; puis, en novembre 1853, ils répondirent par des Observations sur l’exposé des sentiments de l'Église d’Utrechl. Ils expliquent pourquoi les évêques n’avaient pas jugé nécessaire de taire appel au concile : « On appelle de la sentence d’un tribunal, en qui l’on reconnaît le droit de juger, mais on forme opposition contre un acte fait sans ce droit. » Si les évêques n’ont pas pourvu aux besoins spirituels de leurs diocèses, c’est que la police de Bonaparte arrêtait les brochures et les lettres venues d’Angleterre. Ils ont rompu avec le clergé concordataire, pour la même raison qu’ils avaient ordonné de fuir les constitutionnels. D’après les principes posés par Pie VI, les évêques du Concordat étaient schismatiques et on ne pouvait communiquer avec eux sans participer à leur schisme.

Les évêques de Hollande avaient laissé apercevoir qu’ils ne pouvaient rien pour la Petite-Église, surtout parce que celle-ci n'était pas assez favorable au jansénisme. Ils avaient écrit : « En fait, les évêques opposés au Concordat, s’ils avaient eu des principes sains sur les droits de la primauté et de l'épiscopat, auraient fondé leur déclaration sur des bases plus solides et auraient trouvé une route plus sûre pour éviter le schisme. Mais nous savons qu’ils craignaient le spectre du jansénisme, et ils n’ont pas voulu entrer en contact avec l'Église de Hollande qu’ils condamnaient comme janséniste. Dès lors, l'Église de Hollande ne peut rien pour eux. »

En réalité, comme le fait remarquer C. Latreille, « l'Église de Hollande n’admet pas qu’on puisse avoir, pour se séparer de l'Église, d’autres raisons que les siennes », et c’est pour cela que l'Église de Lyon n’a pas trouvé grâce devant elle. Ajoutons que l’archevêque d’Utrecht aurait pu faire jouer le droit de dévolution dont avaient usé plusieurs de ses prédécesseurs pour nommer l'évêque de Haarlem et dont devait se servir un de ses successeurs, en 1893, pour créer à Paris une paroisse pour la petite Église française de Loyson.

La Petite-Église de Lyon et la Petite-Église du Poitou continuèrent de s’opposer au Concordat ; à l’occasion du concile du Vatican, elles firent des démarches à Rome, par l’envoi des Réclamations canoniques et d’un Mémoire, qui expliquait leur attache ment aux anciens évêques de France ; deux délégués allèrent à Rome et l'évêque d’Oran, Mgr Callot, de passage à Lyon, les encouragea et promit de défendre leur cause au concile. Sur la suite qui fut donnée à ces démarches, voir t. i, col. 1376.

R. P. Drochon, La Petite-Étjlise. lissai historique sur le schisme anticoncordataire, Paris, 1894, in-8° ; Camille Latreille, Après le concordat ; l’opposition de 1H03 à nos jours, Paris, 1900, in-16 ; La petite- Èalise de Lyon, Lyon, 1911, in-16 ; Van Riel, La Petite- Êijlise, dans Internationale kirchliche lcilschrit de 1938, p. 30-43 et 65-77 et ici l’art. Anticoncokdataires, col. 1372-1378 ; notes ms.


XII. Rétablissement de la hierarchie catholique en Hollande (1853). —

Dès que les catholiques de Hollande obtinrent au xviie siècle le libre exercice du culte, il fut question à Rome de rétablir la hiérarchie, mais les libéraux, les protestants et l'Église d’Utrecht s’opposèrent constamment à cette restauration. Au milieu du xixe siècle, les démarches devinrent très actives. Des échanges de notes entre l’internonce apostolique, Belgrado, et le ministre des affaires étrangères, van Sonsbeeck (9 décembre 1851-14 août 1852), avaient abouti à cette conclusion : rien ne s’oppose à ce que le Saint-Siège organise librement l'Église catholique en Hollande, pourvu qu’il reconnaisse que le gouvernement des Pays-Bas est libéré de tous les engagements résultant des concordats de 1 827 et de 1 84 1. Par les Lettres apostoliques Ex qua die du 4 mars 1853, le pape Pie IX. rétablissait donc la hiérarchie dans les Pays-Bas et il nommait un archevêque à Utrecht et quatre évêques à Bréda, Haarlem, Bois-le-Duc et Ruremonde. Voir Ami de la religion des 5 et 7 mai 1853, p. 286-292, 310-318. Mais des difficultés surgirent bientôt.

Le gouvernement aurait voulu avoir communication préalable des Lettres apostoliques, non point, disait-il, pour s’ingérer dans une affaire où il n’avait aucun droit d’intervenir, mais pour fixer l’attention du Saint-Siège sur des projets qui pouvaient donner lieu à des difficultés. C’est ainsi, disait le ministre, que nous aurions déconseillé sans doute d'ériger un siège archiépiscopal dans une ville, connue par l’intolérance de ses habitants. Nous aurions montré le danger qu’il y avait à représenter le rétablissement de l'épiscopat comme une conséquence nécessaire des progrès du catholicisme dans les Pays-Bas et à rattacher cette mesure à la situation du pays, antérieure au xvie siècle. Nous aurions insisté sur la nécessité de s’abstenir de toute expression qui pût blesser, même de loin, la susceptibilité irritable des croyances opposées. C’est pourquoi il redoute des oppositions.

Des adresses et des pétitions furent de fait répandues dans les moindres villages par les protestants, qui se montrèrent indignés de ce que les Lettres apostoliques appelaient « hérésies » toutes les doctrines qui s'étaient séparées du catholicisme. Des mots violents furent dits contre « le papisme et l’ultramontanisme ». Les débats parlementaires furent très agités. Par une lettre du 1 er juin 1853, le cardinal Antonelli déclara que le pape n’avait jamais promis de communiquer les Lettres apostoliques avant leur publication ; d’ailleurs, l'établissement de la hiérarchie était une conséquence naturelle du droit garanti par la loi fondamentale du royaume, à savoir que chaque communauté religieuse était libre de se donner l’organisation qui lui convenait. Ami de la religion, Il juillet 1853, p. 81-85. La question des serments des évêques, soulevée par le ministère van Hall, en mai-juin 1853, après quelques discussions, fut définitivement réglée. Ibid., 26 juillet 1853, p. 203-211, et 17 janvier LS54, p. 129-136. Le rétablissement de la hiérarchie continua à provoquer une vive résistance dans quelques milieux protestants, qui fondèrent une société dont