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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/474

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VALENCIA. DOCTRINES, PRÉDESTINATION


c) Dieu dans sa providence : prédestination et réprobation. — Loin d’éliminer la contingence libre de nos vouloirs, la providence l’assure et la procure. Ratio est, quoniam aliquem eventum esse fulurum, vel non futurum, non certo providetur a Deo nisi simul cum respeclu ad id quod nos ad procurandum vel averlendum ejusmodi eventum libère facturi sumus… Quare cum ipsi quidem ignoremus, quid de aliqua re jutura vel non jutura eveniat, adhibere ad id debemus orationes et consilia nostra, tanquam per média quædam, provisa etiam a divina providenlia, rem eam eventuram esse, vel non eventuram. Ibid., q. xxii, punct. 3, col. 448. Évitables pour la volonté qui, avec sa maîtrise créée, les détermine, ces événements sont donc évitables simpliciier. C’est seulement pour Dieu, qui les prévoit en pénétrant cette détermination créée, que leur accès à l’être est inévitable. En ce sens, l’École les dit inévitables secundum quid.

Suivant de près saint Thomas, Valencia consacre à la prédestination la q. xxiii, qu’il divise en six points. Le principal est le quatrième, correspondant à l’art. 5 de la Somme. Après avoir amplement réfuté, comme hérétiques, certaines opinions dites d’Origène ainsi que les théories pélagiennes et semi-pélagiennes, comme erronées, les assertions de terministes tels que Biel, Ockam, des théologiens dont parle Durand, d’Henri de Gand, puis d’une autre série de théologiens, Valencia pose l’opinion « commune » des théologiens orthodoxes : Thomas d’Aquin, Alexandre de Halès, Bonaventure, Duns Scot, Gilles de Rome, Grégoire de Rimini, Durand et Hervé, faisant écho à saint Augustin et au De vocatione omnium gentium. Il la formule en deux propositions, dont le contenu doctrinal est principalement dirigé contre Calvin. « D’abord, écrit le P. Le Bachelet, la thèse commune et indiscutable de l’absolue gratuité de la prédestination envisagée dans son ensemble. » Prédestination et grâce efficace, t. i, p. 14. Si, précisait Valencia, formulant la doctrine de l’art. 5 de saint Thomas, preedestinatio referatur ad omnes ipsius efjectus, nulla est ratio, seu causa ullo modo meritoria ipsius in prsedestinato, neque propter quam, neque sine qua non, sed in solam gratuitam Dei voluntatem referri débet. Ibid., q. xxiii, punct. 4, col. 476. Puis, poursuit le P. Le Bachelet, une seconde thèse formulée en des termes si manifestement pesés qu’il est nécessaire de les rendre mot pour mot : « Bien que ni la coopération du prédestiné, ni aucune autre de ses œuvres ne soit ni la raison, ni la condition, ni d’une façon quelconque la cause de la prédestination prise dans son ensemble, cependant Dieu ne prédestine pas ordinairement les adultes sans un rapport de sa divine prescience à la coopération persévérante du prédestiné, coopération due â l’exercice du libre arbitre soutenu par la grâce et constituant elle-même comme un effet et un moyen de prédestination, auquel se rattachent tous les autres effets de la prédestination. Si donc on ne doit pas dire que Dieu prédestine tels et tels parce qu’il prévoit de toute éternité qu’ils coopéreront à la grâce (par faute d’impression, le texte du P. Le Bachelet porte : à la gloire » ) et finalement persévéreront, comme si cette coopération était la raison, la condition ou la cause de la prédestination prise flans son ensemble, il n’en est pas moins vrai de dire que Dieu prédestine ordinairement tous les adultes et les m uk adultes qv’ll prévoit de toute éternité devoir coopérer à la grâce et persévérer jusqu’au bout. Ibid., p. 14-15 ; Commentaires, ibid., col. 482.

Cette seconde thèse, en effet très minutieusement formulée, Valencia déclare la poser contre Calvin et les sectaires. Elle atteindrait même tout un groupe de théologiens qui tiennent la première thèse. Est lumen nostra prorsUM ex mente divi Auguslini et dioi Thomas, Commentaire », ibid. Vu l’Importance capitale fie cette seconde thèse, Valencia insiste.

Il s’agit, précise-t-il en parlant de la prescience divine, d’un regard qui sit præscientia cooperationis ut actu fulurse absolute ; partant, de cette science de vision qua scilicet Deus novit cooperationem prædestinati, ut actu etiam absolute adhibebitur suo tempore a prædestinato. Ibid., col. 482-483. « Nous l’affirmons donc, poursuit Valencia, le décret éternel et efficace de Dieu, qui a pour objet le salut de l’homme et comprend la prédestination, ne précède pas logiquement en Dieu de tonte manière la prescience de la coopération future du prédestiné, mais cette prescience aussi est comprise dans le décret. » Ibid., col. 483. C’est la doctrine formelle de saint Augustin et de saint Thomas. Du premier qui, au c. x du De preedestinatione sanctorum, écrit : preedestinatio est, quæ sine præscientia non potest esse : potest autem esse sine prædestinatione præscientia. Prædestinatione quippe Deus ea præscivil quæ fuerat ipse faclurus ; du second qui, après avoir cité Augustin écrivant au c. xiv du De dono perseverantiæ : est prædestinalio sanctorum… præscientia, et præparalio beneficiorum Dei, qua cerlissime liberantur quicumque liberantur, conclut en ces termes : prædestinatio cerlissime et infallibiliter consequitur suum effectum : nec tamen imponit necessitalem, ut efjectus ejus ex necessitate proveniat. I a, q. xxiii, a 6. « Il est fort clair, remarque Valencia, qu’ici encore saint Thomas inclut dans la prédestination un regard relatif à la volonté coopératrice de l’homme. » Ibid., col. 493.

Après avoir, sur témoignages scripturaires et patristiques, établi sa seconde thèse, G. de Valencia en résume ainsi la preuve rationnelle :

Tout ce que la prédestination vise au titre d’effet est ou la coopération du prédestiné ou du moins quelque chose qui, en un sens, y est conjoint et, solidairement, contribue de sa valeur à la béatitude. Ainsi, la vocation, la réponse qui y est faite, la justification, l’observation des préceptes et les mérites, les grâces pour triompher du mal et persévérer dans le bien, le don de persévérance enfin, qui sont visés par la prédestination en tant que conjoints et solidaires, ont rapport à la coopération et, ensemble, contribuent à la béatitude. Donc, de soi, la prédestination vise aussi la coopération du prédestiné et l’inclut. À ce raisonnement de bon sens, Valencia en joint un autre, par l’absurde. Si, en effet, le décret de prédestination n’impliquait et ne contenait aucune prescience de la coopération du prédestiné, ou bien ce dernier pourrait en ne coopérant pas le rendre inefficace, ou bien sa coopération ne serait pas indispensable à l’accomplissement du décret, ou bien le décret nécessiterait la coopération : trois suppositions à la fois exhaustives et absurdes. Exhaustives, puisqu’elles ne laissent pas de place à une quatrième. Absurdes aussi, car, un décret divin de prédestination sans absolue certitude quant au résultat, ce résultat obtenu sans coopération du prédestiné ou avec une soi-disant coopération qui s’obtiendrait sans usage effectif du libre arbitre sont pareillement fictions déraisonnables. Ibid., col. 4 !)f>-497.

Il résulte de cet ensemble doctrinal sur la prédestination que, sans y contribuer proprement par sa coopération libre, l’adulte humain peut aliqtiid facere, quod si faciat, verum fueril dicere, ipsum ab œlcrno fuisse prædestinatum. Quant au comment du concours divin surnaturel ici indiqué, G. de Valencia.le discutera dans le traité de la grâce. Ibid., col. 514-515. Nous y viendrons plus loin en résumant sa théorie de la grâce efficace.

Contrairement à la prédestination, la réprobation est un acte par lequel Dieu, prévoyant leurs abus mortels, statue de ne pas empêcher l’impénitence finale de certains, de les exclure du ciel et de leur infliger une peine éternelle. Dieu veut ainsi, en ne leur octroyant pas la grâce qui les préserverait de cette Impénltence, glorifier sa justice. Comme la prédestination ne va pas sans prescience de la coopération humaine à la grâce, ainsi la réprobation inclut